Chapitre 31

7 minutes de lecture

Un peu plus près des étoiles

Lévana

Je claque la porte de mon appartement en soufflant lourdement et dévale les escaliers sans attendre, de peur d’être en retard. Je me dépêche de gagner la place où je dois rejoindre Nal’ki et me crispe en voyant l’omniprésence de la sécurité dans la zone de départ de la navette.

J’ai mal dormi. Est-ce que ce petit voyage me stresse ? Clairement. S’il n’y avait que ça, ça irait encore. Olivier et Gaspard sont fous de rage et il n’y a pas qu’eux. Jasmine ne décolère pas, seules Myriam et Fatou sont plus mesurées. Elles ont conscience du risque que je prends, mais n’oublient pas de mettre l’affect de côté pour convenir que monter là-haut est une sacrée chance, une opportunité que j’aurais eu tort de refuser.

Je grince des dents en me faisant fouiller après avoir présenté mon ordre de réquisition et ma carte d’identité. Me faire à moitié tripoter par un foutu mec qui a retourné sa veste pour venir en aide aux aliens me donne envie de lui broyer les mains, voire pire… Je ne dis cependant rien, ouvre mon sac de voyage où j’ai fourré quelques vêtements, le laisse lorgner sur ma lingerie et je ne traîne pas lorsqu’il me fait finalement signe de passer. J’ai beau haïr les envahisseurs, je ne peux qu’être admirative face à leur technologie. Le vaisseau de transport est magnifique, dans un dégradé d’argent et de bleu, plein de courbes et majestueux. On est assez loin de l’aspect brut de nos navettes spatiales de ces dernières décennies, je trouve.

Je sursaute en sentant une main se poser sur mon épaule et me retourne vivement, prête à me défendre si besoin, lorsque mon regard est attiré par les lignes noires qui disparaissent sous une manche. Nal’ki lève les mains en l’air comme si je risquais de le mettre en joue dans la seconde, et m’offre un sourire contrit.

— Désolée, j’étais perdue dans mes pensées, vous m’avez surprise, avoué-je.

— Ne vous inquiétez pas, je comprends. Le premier voyage interstellaire, c’est toujours le plus impressionnant. Vous avez une petite mine, dites-donc, ajoute-t-il après m’avoir observée un court instant.

Je passe une main sur mon visage et grimace, lance un nouveau regard à la navette et me rends compte que je n’avais même pas vraiment réalisé que j’irais pour la première fois dans l’espace, aujourd’hui. C’est juste incroyable !

— J’ai une famille un peu trop envahissante, mais je doute que vous puissiez le comprendre puisque vous seriez sans doute du même acabit, malheureusement…

— Vous pensez que je suis si obtus que ça ? Il ne faut pas avoir fait des années d’études sur votre planète pour comprendre que votre départ précipité et non préparé a dû causer des remous chez vous. Je suis même étonné qu’ils ne vous aient pas séquestrée. C’est que finalement, ça aurait pu être pire, non ?

— Qui vous dit que je n’ai pas fait le mur ? Ou que je n’ai pas assommé frère et mari pour pouvoir venir ? lancé-je sérieusement, me retenant de sourire.

— Si ça avait été le cas, un robot de surveillance m’en aurait informé, rétorque-t-il du tac au tac. Vous ne pensez pas que je vous aurais laissée en détresse pendue à une fenêtre, quand même ?

— Je ne serais pas restée en détresse, m’esclaffé-je. J’ai déjà fait le mur, ado, rien ne me fait peur. Bon, peut-être que je flippe un peu aujourd’hui, mais je ne vous l’avouerai jamais.

— Le secret pour ne plus avoir peur, me confie-t-il en posant sa main dans le bas de mon dos pour me faire avancer, c’est de vous imaginer dans un rêve. Parce que quand on est dans l’espace, qu’on voit toutes les étoiles, c’est tout simplement magique. Qu’on ferme ou qu’on ouvre les yeux, c’est pareil, on est en pleine féérie. Mais c’est encore plus magnifique quand on regarde. Vous verrez, le vol ne sera pas la partie la plus difficile du voyage malheureusement.

Oui, ça, je m’en doute bien… Je me demande d’ailleurs si je vais réussir à jouer la barmaid gentille et polie durant tout le voyage. Je risque de faire une overdose d’aliens sur place. Sans compter que je ne sais rien du déroulé du séjour là-haut. Aurai-je le temps de faire des recherches sur ma soeur ? Et Nal’ki, va-t-il vraiment tenter de savoir ce qui lui est arrivé ?

J’essaie de ne pas paraître impressionnée en entrant dans la navette, et prends place là où il me fait signe de m’installer. Je tente de me faire toute petite en constatant qu’il s’assied à mes côtés, mais si l’espace pour les jambes semble bien correct, ce qui est logique vu leur taille, les sièges sont si proches que nous devons partager un accoudoir.

L’intérieur de la navette est fait de couleurs sombres, et de nombreuses lumières nous permettent d’y voir quelque chose. J’ose imaginer et surtout espérer qu’ils éteignent tout ça une fois là-haut, pour permettre une vraie immersion dans l’espace. J’imagine bien Gaspard me filer un coup de coude pour me rappeler que je ne pars pas en vacances… Il aurait raison, évidemment, mais aller dans l’espace, n’est-ce pas le rêve de tout gosse ou presque ?

— Si Olivier avait dit non à votre ordre de réquisition, vous auriez cherché quelqu’un d’autre ? Je veux dire, d’un point de vue purement normal, si on ne faisait pas ce qu’on prévoit de faire ? terminé-je en chuchotant.

— Parce qu’il vous a dit oui et que vous êtes ici avec sa bénédiction ? me provoque le grand brun à mes côtés. Si je vous dis que je ne doutais pas de votre pouvoir de persuasion, vous me croyez ? Même moi, vous avez réussi à me convaincre de vous emmener. Qui donc peut résister à vos charmes ? conclut-il en chuchotant à son tour à mon oreille.

— Olivier n’était pas d’accord. Tout comme Gaspard, d’ailleurs. Mes charmes n’ont eu aucun effet, je n’ai pas réussi à les convaincre. Il faut croire qu’ils ont plus d’effet sur vous que sur mon propre mari.

— Je suis trop influençable face à des jolies femmes, que voulez-vous ! répond-il en jetant un regard appréciateur sur ma personne. Et pour répondre à votre première question, si vous n’étiez pas venue, je ne suis pas sûr que je serais parti. A quoi bon ? Ce n’est pas pour la fête que nous allons là-haut mais pour mener une enquête qui vous est chère. J’espère seulement que je ne suis pas en train de vous mettre trop en danger. Vous avez du caractère mais les miens peuvent parfois être… dérangés.

— Eh bien, je jouerai de mes charmes pour tenter de m’en sortir, si besoin… même si, entre nous, je n’ai pas l’impression d’avoir joué avec vous.

— J’ai l’impression, moi, que vous êtes irrésistible. Et si c’est le cas de mon côté, je suis sûr que je ne serai pas le seul, surtout que vous allez être exposée. Je vais peut-être devoir faire comme sur Terre et être pilier de bar pour éviter qu’on ne vous drague trop.

Je souris et détourne le regard une seconde avant de lâcher un petit rire.

— Je suis une grande fille, vous savez. Je sais me défendre, mais c’est très aimable de vouloir remplacer mon mari et mon frère. Moi qui pensais pouvoir respirer un peu !

— Oh, si vous voulez respirer, je vous laisserai tranquille… mais je ne garantis pas que mes compatriotes s’arrêtent au fait que vous soyez mariée. Cela n’arrive pas habituellement et… ils risquent de ne pas faire la différence, ce qui serait problématique… pour la mission qu’on veut mener à bien, non ?

J’acquiesce et suis coupée dans mon élan pour répondre par le bruit de la porte qui se ferme. J’avoue que là, tout de suite, la discussion laisse place à un peu de stress. Je souffle doucement et me crispe lorsque mon accompagnateur se penche sur moi pour m’attacher grâce au harnais, surprise par notre proximité. Je crois qu’il a repéré mon trouble puisqu’il me lâche un petit sourire qui me semble plus joueur que rassurant.

Sentir le vaisseau s’élever est une expérience en soi. Les vibrations sont moins importantes que je l’imaginais, et je ne sens pas vraiment l’ascension alors qu’elle est plutôt rapide. Il ne faut que quelques secondes, une minute peut-être, pour que la Terre disparaisse sous les nuages. A vrai dire, je suis tellement hypnotisée par la vue que je ne saurais déterminer le temps qui passe.

Et puis, il y a cet instant magique où toutes les lumières s’éteignent dans l’habitacle et où l’obscurité remplace la lumière. Il fait presque noir et les étoiles brillent d’un côté tandis qu’on peut observer la Terre, immense et majestueuse.

Je jette un œil à Nal’ki, dont le regard semble perdu au-dehors, et c’est un tout autre spectacle qui s’offre à mes yeux. Plusieurs aliens sont présents dans la navette, mais je me concentre essentiellement sur le mien. Enfin, le mien… celui à mes côtés ! J’attrape sa main sans réfléchir. Je n’ai jamais vu ça d’aussi près et je suis fascinée par les arabesques d’ordinaire noires qui courent sur sa peau et sont actuellement luminescentes.

Me rendant finalement compte de mon geste, je lâche sa main chaude comme si elle me brûlait, et ce sont mes joues qui chauffent.

— Pardon, je… c’était déplacé. C’est juste que… j’avoue que c’est un peu curieux pour nous, humains.

— C’est toujours un peu curieux pour nous aussi, vous savez, me répond-il en reprenant ma main. Et si ça vous aide à aller mieux, ne vous gênez pas.

— Qu’est-ce qui vous fait dire que je ne vais pas bien ? lui demandé-je sans pour autant reprendre ma main.

— Vous aviez l’air un peu fébrile, mais j’ai dû me tromper. Vous aimez la vue ? C’est toujours magnifique, je trouve. Qu’est-ce qu’il y a comme étoiles et comme mondes à découvrir !

— Des mondes à découvrir ou coloniser ? laché-je sans réfléchir.

J’abandonne également sa main et me reconcentre sur la vue extérieure. J’ai envie de me gifler, à cet instant. Pendant quelques minutes, j’ai presque oublié pourquoi j’étais là, qui était Nal’ki, ce que nous subissons depuis cinq ans… Ça m'apprendra à lâcher prise. Quelle idée !

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