Chapitre 35

7 minutes de lecture

Mystère et minauderies

Lévana

Après un petit moment pour souffler et me remettre de mes émotions, j’attrape un plat au passage et quitte la cuisine rapidement. Le grand chauve aurait pu me tuer du regard quand il m’a découverte adossée à un mur, cachée de la vue des commis et autres professionnels. Ça va, j’aurais aussi pu me tirer. J’avais besoin de quelques minutes après avoir entendu cet homme parler aussi crûment. “Sévir” ? “Perdre quelques personnes” ? Comme si nous n’étions que des animaux qu’il fallait dresser… Je n’ose imaginer combien de rebelles sont morts à cause de ces mâles qui nous imposent une discipline ridicule et une soumission d’un autre siècle.

Je pousse un petit cri en butant contre un torse solide et récupère je ne sais comment le plateau de mignardises qui prenait une inclinaison inquiétante dans ma main. Je soupire en constatant que j’ai fait tomber deux ou trois de ces trucs plutôt infâmes pour un palet humain et lève le nez pour rencontrer le regard inquiet de Nal’ki.

— Vous voulez me faire perdre mon boulot ou quoi ? soufflé-je en lui collant le plateau dans les mains pour ramasser ce qui est au sol.

— Tout va bien ? s’inquiète-t-il. Je vous ai vue disparaître et j’ai cru qu’il vous était arrivé quelque chose.

— J’imagine qu’aller bien est un bien grand mot quand on entend clairement que vos camarades se plaisent à éliminer les miens à la moindre rébellion, soupiré-je.

— Je vous avais dit que je n’étais pas le pire, grogne-t-il en regardant derrière son épaule. Vous êtes prête à jouer à l’espionne ? J’ai peut-être une piste…

— Oui, oui, c’est bon, je… je me suis reprise. Dites-moi tout.

— Vous avez remarqué le vieux, avec les cheveux grisonnants ? Il reste toujours un peu en retrait mais je le soupçonne d’avoir des informations sur la zone où pourrait être détenue votre sœur.

— D’accord… Et vous ne pouvez pas le questionner vous-même ? Je veux dire, je peux tourner autour de sa position, mais ce ne serait pas plus efficace si c’était vous qui lui parliez ? Comment j’obtiens des infos, moi ? Vous pensez qu’il me parlerait ?

— Vous avez plus d’arguments que moi sur le plan physique, il va peut-être falloir les utiliser. Moi, quand je parle, il se contente de me regarder sans me répondre. Vous, comme vous n’êtes qu’une femme, il se méfiera moins, je crois.

Je grince des dents et plante mon index entre ses pectoraux.

— Je ne suis qu’une femme capable de vous castrer en quelques secondes et sans aucun doute que vous le mériteriez pour oser parler comme ça. Ce n’est pas parce que vous avez une paire de couilles que vous valez mieux que moi, ne l’oubliez pas. Bon sang, je ne suis “qu’une femme”, comment j’arrive à supporter ça ?

Je récupère mon plateau en le fusillant du regard et lève le menton fièrement.

— Il n’a aucune chance face à vous, répond-il en prenant ma tirade à la rigolade. Et ce n’était pas ce que je pensais, c’était son point de vue à lui, vous savez ? Pour moi, vous êtes bien plus qu’une simple femme.

Si tu savais, mon grand. Effectivement, je suis plus qu’une simple femme. Bon, ce n’est pas le discours que je lui tiendrais si je prenais la peine de lui répondre, mais je rêve à cet instant de lui dire que je suis une Valkyrie et que je fais partie du groupe qui lui a pourri la vie ces dernières années. Au lieu de quoi j’acquiesce vaguement et regagne la salle.

Je passe de convive en convive et derrière ma cible à plusieurs reprises. Il discute de la grande soirée prévue, de la nourriture, et je profite que mon plateau se retrouve au milieu du petit groupe dans lequel il se trouve pour trébucher sur mes talons et me rattraper à son avant-bras.

— Oh, toutes mes excuses, je… Mince, je suis désolée, bafouillé-je en baissant les yeux. Ces talons ne sont pas très stables.

— Oui, et ils sont un peu inutiles si vous voulez mon avis, ils ne vous aident même pas à arriver à notre taille, commente-t-il sobrement avant de m’observer plus en détail, tout de suite plus intéressé, un sourire apparaissant sur son visage. Quoique, ça vous met bien en valeur.

Je glousse en me retenant de lever les yeux au ciel et lui souris en papillonnant légèrement des yeux. J’ai bien conscience qu’il est plus intéressé par ma silhouette que par mon sourire, mais il s’y attarde tout de même quelques secondes avant de lorgner mon décolleté.

— Je vous remercie, Monsieur. Je ne vous ai pas fait mal ? Je suis confuse, je… je ne voudrais pas que cela me cause du tort auprès de mon supérieur, s’il vous plaît, pouvez-vous garder cet incident pour vous ?

— Je ne sais pas, ça dépend de ce que vous allez m’offrir pour vous faire pardonner, me rétorque-t-il en continuant son déshabillage visuel. Je ne sais pas qui vous a fait venir ici mais il a eu une excellente idée, je dirais.

— Je ne sais pas si c’était vraiment une bonne idée, ris-je niaisement, il faut croire que je ne suis pas si douée que cela avec le service. Enfin, disons que je suis parfois affreusement maladroite. Je viens de la Zone 34. Je ne me souviens pas vous y avoir déjà vu, d’ailleurs. Je m’en souviendrais si c’était le cas.

— Non, je ne bouge pas beaucoup d’ici, vous savez ? Je fais partie de l’équipe qui dirige tout ce petit monde, cela ne me laisse pas beaucoup de temps pour m’amuser. Et c’est bien dommage, vous donnez envie d’aller découvrir cette zone. C’est celle où il y a toutes ces Valkyries, il me semble. Vous en connaissez ?

En parlant, il a fini par tourner le dos au groupe avec lequel il échangeait et mon plateau, à présent vidé, je lui accorde toute mon attention, faisant mon possible pour paraître un peu naïve.

— Oulah non ! J’évite les ennuis, Monsieur. Je ne voudrais pas être arrêtée ou pire… J’ai entendu dire que certaines femmes avaient même disparu de la circulation, je… je suis bien trop peureuse pour me rebeller.

— Si vous avez besoin d’un mâle fort et protecteur, je peux vous aider. Ici, si je vous ai à l'œil, rien ne pourrait vous arriver. Même les zones interdites n’ont aucun secret pour moi, se vante-t-il en se rapprochant de moi et en posant sa main sur mon bras.

— Les zones interdites ? m’étonné-je en gloussant. C’est quoi ? Des endroits un peu plus coquins comme nos boîtes de nuit et autres lieux de débauche ?

— On pourrait presque dire ça, oui… Disons que nous y faisons des tests et que vu votre attitude, ces petites expériences pourraient bien vous tenter. On vous a déjà dit que vous aviez un sourire irrésistible ?

J’essaie de masquer au mieux mes émotions mais mon cerveau carbure pour analyser ses propos. Des tests ? Des expériences ? Et ça veut dire quoi, vu mon attitude ?

— Je prends le compliment et vous remercie, Monsieur, minaudé-je. Si vous m’en disiez plus sur ces tests ? Vous avez piqué ma curiosité et je dois dire que je ne suis que rarement réfractaire à de nouvelles expériences.

Il se renfrogne un peu mais ne rompt pas le contact qu’il exerce sur mon bras.

— Secret défense, je ne peux rien dire de plus, j’ai déjà trop laissé aller ma langue mais je suis ravi que vous soyez ouverte à des expériences. C’est un peu l’essence de ces zones interdites, comme j’ai dit. Et vous n’en saurez pas plus !

— Est-ce que vous parvenez à convaincre beaucoup de femmes en étant si secret ? gloussé-je, ayant de plus en plus de mal à jouer le jeu de la fille naïve alors qu’il semble si sérieux et serein.

— Si vous saviez ! Les femmes aiment bien le mystère. Regardez, vous êtes déjà prête à venir me rejoindre après votre service pour découvrir toutes les merveilles que j’ai à vous montrer !

Un raclement de gorge dans mon dos me fait sursauter et je manque de rencontrer une nouvelle fois le torse de Nal’ki. A croire qu’il a vraiment envie que je me casse le nez contre lui… Je lève les yeux et constate qu’il semble un peu contrarié. Ce que je ne parviens en revanche pas à analyser, c’est si c’est dirigé contre ma petite personne ou contre son compagnon. Toujours est-il qu’il affiche un air fermé que je ne lui ai pas vu revêtir face à moi depuis un petit moment déjà.

— Vous souhaitez boire quelque chose ? le questionné-je en reculant d’un pas pour reprendre un peu de distance.

— Oui, c’est pour ça que vous êtes ici, non ? Pour servir à boire, il me semble. Je ne crois pas que vous soyez là pour passer du temps à jouer à la merveille avec nos dirigeants, répond-il en jetant un regard mauvais vers celui qu’il m’a pourtant demandé de questionner pour avoir des informations.

Je me retiens de l’envoyer balader devant tout le monde et j’acquiesce en lui offrant mon sourire le plus hypocrite.

— Bien entendu, Monsieur. Je vous prie de m’excuser, je reviens tout de suite avec votre boisson.

Je ne me gêne pas pour planter mon talon dans son pied en m’éloignant, agacée par son comportement. Qu’est-ce qu’il lui prend ? Je suis certaine que son copain aurait fini par cracher des informations essentielles nous permettant d’en savoir plus sur Jeanne. C’est ce qu’il voulait, non ? J’espère sincèrement qu’il ne va pas me la faire à l’envers et rétropédaler. Et s’il m’avait finalement attirée ici pour tout autre chose ?

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