Chapitre 40

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La love room

Nal’ki

Je ne sais pas quoi dire ou quoi faire devant le spectacle qui s’offre à mes yeux. Cette pièce est… incroyable. On dirait que tout est fait pour donner l’envie d’avoir envie, comme le dit une chanson qui était populaire sur Terre il y a quelques décennies. Au fond de la pièce, il y a un grand lit qui peut accueillir facilement trois des nôtres. Il est entouré de dizaines de petites lumières qui créent une atmosphère intimiste assez envoûtante. Ou alors, cela est dû au parfum mêlant de multiples saveurs qui se dégage des petits orifices placés de chaque côté des grands poteaux qui soutiennent le haut du lit, un plafond recouvert d’images du kamasutra. J’ai découvert ce type d’imagerie à mon arrivée sur leur planète et m’étonne toujours de leur inventivité et créativité.

Près du lit, des cœurs sont dessinés au sol. Ils s’illuminent et indiquent un chemin vers un jacuzzi qui semble bien invitant, ses nuances de bleu contrastant agréablement avec le rose et le rouge qui se trouvent ailleurs dans la pièce. Le jacuzzi est entouré de quatre statues représentant deux spécimens de mon espèce et deux femmes terriennes. Tous sont nus et mettent en valeur les attributs de chacun. Je vois que Lévana s’est approchée et qu’elle semble aussi se demander dans quel lieu elle est tombée.

— Que pensez-vous de cette love room ? Ils n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire réussir l’expérience, je dirais. Vous avez vu, il y a même des vêtements dans les placards, indiqué-je après avoir ouvert une porte.

— Je n’ai pas vraiment de comparatif, mais… je ne sais pas, j’imagine que venir ici spécifiquement pour coucher ensemble doit enlever une partie de la spontanéité. C’est triste.

— Je me demande si les femmes qui sont venues ici pendant l’expérimentation pensaient comme vous ou si elles ont essayé d’en profiter. C’est vraiment particulier comme expérience et je peux vous dire que tout a été fait spécifiquement pour plaire aux Terriennes. Ce n’était pas comme ça du tout, sur notre planète.

— Ah oui ? Et vous pensez que ces love rooms correspondent aux envies des Terriennes ? Qui a bien pu en conclure que nous voulions d’un truc bourré de cœurs et d’images de couples en train de copuler ? Parce que personnellement, ce n’est pas du tout un truc qui m’excite. Et je ne sais pas comment vos femmes vivaient les choses, mais chez nous, il faut un minimum d’envie et d’excitation pour que ce soit agréable. Enfin, je me demande si cela intéresse vos compagnons, vu comment ils nous traitent…

— Et qu’est-ce qu’il faudrait changer pour que ça vous fasse quelque chose ? demandé-je en sortant un petit robot qui se met à vibrer quand je l’allume. Parce qu’on dirait qu’ils ont vraiment fait des efforts, souris-je en lui tendant l’objet.

Je me demande pourquoi j’ai cette conversation avec elle alors que j’avais prévu de lui raconter ce que j’ai pu apprendre du garde. Mais cela peut attendre. Ce n’est pas comme si on allait reprendre la navette ce soir. Il va falloir attendre la fin des festivités pour ça.

— Voilà un objet bien plus intéressant que les images, sourit-elle en le récupérant pour le faire glisser le long de sa paume. Mais vous mettez encore une fois la charrue avant les bœufs. Je vous laisse chercher ce que ça signifie. Le plus important n’est pas forcément l’acte en lui-même mais tout ce qu’il y a avant. La cour, le respect, ces petits regards, ces sourires en coin qui donnent envie de se rapprocher. Les frôlements, les sous-entendus, la complicité, l’envie qui enfle au creux de notre ventre. Love room ou pas, l’important n’est pas le lieu mais la relation entre l’homme et la femme, la symbiose des sens et des envies. Parce que pour jouir, nous n’avons pas besoin d’une autre personne, après tout. On a ces jouets et vous vos mains.

— C’est quand même bien plus agréable quand c’est partagé. Personnellement, seul, ça peut satisfaire un besoin physique mais ça n’est pas très enrichissant. Et même quand on a les robots qui aident, il manque cette connexion dont vous semblez parler. Vous avez de la chance d’être mariée, vous ne souffrez pas de la solitude au moins. Vous vous rendez compte que nous n’avons pas eu de compagnie féminine depuis des décennies ? Il faut bien excuser notre maladresse, peut-être, même si cela n’explique en rien la stratégie de domination que certains d’entre nous ont imposé aux vôtres.

Elle a reposé le jouet et son regard s’est posé sur moi. Je ne peux m’empêcher de la comparer avec la statue derrière elle. Elle est beaucoup plus voluptueuse mais au-delà de l’aspect physique, c’est surtout le charme qu’elle dégage qui la singularise. Aucun artiste ne pourrait transcrire la beauté de ce sourire, l’éclat de son regard ou l’attractivité qui exsude de tout son être.

— Ne discutons pas de ça, vous et moi ne serons jamais d’accord concernant votre façon de traiter les femmes, Nal’ki. Je doute que ce soit le moment pour nous de nous chamailler, soupire-t-elle en se laissant tomber sur le lit. Vous pensez vraiment que ces pièces ont servi ? Que ça fonctionnait ? Je veux dire, personnellement, cela ne joue pas plus sur ma libido qu’un couloir sombre.

C’est elle qui joue sur ma libido à se prélasser ainsi devant moi. J’espère qu’elle ne va pas le remarquer, mais elle fait monter mon excitation. J’essaie de regarder sur le côté mais un miroir me renvoie l’image d’elle allongée sur le lit et je dois me retenir pour ne pas aller la rejoindre.

— Peut-être que ça ne fonctionnait pas pour la partie séduction, mais on n’a pas vu le reste des pièces qui ne se prêtent pas forcément à une relation amoureuse. Si vous êtes avec une personne que vous aimez et que vous appréciez, cela peut être un bon endroit pour laisser libre cours à ses envies, non ? Et le jacuzzi, pour l’avoir pratiqué dans ma maison sur Terre, je valide totalement. Peut-être qu’on devrait en profiter avant de repartir. Il ne doit pas y en avoir beaucoup d’autres sur le vaisseau-planète, rigolé-je.

— Je croyais que vous n’aviez pas eu de femme depuis des décennies ? me demande-t-elle en se redressant.

— C’est bien ce que j’ai dit. Le jacuzzi, je l’ai juste utilisé seul, vous savez ? Mais j’imagine bien tout ce que ça peut offrir comme possibilités.

— Ah, oui… Oui, c’est sûr…, bafouille-t-elle. Je dois être trop classique. Je préfère largement mon lit à celui-ci, une douche ou mon bar. Quoiqu’un jacuzzi, qui sait…

Mon esprit totalement pervers la suit dans ses paroles et imagine des scènes toutes plus folles les unes que les autres dans les endroits qu’elle décrit. Je ne sais pas si c’est l’ambiance de la love room qui fait ça ou si c’est juste notre discussion ou la situation dans laquelle nous sommes, mais ma libido est totalement réveillée. Et je crois qu’elle ne peut pas ne pas remarquer que je suis à l’étroit dans mon pantalon.

— Maintenant que je sais que vous n’y faites pas que servir votre bar, je ne sais pas si je vais être capable de ne pas me laisser submerger par mon imagination la prochaine fois que j’y retournerai.

— Oups, glousse-t-elle en abandonnant son observation du plafond pour plonger son regard dans le mien. Au moins, vous aurez moins de temps pour ruminer la perte de votre poste, Monseigneur. Je suis sûre que ces pensées seront bien plus agréables !

— Mais beaucoup plus frustrantes, je peux vous l’assurer, rétorqué-je du tac au tac. J’espère que la phase deux de l’expérimentation va vite commencer, que je puisse à mon tour chercher à séduire une femme célibataire et libre. J’avoue que passer tout ce temps avec vous ne m’aide pas à ne pas avoir des pensées plus qu’agréables. Peut-être que je devrais plonger dans l’eau froide du jacuzzi pour calmer toutes ces ardeurs que vous faites naître en moi, avoué-je en l’observant sans discrétion.

Lévana reste silencieuse un moment avant de se lever et d’avancer dans ma direction, un sourire en coin imprimé sur les lèvres.

— C’est plutôt flatteur de voir que tu peux finalement faire tomber ce masque de froideur et d'austérité avec moi.

Si elle savait quel feu brûle en moi, quel désir m’anime. Et cette utilisation du tutoiement attise encore plus les braises. Elle me fait vraiment perdre les pédales et j’avance d’un pas avant de m’arrêter, conscient que si je continue, je vais lui sauter dessus sans plus de cérémonie que ça.

— Si à chaque fois que je livre le fond de ma pensée, j’ai le droit au tutoiement, je risque de ne plus rien dissimuler. Et ce n’est vraiment pas très raisonnable. Tu es bien trop belle pour laisser n’importe quel mâle indifférent. Je pense que tu n’as pas conscience à quel point tu es irrésistible, conclus-je, le souffle un peu court. Et ça n’a rien à voir avec la pièce, je te le garantis.

— Et si j’en avais conscience et que je cherchais simplement à me rapprocher de toi pour… je ne sais pas, obtenir des informations sur ton peuple ? m’interroge-t-elle en venant jouer avec un bouton de ma chemise. Ou bien pour te détourner de tes obligations, qui sait ?

— Je crois qu’avec un regard comme le tien, tu n’aurais pas besoin de pousser beaucoup pour avoir toutes les informations dont tu as besoin. Il faut que tu arrêtes ce jeu, Lévana, parce que moi, clairement, je ne le peux pas.

— Très bien, soupire-t-elle finalement en reculant d’un pas. Je ne dois pas être si irrésistible que ça pour que tu me demandes d’arrêter, ça ne m’était jamais arrivé !

Tu m’étonnes, je suis obligé de faire appel à toute ma résistance pour ne pas refermer mes bras sur elle et l’embrasser jusqu’à perdre toute ma raison. Mais elle est mariée et je ne dois pas m’abaisser à laisser mon désir pour elle ruiner toute l’estime qu’elle semble désormais me porter.

— Je te demande de t’arrêter parce que tu me donnes trop envie de folie et de passion, pas parce que tu n’es pas irrésistible. Tu es mariée, tu es inaccessible et je ne peux pas écouter cette irrépressible envie que j’ai de t’embrasser. Je… il faut qu’on sorte d’ici avant qu’on ne se retrouve dans une des positions de ces illustrations.

— Bien… Je te suis. Je suis fatiguée, de toute façon, me répond-elle en dénouant ses cheveux qu’elle ébouriffe. Tu devrais… enfin, j’imagine qu’il doit penser qu’on a profité de la pièce…

Non, Nal’ki, ce n’est pas possible, elle n’est pas encore plus désirable maintenant qu’elle s’est décoiffée. Et non, vu l’état de ton sexe bandé, vous n’avez pas profité de la pièce. Quoique. Peut-être qu’elle aussi a apprécié cet échange. Savoir qu’on la désire pour une femme, c’est satisfaisant, non ? Ou bien, comme tous les autres clichés de cette pièce, ce n’est qu’une idée sans fondement aucun…

— Dommage que cette love room soit comme un couloir sombre pour toi, parce que sinon, il aurait peut-être eu raison de s’imaginer ça. Allons-y, finis-je par dire sans réussir à détourner mon regard d’elle alors qu’elle défait le noeud qu’elle avait noué à son tee-shirt blanc.

On ne voit plus ni son nombril, ni la pointe de ses seins mais le look est clair et indique une folle partie de jambes en l’air. De mon côté, je sors ma chemise de mon pantalon et me dis que ça suffira pour le moment. On n’a clairement pas fait l’amour, mais j’ai gagné le tutoiement. C’est presque pareil, non ?

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