Chapitre 25
Le défilé de Miss Provoc
Lévana
— Lev, ils arrivent !
Je soupire et lève mon visage en direction du pommeau de douche pour me rincer les cheveux et espérer gruger encore quelques secondes de plaisir et de calme.
— Nal’ki est là. Qu’est-ce qu’il fout avec eux ?
J’ai envie de rire en imaginant Gaspard à la porte-fenêtre qui donne sur la place tandis qu’Olivier est posté à la porte de la salle de bain pour me transmettre les infos qui lui sont données. Les espions en carton, une chance sur deux que mon frère soit déjà grillé.
— Ton pote est en train de leur dire qu’il n’y a pas besoin de fouiller le bar vu le temps qu’il y passe. Pas faux…
— Tu parles, il passe plus de temps à la reluquer qu’à nous espionner.
Ça, ça vient évidemment de Gaspard qui supporte de moins en moins la présence quotidienne de Nal’ki. Sa voix m’est parvenue de loin mais j’ai bien peur qu’il ait grillé sa dernière chance d’être discret.
— Pourquoi il les suit à l’intérieur, ce con ?
— Ils arrivent, Lev, vraiment, là.
— Cool, et donc, je sors avec un œil plein de mousse et les cheveux dégoulinants ?
— Ben… tu sors habillée, au moins, pas à poil !
— Dis à mon frère de se barrer chez lui au lieu de m’enquiquiner, grommelé-je en sortant de la douche.
— Gaspard, Lev dit…
— Ouais, je l’ai entendue ! marmonne mon frère en approchant de la porte.
Je ricane en le voyant se cacher les yeux. Malgré son aveuglement, il ne manque pas sa cible lorsqu’il frappe l’arrière du crâne d’Olivier.
— Arrête de mater ma soeur, abruti !
— Je fais plus que la mater, le nargue mon amant.
— Me cherche pas ! Et toi, tiens-toi à carreau, ça nous changera !
Je n’ai pas le temps de l’envoyer bouler qu’il s’efface, rejoignant sans nul doute la porte qui relie secrètement nos appartements. Olivier disparaît à sa suite, allant ouvrir alors que des coups ont retenti contre le battant de l’entrée. J’hésite quelques secondes à m’enfermer dans la pièce mais, souhaitant ne pas faire de vagues et me tenir à carreau comme on me l’a ordonné, je m’enroule rapidement dans une serviette et quitte la salle de bain pour constater que notre petit espace a été envahi par pas moins de quatre personnes. Nal’ki est présent ainsi que deux gardes et le fameux Maxim.
Olivier lève les yeux au ciel et soupire lourdement en me voyant, mais c’est surtout le regard de Nal’ki qui m’interpelle à cet instant. Oui j’ai voulu provoquer, oui je me suis dit que s’ils étaient un peu déconcentrés, ils n’iraient pas trop loin dans la fouille… Pour autant, je ne m’attendais pas à ce que le bleu de ses yeux vire à l’orage. Clairement, notre ancien manitou aime ce qu’il voit et je me surprends à apprécier ça. Je resserre les pans de ma serviette sur ma poitrine et joue la surprise tandis que mon “mari” se poste à mes côtés.
— Que se passe-t-il ? Pourquoi cette visite matinale ?
— Nous fouillons toutes les maisons, explique Maxim, moins déconcentré que Nal’ki. Nous allons regarder dans toutes vos armoires. On fait aussi des fouilles au corps, mais là, je crois que ça ne sera pas nécessaire, il n’y a rien de caché sur vous, conclut-il, le sourire aux lèvres.
— On cherche des éléments sur les Valkyries. Si vous nous les donnez volontairement, on gagnera du temps, ajoute mon admirateur qui ne me lâche pas des yeux. Et je me porte volontaire pour la fouille au corps, on ne sait jamais, non ?
— Vous voulez qu’on cache quoi sur nous ! s’emporte Olivier en retournant ses poches. Et on n’a rien à cacher ici, fouillez tant que vous voulez mais pas de palpations ou je risque de m’énerver. Déjà que vous vous introduisez chez nous sans raison… Il est où, le respect ?
— Nous, on obéit aux ordres de Lezeboth, c’est tout, hein ? répond Nal’ki qui ne rate pas le petit mouvement que je fais pour retenir ma serviette qui commençait à glisser.
Je m’approche légèrement d’Oli, histoire que nos bras entrent en contact l’un avec l’autre. J’espère que cela va le ramener à la raison, parce que c’est lui qui va finir par péter un câble, surtout si Nal’ki continue à m’observer de la sorte. Autant dire que j’ai peut-être merdé, une fois de plus.
— Nous n’avons aucune info à vous transmettre sur les Valkyries. On passe notre vie au bar et si vous n’y avez rien entendu, je ne vois pas ce que l’on aurait pu récolter de notre côté, soupiré-je. Cette chasse à la sorcière est ridicule.
— On va fouiller quand même, on a des ordres et on obéit, reprend Maxim qui ne manque rien des regards portés sur ma personne, aussi bien par le pilier de bar que par les deux autres grandes perches présentes.
— Nous, on a connu des périodes de notre histoire où les gens qui obéissaient aveuglément ont fait les pires atrocités, réplique mon “mari”. Mais faites votre devoir, votre hiérarchie sera fière de vous voir abuser de vos pouvoirs ainsi.
Et c’est à moi qu’on demande de la boucler et de rester calme. Olivier semble vouloir provoquer aujourd’hui, alors qu’ils ne trouveront rien, à moins de vraiment fouiller de fond en comble. Le pire qu’ils puissent découvrir ? La porte qui relie nos deux appartements ou la trappe dans mon placard, que j’ai évidemment vidée de toute arme ou document. Les voir fouiller le bar me stresse un peu plus. Si jamais ils découvrent la porte cachée dans la cuisine ou celle de la cave... J’ose espérer qu’ils n’iront pas jusqu’à fouiller la cour intérieure.
— Bon, je peux aller m’habiller ? m’impatienté-je alors que l’un des gardes commence à investir la cuisine.
— Bien sûr que vous pouvez. Nal’ki, accompagne la et profites-en pour faire la fouille de la chambre.
— Je suis adulte, je sais m’habiller seule, vous savez ? ricané-je tandis qu’Oli grogne sans aucune discrétion.
— Je serai un parfait gentleman, ne vous inquiétez pas. Et comme ça, vous pourrez vous couvrir. Je vous suis, réplique l’ancien grand manitou de sa voix grave.
C’est à mon tour de grommeler et je secoue négativement la tête, exaspérée, en lui faisant signe de me suivre. Une fois dans ma chambre, j’ouvre mon placard pour en sortir des vêtements et constate que Nal’ki s’est posté contre la porte qu’il a fermée.
— Donc, c’est quoi, le plan ? Je m’habille devant vous ou j’ai droit à une petite fouille au corps ?
— Je fouillerai le placard pendant que vous vous habillez derrière moi, comme ça, je respecte votre discrétion, ça vous va comme ça ? Enfin, sauf si vous préférez que je regarde, je suis sûr que le spectacle en vaut la peine, vu les charmes que vous dévoilez d’ores et déjà.
— Ben voyons ! Mon mari apprécierait certainement de savoir que je me dévoile devant un autre.
Je joue la femme outrée sans savoir si je le suis vraiment ou non. J’avoue être surtout un peu surprise par les propos plutôt cash de l’alien. Une partie de moi a très envie de le provoquer en laissant tomber ma serviette, mais ça lui ferait bien trop plaisir et je n’en suis pas encore à avoir envie de lui donner ce type de joie. Mais mon côté provocant a tout de même envie de jouer un peu. Alors j’attrape l’une de mes petites culottes en dentelle et la lance sur mon lit. Je fais de même avec le soutien-gorge noir associé et le jette suffisamment fort pour rater le meuble et le voir atterrir aux pieds de la grande tige qui semble occuper un peu trop l’espace de ma petite chambre. Le voir installé si souvent au bar m’en a presque fait oublier sa grandeur et sa carrure, mais dans cette petite pièce tout comme dans mon appartement plutôt exigu, difficile de passer à côté de cette grande carcasse qui, si elle n’était pas synonyme d’envahisseur, m’aurait à coup sûr attirée. Difficile de passer au-dessus de ce fait, mais je ne peux nier que Nal’ki est un spécimen des plus séduisants.
J’ai presque envie de rire en le voyant récupérer mon sous-vêtement qu’il lève à hauteur de son visage et qu’il observe avec un regard aussi intéressé que lubrique. Plus je le vois, plus il me semble parvenir à lire aisément les émotions qui traversent son visage et ses beaux yeux bleus.
— Ne vous génez pas pour fouiller mes vêtements, histoire d’être certain que je n’y cache aucune preuve que j’appartiens aux Valkyries, le provoqué-je en lui jetant une petite jupe en jean au passage.
— Ce n’est pas moi qui me jette dessus, il me semble, rigole-t-il en reposant le tout sur le lit. Vous avez tout ce qu’il vous faut et je peux procéder à la fouille du placard ou vous avez encore d’autres vêtements à me faire découvrir ?
— Ça dépend, vous êtes plutôt shorty ou tanga ? lui demandé-je en lui montrant deux exemplaires qui pendent de mes index.
— Je crois que ni l’un ni l’autre ne m’irait si vous voulez mon avis, mais vous avez bon goût, je valide. Si vous voulez, vous les essayez et je pourrai donner un avis éclairé après avoir observé le modèle.
— Merci pour la proposition, mais… m’habiller comme je veux est encore l’un de mes droits, alors je vais faire comme bon me semble, finalement.
Oui, je vais pousser la provocation… Ce ne serait pas moi sinon. Je lui tourne le dos et laisse tomber ma serviette à mes pieds. J’entends Nal’ki se racler la gorge mais il ne dit rien et ne semble pas bouger non plus. J’enfile un shorty en dentelle rouge que j’adore. Je n’ai jamais eu de complexes avec mon corps, mais je trouve que le tissu met bien en valeur mon postérieur et je me sens particulièrement à l’aise ainsi… Je récupère un petit chemisier blanc que j’enfile sans le nouer, masquant ma poitrine pour faire face à mon spectateur et terminer de m’habiller avec la jupe en jean.
Je ne peux m’empêcher de sourire à Nal’ki, masquant comme je le peux l’excitation qui s’est frayée un chemin dans mon corps alors que je ne suis pas vraiment du genre exhibitionniste d’ordinaire, et je boutonne lentement ma chemise.
— Vous pouvez fouiller mon placard, j’ai fini.
— Il était temps, ils vont commencer à se poser des questions à côté sur tout ce que je suis en train de trouver ici, vu la taille de la pièce. Et je ne vais pas pouvoir leur faire part des jolies découvertes qui n’ont aucun rapport avec les Valkyries, répond-il en s’avançant vers le placard et en me frôlant au passage. Jolies fesses et oui, désolé, je n’ai pas fermé les yeux !
— Contente que le spectacle vous ait plu, Monseigneur. Je vous laisse faire, je vais terminer de me préparer pour l’ouverture. J’imagine que vous enchaînez les fouilles par l’appartement de mon frère et le bar ?
— Il n’y a rien d’intéressant au bar, je crois que ça sera vite fait. Mais j’y passerai une fois ma mission accomplie, pour prendre un verre. Ce sera moins intimiste que dans votre chambre mais ça me fera plaisir et me permettra de me reposer un peu.
J’acquiesce et lui souris rapidement avant de quitter la pièce pour regagner la salle de bain sous les regards observateurs de tous ces mâles qui ont investi mon chez-moi. Si j’ai l’habitude d’y voir Olivier, quand bien même ces derniers jours nous n’avons pas vraiment passé de temps ensemble, j’avoue que je me sens à l’étroit dans cet endroit que je considère comme ma safe place. Trop d’ennemis, trop de testostérone et surtout quelques pensées que je ne devrais absolument pas avoir. Il est grand temps que je me souvienne que sous ce bâtiment courent des couloirs qui cachent de pauvres femmes qui ne peuvent plus vivre leur vie comme bon leur semble depuis que Nal’ki et les siens ont débarqué sur Terre. Oui, il faut garder la tête froide.
Annotations