Chapitre 62
Mieux les comprendre
Nal’ki
Pourquoi suis-je aussi insatiable ? Même quand on s’est fait surprendre par Gabrielle, cela n’a pas ralenti mes ardeurs. Le monde peut bien savoir que j’aime Lévana, quand je vois son corps si voluptueux et si sensuel, je me moque des conséquences. Je sais que ce n’est pas sérieux mais que faire ? Et là encore, alors que nous reprenons notre souffle, je pourrais repartir pour un nouveau round, mais l’odeur des croissants chauds parvient à nos narines et je pense qu’elle comme moi avons besoin de reprendre des forces.
— Je t’aime, ma Lévana, murmuré-je dans son oreille, avant de l’embrasser tendrement.
Elle s’étire tout contre moi et répond à mon baiser avant de me repousser gentiment. Le sourire qu’elle m’adresse est magnifique et je ne peux retenir mes doigts qui la caressent partout où les rayons du soleil dessinent des ombres magiques.
— On va manger, Jolie Paresseuse ? Et… il faut qu’on discute aussi. Je crois que tu étais venue pour ça, à la base, non ?
— Il paraît, soupire-t-elle en nichant son nez dans mon cou. Pourquoi on ne peut pas rester dans notre bulle ?
— Parce que dehors, il y a des Valkyries qui mettent des bombes, des aliens qui font n’importe quoi avec les femmes de cette planète, plein de personnes qui veulent se rebeller pour faire comme vous et qui énervent les gens du Conseil. Et ce Conseil, qui est tellement loin de la réalité qu’il va continuer à faire n’importe quoi. Notre bulle est un des rares îlots où le bonheur et la bonne intelligence règnent… Et c’est pour ça qu’il faut qu’on parle… Mais on va faire ça le ventre plein, non ? Les croissants de Gabrielle sont une tuerie.
— Wow, tu sais comment donner envie de sortir du lit, toi, grimace-t-elle en se redressant. Tu vends du rêve avec cette vie en dehors de notre bulle. J’espère que les croissants vont faire passer la pilule !
— Si les croissants ne suffisent pas, je te propose un petit tour dans la piscine ou le jacuzzi après le petit déjeuner. Est-ce que ça te donne plus envie de sortir de notre cocon ?
— Seulement si on est à poil tous les deux et qu’on y fait des cochonneries.
— Je n’avais pas d’autres idées en tête ! rigolé-je en la soulevant dans mes bras pour l’embrasser à nouveau.
Nous parvenons néanmoins à rester raisonnables et finissons un peu plus habillés à la table de la cuisine, devant un merveilleux petit déjeuner.
— On dirait que Gabrielle a voulu se faire pardonner son intrusion, tu ne crois pas ? lui demandé-je alors que la coupable semble partie dans une autre pièce de la maison pour nous laisser tranquilles.
— C’est possible, oui… C’était quelque peu gênant, je dois l’avouer, rit Lévana. Enfin, mieux vaut elle que mon frère.
— J’espère qu’elle ne va en parler à personne, mais bon, on ne va pas l’enfermer ici pour l’en empêcher, il va nous falloir lui faire confiance. Je ne suis plus à ça près vu que je suis là pour discuter avec une Valkyrie et que ça pourrait me faire condamner pour haute trahison. D’ailleurs, je fais plus que discuter avec une Valkyrie, je suis amoureux d’une rebelle ! Tu imagines, si cela venait à se savoir ?
— Sauf qu’en dehors de toi, personne ne sait que je suis une rebelle… A moins que tu en aies parlé autour de toi et dans ce cas, c’est peut-être mon dernier petit déjeuner libre et mes derniers orgasmes.
— Je n’ai rien dit à personne, je ne suis pas fou, j’aime trop partager de bons moments avec toi pour m’en passer ! Mais qui sait… il va te falloir être très gentille avec moi si tu ne veux pas que je te dénonce en haut lieu ! souris-je avant de lui piquer un morceau de croissant.
— Serait-ce du chantage, Monseigneur ? me demande-t-elle, faussement sérieuse.
— Oui, tu sais bien que je ferais tout pour un simple baiser de ta part !
— Je ne suis pas sûre que nous arrivions un jour à parler, toi et moi, si on continue comme ça, me rétorque-t-elle, se penchant malgré tout pour m’embrasser.
Elle a raison, c’est difficile de se concentrer quand nous sommes ensemble mais je fais un effort et, sans la quitter des yeux pour profiter au maximum de la vue qu’elle m’offre, je décide d’essayer de lui expliquer la situation dans laquelle nous sommes désormais.
— Il faut pourtant que j’arrive à t’expliquer où nous en sommes arrivés dans nos réflexions, avec Maxim. Tu sais qu’il m’a missionné pour prendre contact avec les Valkyries. Tu crois qu’en mettre une dans mon lit, ça compte comme prise de contact ?
— Maxim ? Tu… Si je suis là, c’est parce qu’il t’a missionné pour ça ? Et qu’est-ce qu’il veut au juste ?
— Si tu es là en petite tenue, c’est parce que je t’aime, pas parce qu’on me l’a demandé ! Maxim m’a juste missionné pour prendre contact avec les Valkyries. Il est convaincu depuis votre attaque que le Conseil se fourvoie dans ses décisions et que si on continue comme ça, on n’arrivera jamais à la phase deux. Parce que clairement, si vous êtes tous et surtout toutes en train de vous rebeller, jamais on ne pourra s’unir avec vous et perpétuer notre espèce. Quoique, quand on nous voit, on pourrait croire le contraire, rigolé-je doucement.
— Oui enfin, il y a quand même une grosse différence entre faire l’amour et faire des gosses… D’ailleurs je ne sais même pas si je veux des enfants, alors tu devrais sans aucun doute te trouver un autre utérus sur pattes pour porter ta progéniture.
— Honnêtement, je me fous d’avoir des enfants si je peux passer le reste de ma vie à t’aimer, Lévana, rétorqué-je sérieusement.
Je me rends compte que je n’ai même pas eu besoin de réfléchir pour répondre et je sens au fond de moi que c’est vrai, que tout ce qui m’importe, c’est de pouvoir vivre notre amour. Et pour l’instant, rien n’est encore assuré.
— Bref, depuis votre attaque, les autres zones ont commencé à prendre les armes aussi. Il y a plus de résistance aujourd’hui que pendant toute notre… invasion, comme vous l’appelez. On dirait qu’on a vraiment sous-estimé le pouvoir des femmes sur votre planète. On est bêtes, hein ?
— C’est vrai ? m’interroge-t-elle, un sourire aux lèvres qu’elle efface après quelques secondes, le remplaçant par une grimace. Désolée, la Valkyrie en moi a du mal à rester couchée. Et donc, Maxim, il veut faire quoi au juste ?
— Il préfère m’écouter plutôt que de faire ce que le Conseil souhaite mettre en place. Là, il gagne du temps pour voir si je vais réussir à remplir ma mission. On a fait sauter plein de trucs où il y avait soi-disant plein de Valkyries. Il est efficace dans son entreprise de démolition d’endroits vides, non ?
— C’est donc ça ? On se demandait ce que vous fichiez…
— Oui, vous devez nous prendre pour des fous. Mais avec ce que vous avez fait, si on reste sans agir, on va juste passer pour de faibles imbéciles et le Conseil va débarquer en force. Bref, le Conseil veut qu’on soit dans la répression et qu’on renforce la soumission des femmes pour calmer vos ardeurs. Pour mon oncle par exemple, c’est d’autorité et de puissance dont vous avez besoin. C’est vrai que ça ne te dérange pas de te soumettre à mes assauts parfois, souris-je en me souvenant de la façon dont nous nous sommes aimés, mais je doute que tu souhaites te transformer en femelle soumise et à mes ordres. Je me trompe ?
— Ton oncle est totalement à côté de la plaque, il était temps que tu t’en rendes compte… Et arrête de divaguer, rit-elle, ce qui se passe dans un lit n’est effectivement pas représentatif de ce dont je peux avoir envie dans ma vie de tous les jours.
— Tu m’as en effet bien permis de comprendre tout ça. Je parle de ce qui se passe dans un lit, hein ? me moqué-je. Bref, plus sérieusement, il faut qu’on arrive à faire la paix. Si nous, dans notre zone qui a été si agitée depuis toujours, on arrive à un accord, on pourra lancer la phase deux de manière sereine et concertée. Et comme vous avez su servir d’exemple pour lancer la guerre dans les autres zones, on se dit que l’on pourrait aussi montrer la voie vers la paix. Et lancer une nouvelle ère pour vous comme pour nous. Tu crois que nous sommes des rêveurs ou bien c’est quelque chose que l’on peut envisager ?
Elle me regarde, perplexe, mais je suis soulagé de voir qu’elle ne rit pas à ma proposition et qu’elle l’étudie sérieusement. Je respecte son silence, pose ma main sur la sienne et serre ses doigts alors qu’elle semble se décider à enfin me répondre.
— La paix… Je crois que ce n’est même pas la première étape, Nal’ki. Pour qu’il y ait la paix, il faut qu’il n’y ait plus de domination de votre part. Est-ce seulement possible ? Et puis, la phase deux n’arrivera pas du jour au lendemain non plus… C’est compliqué, soupire-t-elle sans lâcher mes doigts.
— Nous n’envisageons pas une paix sans conditions, non. Avec votre frappe, vous êtes en situation de force, c’est le moment de négocier. Et il faut clairement sortir de cette domination stérile, dans tous les sens du terme. Ce n’était pas la bonne voie, j’en suis désormais convaincu. Cela ne correspond même pas aux valeurs que nous prônions sur notre planète, c’est fou, n’est-ce pas ? Mais dans notre logique de survie, on a laissé quelques principes en route et c’est dommage. Et comme tu peux le voir en me regardant, on peut tous changer. Rien n’est inéluctable mais je vois beaucoup d’obstacles sur notre chemin. Enfin “notre”… Je suis peut-être présomptueux de croire que tu veux aller dans cette direction avec moi. Bref, dans les obstacles, il faut que les Valkyries acceptent de réfléchir à la paix et ne pas poursuivre leurs attaques. Il faut aussi que nous changions complètement d’attitude. Et… il faut convaincre tout ce petit monde que la paix et la bonne entente sont les conditions nécessaires à une évolution positive de la situation générale de la Terre. Si on n’y arrive pas, je crains le pire. Sans toi, de toute façon, je sais que je n’y arriverai pas.

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