Chapitre 38

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Sensuelles improvisations

Nal’ki

Je me demande si j’aurais dû lui parler ainsi de nos expériences parce que cela semble la perturber énormément. Elle doit nous prendre pour des monstres qui abusons de nos victimes. Et pourtant, je n’ai pas menti quand je disais que les retours sont positifs. Des deux côtés, a priori. Les femmes terriennes seraient plus aventureuses que nos compagnes l’étaient et elles, elles apprécient la taille et la vigueur de leurs amants. Mais c’est vrai qu’on n’a encore rien eu d’officiel. Que des racontars… Qui sait ce qu’il se passe vraiment à l’abri des regards ? Peut-être qu’ils nous mentent comme ils le font sur d’autres sujets. J’ai vraiment envie de découvrir la vérité en tout cas. Et j’en suis même au point où je me dis que s’il n’y a pas de risques pour les Terriennes, je ne dirais pas non à essayer avec Lévana, même si elle est mariée. Elle me fait envie, c’est peu dire, et si je me suis autant confié, c’est aussi pour me vanter auprès d’elle et essayer de lui donner envie de ne pas être fidèle. Mais ça, c’est complètement raté. Elle mange en silence malgré mes quelques essais de relancer la conversation.

— Vous êtes fâchée contre moi ? Vous auriez préféré ne pas savoir ? demandé-je alors que le robot serveur s’éloigne après avoir enlevé nos assiettes.

— Non, je… Disons que j’ai du mal à envisager ce que ma petite sœur, même pas majeure quand vous êtes arrivés, a pu vivre.

— Je vous le répète, normalement, elle n’a été forcée à rien… En plus, contrairement aux femmes sur Terre, il n’y a pas eu de politique de soumission aux hommes. Nous ne voulions pas nuire à l’expérience. Je… je ne sais pas si ça vous fait du bien d’entendre ça, mais je suis convaincu qu’elle n’a pas été maltraitée.

— Eh bien, j’aurais tendance à vous dire que je ne crois que ce que je vois. Même si on peut dire que j’ai une certaine confiance en vous, nous ne sommes pas dans le même camp, alors…, laisse-t-elle planer.

Je soupire et, même si je comprends sa réluctance à accepter ce que j’avance, je suis déçu de ne pas réussir à la convaincre davantage. Mais puisqu’elle veut voir, il va falloir que je respecte aussi cette part du contrat et l’emmener sur la partie de l’île où je pense que les expériences se déroulent.

— Alors, si vous êtes prête, nous pouvons aller voir. Je suis moi aussi curieux de savoir ce qu’il y a réellement derrière toutes ces histoires. Parce que si tout est vrai et que tout se passe bien, ça veut dire que nous enclencherons bientôt la phase deux de notre plan. J’avoue que je commence à en avoir assez de ma solitude forcée. Comme tous les miens d’ailleurs, ce qui explique aussi certaines tensions et énervements, je pense.

Je n’ose ajouter que c’est vers elle que vont mes pensées impures mais j’ai du mal à détourner mon regard de cette femme. Quel dommage qu’elle soit mariée, vraiment.

— Vous me demandez vraiment si je suis prête ? Je n’attends que cela depuis des heures.

— Désolé, j’étais stupide de croire que vous passiez une bonne soirée en ma compagnie, rétorqué-je en me levant brusquement. Avec vous, on ne joint pas l’utile à l’agréable, à ce que je vois. Bref, j’espère que vous savez être discrète. Une fois qu’on sera proches de la zone, nous ne parlerons plus. Ou juste le nécessaire. Les robots espions auraient trop beau jeu de nous repérer si on passe notre temps à discuter ou échanger. Cela ne devrait pas trop vous embêter, vu votre état d’esprit actuel, conclus-je un peu amèrement.

Bien sûr qu’elle ne pense qu’à sa sœur. C’est pour ça qu’elle est venue sur le vaisseau planète, pas pour mes beaux yeux. Et maintenant que je lui ai donné les informations qu’elle attendait, elle n’a plus rien à me dire. Finis les regards brûlants et les petits sourires. Si elle n’avait pas besoin de moi pour aller sur la zone, ça fait longtemps qu’elle serait partie. Pourquoi m’en rendre compte me fait mal comme ça ? En fait, c’est Lorkan, mon oncle, qui a raison. Je suis trop tendre pour faire quoi que ce soit de bon.

— Vous ne pouvez pas me reprocher de m’inquiéter pour ma sœur, bon sang, marmonne-t-elle en se levant à son tour. N’avez-vous jamais eu de famille pour penser que je puisse, à cet instant, alors que je suis peut-être plus proche de Jeanne que je ne l’ai été ces cinq dernières années, faire comme si de rien n’était ? Je ne suis pas un robot, Nal’ki, j’ai le cœur au bord des lèvres, envie de hurler, de pleurer, les mains tremblantes, et l’espoir mêlé à la peur. Et bien plus encore !

Cette femme me surprendra tout le temps. Pourquoi elle s’énerve comme ça alors qu’elle obtient tout ce qu’elle veut ?

— Ma seule famille depuis longtemps, c’est Lorkan, alors vous comprendrez que j’ai du mal à vous suivre. C’est par là, indiqué-je sobrement en montrant la direction que nous devons suivre. Et tenez, prenez ça, cela devrait vous permettre d’éviter les contrôles des drônes de surveillance. C’est mon pass de secours. Normalement, cela vous couvrira autant que je le suis. Je crois qu’ils ne verront pas que le mien est aussi allumé.

Elle le glisse autour de son poignet sans un mot et m’emboite le pas. Je suis partagé entre l’excitation d’aller découvrir un mystère et la déception de le faire dans une ambiance aussi lourde. Si elle partageait mon plaisir de partir en exploration, je crois que je passerais un des meilleurs moments de ma vie, mais là, c’est presque comme si j’allais à l’échafaud. Parce que c’est ce qui m’attend si les miens découvrent que je suis en train de dévoiler tous nos secrets à une Terrienne juste parce que je la trouve désirable et que je ne résiste pas à ses yeux suppliants ou ses sourires charmeurs. Tu parles d’un leader…

— C’est là, derrière ce grand portail, indiqué-je alors que nous nous sommes éloignés du centre où se trouve la zone de décollage et d’atterrissage des navettes, cœur névralgique de notre vaisseau-planète. Faisons-le tour pour voir s’il y a un moyen d’entrer sans se faire remarquer.

Encore une fois, elle opine en silence mais je sens le mélange d’excitation et d’angoisse qu’elle ressent en voyant ses poings fermés et son air déterminé. Nous essayons de marcher tranquillement mais chez moi aussi, le stress commence à monter. Et si un des robots de surveillance nous repérait ? Ou pire, si un des nôtres venait nous questionner sur notre présence ici à cette heure tardive ? Le pari que j’ai fait, c’est que l’essentiel de la surveillance est assuré par des robots programmés pour ne pas embêter les responsables de zone et les dirigeants. Donc, normalement, nous serons tranquilles. Pourvu que ça dure.

— Je crois qu’il va falloir passer par la porte principale. Le mur a l’air infranchissable sur toute la longueur. Il va falloir improviser, je compte sur vos talents d’actrice si besoin.

— Ah oui ? Quel rôle je risque de devoir endosser, cette fois ?

— J’ai confiance en vous, vous saurez vous adapter, non ?

— Je ferai ce qu’il faudra, oui. Le mieux serait tout de même de ne pas nous faire repérer, j’imagine.

En parlant de se faire repérer, j’ai l’impression que ce drône s’approche un peu trop de nous. Qu’est-ce qui a fait qu’il s’intéresse à nous ainsi ? Mince, il y a la petite lumière qui indique qu’il est en train d’analyser la situation. Sans plus réfléchir, j’attrape Lévana par la hanche et la plaque contre le mur pour éviter qu’elle ne se fasse repérer.

— C’est le moment de commencer à faire ce qu’il faut, soufflé-je rapidement en montrant le robot.

Je me penche et effleure ses lèvres des miennes, à la recherche d'une approbation. Son regard semble se voiler et, après une seconde de surprise, peut-être deux, ses lèvres épousent les miennes, dans le but à la fois de la soustraire aux radars du drône, mais aussi pour laisser l’impression que nous sommes juste venus là pour éviter la foule afin de nous retrouver. Je suis étonné de voir que non seulement, passée la surprise, la belle Terrienne ne résiste pas mais au contraire, elle entoure mon cou de ses bras et s’ouvre à mon baiser. Sa langue vient immédiatement à la rencontre de la mienne et j’ai en effet immédiatement une première confirmation : les femmes terriennes sont effectivement beaucoup plus sensuelles que celles auxquelles j’étais habitué. Elle a fermé les yeux et nous nous embrassons comme dans les films. J’aime la sentir se lover contre mon corps, étouffer le petit gémissement qu’elle pousse lorsque je la serre plus fort contre moi. C’est la première fois que je ressens une telle émotion en embrassant une partenaire. Ou alors c’est parce que ça fait des années que ça ne m’est pas arrivé. J’avais oublié à quel point les lèvres peuvent être douces, combien de connexions se créent quand on s’embrasse. Je crois que ni elle, ni moi n’avons envie d’arrêter ce moment et il dure plus que nécessaire. Ses mains s’agrippent à mon cou et j’ai le plaisir de l’entendre grogner de frustration alors que je la repousse à mon cœur défendant. Mais le robot s’est éloigné et il n’y a plus de raison de continuer.

— Désolé, on pourra reprendre ça plus tard si ça vous plait autant que ça me fait plaisir, mais là, le danger est écarté et il faut qu’on aille voir si votre sœur est bien là, dans la zone protégée.

— Oui, bien sûr, allons-y, bafouille-t-elle en s’éloignant déjà.

Je suis obligé de retenir un sourire en constatant son trouble. Je ne suis pas beaucoup mieux mais au moins, je le cache davantage qu’elle. Et je suis heureux de constater qu’elle ne réagit pas quand je pose ma main sur le bas de son dos pour l’attirer vers le portail sur lequel je présente mon badge. La porte s’ouvre et un garde à moitié endormi s’approche de nous. Ses cheveux sont tout ébouriffés et il a l’air d’avoir la bouche un peu pâteuse.

— On vous a prévenu de notre visite, j’espère ? attaqué-je immédiatement en prenant ce ton de commandement que j’ai appris à maîtriser durant ma période sur la zone 34.

— Heu… Non, je ne crois pas, je… Votre nom, s’il vous plaît, Monsieur ?

— Nal’ki, je suis le neveu de Lorkan, voyons. Vous ne me reconnaissez pas ? Nous sommes venus inspecter comment ça se passe ici.

— Comment ça se passe… ici ? Il ne se passe plus grand-chose, mais… allez-y, je vous en prie.

— Comment ça, il ne se passe plus grand-chose ? On m’a pourtant dit qu’ici, c’était l’endroit à visiter avec les Terriennes !

Je fais à l’instinct mais cela semble fonctionner. Le garde vient en effet de remarquer la jolie femme qui m’accompagne et il siffle en la détaillant des pieds à la tête.

— Ah oui, jolie ! C’est de la bonne qualité, mais qu’est-ce que vous faites ici à cette heure-ci ? Ou alors, c’est parce que vous voulez une visite spéciale et essayer nos salles d’amour ?

Alors que j’hésite sur la réponse à donner, c’est Lévana qui lui répond.

— De la bonne qualité ? Je doute que vous trouviez une femme en parlant comme ça d’elle… On peut y aller ? J’ai l’impression que ma libido chute à vitesse grand V, à ce tarif-là, je vais retrouver mon dortoir rapidement alors qu’on m’a promis bien mieux, glousse-t-elle en agrippant mon bras.

— Attends, Chérie, on ne sait même pas où aller ni pourquoi il semblerait qu’on soit en retard. Vous nous expliquez ? demandé-je au garde alors que Lévana en rajoute et dépose un baiser sur ma joue barbue.

— Eh bien, ça fait trois mois maintenant que nous avons transféré toutes les femmes de la phase une de l’expérimentation sur la zone P2. On n’est plus censés accueillir personne ici, même si certains, comme vous, viennent pour tester les équipements. C’est bien pour ça que vous êtes là ? C’est ça, votre inspection ?

Que répondre à ça ? Lévana, comme moi, a compris que sa sœur n’était plus sur le vaisseau-planète. Mais si on fait volte-face maintenant, on va avoir l’air suspicieux, non ?

— C’est notre fête, il faut qu’on en profite, non ? Tu en penses quoi, Chérie ? Pas trop déçue de ne pas pouvoir me partager avec une autre Terrienne ?

— Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais nous on est plutôt du genre exclusifs en temps normal, alors je ne vais pas me plaindre de ne jouer qu’à deux, lance Lévana en levant les yeux au ciel.

— Si vous avez besoin de compagnie, je peux me joindre à vous, ricane le garde en bavant vers Lévana.

— Montrez-nous plutôt cette salle d’amour. Je crois que Madame n’a pas envie de partager. Et moi non plus.

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