Chapitre 30

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Message transmis

Nal’ki

En sortant de chez moi, j’observe le nombre de drônes de surveillance et de robots de protection qui occupent tout l’espace. Lezeboth est sur les nerfs, il doit faire face à un nombre d’agressions et à un harcèlement continu des Valkyries de plus en plus important. Et leur modus operandi s’est adapté à cet accroissement de la surveillance. Elles s’attaquent à ces robots qui ne sont pas protégés et s’arrangent pour qu’ils se crashent sur des habitations ou sur des voies de circulation pour nous gêner au maximum. J’ai failli penser “les” gêner tellement je me désolidarise de cette politique autoritaire et sans mesure. J’en suis presque à me dire que jamais on n’arrivera à la phase deux de notre plan, si on continue à se mettre à dos la population locale. Après, connaissant nos dirigeants, cela ne m’étonnerait pas qu’ils fassent comme si tout était normal partout et qu’on passe à la phase suivante sans avoir été acceptés par les locaux. Et qui sait ? Ce n’était peut-être pas judicieux de patienter autant ? Je suis complètement perdu concernant la politique des miens. Peut-être que mes échanges réguliers avec Lévana qui critique sans arrêt ce que nous imposons aux femmes commencent à influencer la façon dont je vois le monde ?

Sur le chemin qui me mène au Blue Heart, je me connecte sur le canal de diffusion générale et constate que tout le monde ne parle que de la fête pour notre espèce dont la date vient d’être déterminée. Ce sera dans cinq jours terriens. Dès que j’ai appris la nouvelle, j’ai tout de suite réservé ma place sur une navette pour me rendre sur le vaisseau planète et j’en ai pris une pour la belle barmaid en me disant qu’au pire, je pourrais toujours la rendre si elle ne parvenait pas à se joindre à moi. Mais de mon côté, j’ai fait le nécessaire. J’ai transmis à mon oncle la suggestion de faire venir des serveurs terriens pour nous aider et enrichir la fête de cette année. Il l’a accueillie fraîchement mais est revenu vers moi après quelques heures et sûrement une de leurs réunions où mon idée a dû en séduire plusieurs. J’ai carte blanche pour faire venir cinq à dix Terriens pour assurer le service et l’intendance de l’événement. J’ai donc inscrit Lévana et obtenu sa réquisition et son laissez-passer tout à l’heure. Je m’occuperai des autres Terriens plus tard mais il faut que j’informe sans tarder la brune de la bonne nouvelle.

Lorsque j’entre, je suis déçu de ne pas la voir à sa place habituelle. Il n’y a que son mari qui me jette un regard peu amène mais qu’il cache rapidement derrière un sourire commercial.

— Je vous sers quelque chose ?

— Votre épouse n’est pas là ?

— Ce n’est pas elle que vous buvez, il me semble, si ? répond-il agressivement.

— Non, mais si vous connaissez la recette de son cocktail, n’hésitez pas à me le préparer. Il n’y a que ça qui me plaît dans votre carte, rétorqué-je calmement, l’affrontant du regard que je ne veux pas baisser devant lui pour ne pas capituler.

— Elle a bien dû noter la recette quelque part, marmonne-t-il en se mettant à fouiller les tiroirs. Au pire, vous n’aurez qu’à vous montrer un minimum patient en attendant qu’elle arrive.

— Je suis très patient, soupiré-je en m’installant. En plus, j’ai un message à lui faire passer, il faut donc que je la voie aujourd’hui, c’est important.

— Vous avez un message pour ma femme ? me demande-t-il en insistant bien sur la possession. Et depuis quand vous êtes aussi bavard avec une femme ? Terrienne, qui plus est.

Je sais qu’il a raison sur le fond, ce n’est pas correct d’agir ainsi avec son épouse, et si je veux respecter les lois que nous avons nous-mêmes instaurées, je devrais lui donner l’ordre de réquisition à lui et pas à elle, mais je suis intimement convaincu qu’il n’est au courant de rien avec le phénomène qu’est sa femme.

— Je ne suis qu’un client comme les autres, ici, il me semble. Lévana insiste beaucoup pour que tout le monde soit accueilli de la même façon. Si elle ne passe pas, je ne manquerai pas de vous communiquer le message. C’est votre droit de l’avoir, de toute façon, mais je préfèrerais lui remettre en mains propres.

— Bien, Monsieur… mais j’ose espérer que vos intentions envers ma femme s’arrêtent à ses cocktails.

En vérité, je ne sais pas où s’arrêtent mes intentions. Certainement pas à ces boissons sans effet servies ici, ça, c’est évident. Alors qu’il s’éloigne pour s’occuper d’autres clients, je continue à réfléchir à cette situation qui n’est pas des plus saines. Je me suis quand même débrouillé pour enlever une femme mariée à son époux sans son consentement et je n’ai aucune garantie qu’elle aura la possibilité de revenir sur Terre. Cela ne s’est jamais fait et si elle revient avec ou sans moi, cela fera un précédent. Mais n’est-ce pas le meilleur moyen de lancer la phase deux ? Il faut bien qu’on arrête de se regarder en chiens de faïence et qu’on passe à l’étape assimilation entre les peuples ! Après, je suis stupide, notre stratégie n’est pas de voler les femmes mariées, juste de récupérer et faire obéir les autres. Et là, on n’a pas été très malins. Peut-être que la disparition de toutes les femmes sur notre planète nous a retourné le cerveau ? Comme toujours ces derniers temps, mes pensées tournent dans mon esprit, embrouillant ma raison, et je suis soulagé de voir apparaître celle qui perturbe autant mon équilibre psychique.

Je l’observe du coin de l'œil alors que son mari l’interpelle et se met à lui parler de manière agitée. Les fréquents regards qu’ils me lancent tous les deux me laissent penser que je suis l’objet de cette discussion animée, dont je profite pour admirer la jupe en jeans portée par Lévana et son chemisier échancré et presque transparent. Quelle femme, vraiment ! Je la vois ensuite se diriger vers les bouteilles derrière le bar et constate qu’elle me prépare son fameux cocktail avant de se diriger vers moi, son expression reflétant un mélange de curiosité et… de joie de me retrouver ? Je dois m’imaginer des choses, c’est pas possible autrement.

— Bien le bonjour, Monseigneur, sourit-elle en déposant un verre devant moi. Votre cocktail, pour vous servir.

— Merci bien. Il faudra apprendre à votre époux à le faire, on dirait qu’il n’était pas content que je dise que je préférais vous attendre. Vous avez un moment à me consacrer ou je dois continuer à patienter un peu ?

— Il serait plutôt mal vu que je prenne ma pause alors que je viens de commencer, non ? Laissez-moi quelques minutes pour saluer les clients et les faire consommer, je reviens vite.

Je me contente d’opiner et reprends mon observation, cette fois avec un verre à la main. Je constate qu’elle prend le temps avec chacune des personnes présentes et ne peux m’empêcher de relativiser ainsi l’intérêt qu’elle me porte, contrairement à ce que laisse penser la jalousie de son mari. Si elle s’intéresse à moi, ce n’est que pour retrouver sa sœur ou extorquer quelques informations qu’elle ne manque pas de transférer à ses amies valkyries, je suis sûr. C’est sur cette note un peu amère que je la reçois lorsqu’elle s’approche à nouveau, le sourire aux lèvres, après une trop longue attente à mon goût.

— Quel succès, n’est-ce pas ? Je pourrais presque comprendre la jalousie de votre mari.

Je me rends compte que je ne fais que parler de lui mais j’ai du mal à m’en empêcher. Il faut dire que je sens bien qu’il ne va pas coopérer à l’éloignement de ce trésor qu’il a la chance d’avoir près de lui.

— Mon mari pourrait sans doute être l’un des vôtres. Sa possessivité n’a d’égale que sa gentillesse. Et heureusement qu’il est cool, sinon, je l’aurais fichu à la porte. Mais bon, je compte sur vous pour ne pas me balancer, hein ? s’esclaffe-t-elle.

— Il faudrait qu’il grandisse un peu, rigolé-je, oubliant tout de suite les motifs de mon agacement. Il vous a dit que j’avais un message pour vous ?

— Oui… Je crois que ça l’a encore plus agacé. Je vous soupçonne de tout faire pour le rendre fou de rage, d’ailleurs. Je vous écoute.

— Peut-être qu’il y a un peu de vrai dans ce que vous dites, souris-je en lui tendant l’ordre de réquisition. Ça, c’est le sésame pour aller sur le vaisseau-planète. J’ai rempli ma part du contrat, vous voyez ?

— Alors, vous allez vraiment m’emmener ? me demande-t-elle en parcourant le papier.

— Oui, et sur ordre de nos dirigeants ! Il n’y a rien de plus légitime. Vous voilà réquisitionnée pour aider à l’organisation de notre grande fête. Heureuse ? Et prête à faire le même boulot qu’ici mais uniquement avec des grandes perches ?

— Je vous l’ai dit, je suis prête à tout pour ma petite sœur, même à devoir faire des ronds de jambes à vos camarades.

— On part après-demain. Je crois que vous allez devoir en parler à votre famille… Vous êtes prête à ça aussi ?

— Ne vous inquiétez pas pour ça, je leur laisserai un petit mot le jour J. Ça nous évitera une dispute et une petite séance de machisme.

— Et vous allez dire quoi sur ce message que je vous ai apporté et cette réquisition que je vous ai transmise ? Pas sûr que Monsieur ne vous pose aucune question.

— Vous avez été trop bavard, Nal’ki, soupire-t-elle. Mais je vais bien finir par trouver une excuse ou… un truc pour éviter le sujet. Enfin, j’espère…

— C’est clair que vous avez les arguments pour faire perdre la tête à n’importe quel mâle normalement constitué, indiqué-je en essayant de ne pas trop zieuter son décolleté.

— Et qu’est-ce que vous entendez au juste par “normalement constitué” ? m’interroge-t-elle plus bas en s’accoudant au comptoir.

Là, c’est irrésistible. Elle joue avec moi et mon désir, ce n’est pas possible autrement. Son sourire enjôleur, l’odeur sucrée de son léger parfum, la vue sur la naissance de ses seins que je devine libres de toute entrave, sa voix sensuelle et cet éclat dans ses prunelles sombres… Je suis obligé de déglutir avant de répondre enfin, la voix un peu rauque, alors que clairement, ma réaction l’amuse.

— Eh bien, disons qu’il est difficile de résister à vos charmes si on a deux yeux et un corps capable de ressentir le désir.

— Merci du compliment. Je vous ressers ? C’est offert par la maison.

— Mettez-moi plein de glaçons alors. Je crois que ça m’aidera à me calmer.

— J’en prends bonne note. Peut-être que vous devriez arrêter de reluquer ma poitrine pour vraiment vous calmer, Nal’ki, glousse-t-elle en se mettant à la tâche.

— Peut-être que je n’ai pas vraiment envie de me calmer, alors, murmuré-je. C’est un peu un des seuls plaisirs qu’il me reste.

— Ce n’est pas très cool de me réduire à un choix par défaut, Monseigneur, rit-elle. J’espère qu’il ne s’agit que d’une maladresse, je suis un peu susceptible comme fille.

Je préfère me taire et ne pas dire d’autres bêtises alors qu’elle me sert et se dirige vers d’autres clients qui, comme moi, n’ont pas leurs yeux dans leurs poches. Cette femme est une merveille et clairement, si elle pouvait être un choix, ce ne serait pas par défaut ! Même son mari semble hypnotisé par le ballet qu’elle mène entre le bar et les clients dans la salle. Et je crois que toute la salle l’envie lorsqu’elle lui fait un bisou en passant. Quant à moi, je prends mon mal en patience. Dans deux jours, c’est avec moi qu’elle sera. Et même si je n’aurai pas de bisous, je pourrai l’admirer autant que je le souhaite. Il faut profiter de ce qu’on peut.

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