Chapitre 63

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Les comploteurs amoureux

Lévana

J’ai un peu de mal à réaliser que les mots sortent de la bouche de Nal’ki. Si j’avais su qu’une telle frappe permettrait d’enfin pouvoir envisager les choses différemment, il est évident qu’on aurait fait les choses plus tôt. Tout à coup, je me sens bien frustrée d’avoir perdu cinq ans de liberté…

— Et comment tu comptes faire accepter tout ça à ton oncle ? Tu le dis toi-même, lui veut faire passer les choses en force et être encore plus dans la répression.

— Il faut prouver qu’on peut faire de vous nos alliées et que c’est le seul moyen de passer à une phase deux épanouissante et enrichissante pour tous. Tu crois que c’est si impossible que ça ? Tu sais, la survie de notre espèce est ce qui nous guide depuis de nombreuses années… et on fera tout pour y arriver, même changer d’avis.

— Donc, quelle est la prochaine étape ? Tu veux entrer en contact avec les responsables des Valkyries pour proposer quoi comme arrangement ?

— Pourquoi tu me poses toutes ces questions ? s’agace-t-il un peu. Tu crois que j’ai réfléchi à tous les détails ? Jusqu’à présent, je suivais les ordres du Conseil et là, c’est le saut dans l’inconnu… Je n’ai pas toutes les réponses mais oui, je crois qu’il faut que je rencontre votre ou vos responsables. Et que l’on imagine une stratégie ensemble, non ?

Je lui dis ou pas ? J’ai presque envie de lui rire au nez à cet instant, même si une partie de moi se demande s’il ne va pas encore réagir vivement à cette nouvelle donnée… Je prends le temps de terminer mon café et pose mes jambes nues sur les siennes en m’adossant à ma chaise. Nal’ki pose sa main libre sur mes tibias et caresse ma peau tout en sirotant son propre breuvage, non sans m’observer, attendant ma réponse.

— Tu as devant toi l’une des cinq responsables des Valkyries, et je peux t’assurer que si tu arrives avec si peu de contenu devant les quatre autres, ils vont rapidement t’envoyer paître, Beau Gosse.

Il manque de s’étrangler avec sa boisson avant de m’observer plus attentivement.

— Non seulement, tu es une Valkyrie mais en plus, tu es une de leur cheffe ? Mais c’est fou, ça ! Et moi qui ne vois rien… Tu dois me prendre pour un imbécile, non ? Et… pour le contenu, si je dis à l’une des cheffes que je crois plus à l’amour qu’à la guerre, tu crois que ça suffirait ?

— Avec moi ça peut sans doute passer… Les quatre autres, en revanche, je n’en suis pas bien sûre. D’ailleurs, je pense qu’on évitera de leur dire qu’on fricote avec l’ennemi, soupiré-je. Tu es sûr que Maxim va te suivre ? Il me semblait assez proche de Lezeboth…

— Je crois que Maxim, comme moi et tous les autres, on veut surtout un futur où on ne mourra pas tout seuls et sans enfants. Ou avec une femme qu’on a droguée ou attachée pour lui faire faire ce qu’on veut. Ce n’est pas un mauvais type, tu sais ? Quand on est arrivés, lui comme moi, nous avons tout fait pour préserver les vies humaines, ce qui n’était pas le cas de Lezeboth… ou de mon oncle. Nous ne sommes pas tous des bêtes sanguinaires même si certains sont stupides. Quant à mon plan, il est faible, je sais… mais pourquoi pas réfléchir ensemble ? Je pense vraiment que si on montre au reste du monde que respecter les femmes et leurs droits permet plus de résultats que leur taper dessus, ça suffira pour les convaincre, non ? Et peut-être qu’on devrait retrouver ta sœur… si elle est volontairement avec un des nôtres et est heureuse sans se soumettre, ça peut faire un argument supplémentaire ?

— Peut-être… J’ai surtout peur que cela prenne beaucoup de temps, tout ça, tu sais ? Je veux dire… beaucoup de femmes vous craignent, on est loin d’une bonne entente et quand bien même on pourrait devenir potes, y a une différence entre le vivre ensemble et le faire des bébés.

— Il faudrait donc qu’on renverse le Conseil pour changer vraiment les choses ? C’est ce qui irait le plus vite, non ?

Je prends le temps de réfléchir à cette idée aussi folle qu’utopique. Si seulement… Est-ce que cela garantirait pour autant une confiance nouvelle envers les aliens rebelles ?

— Tu crois que ce serait possible ?

— Je ne vois pas d’autre alternative malheureusement… Tu as une meilleure idée ?

— Tu sais bien que c’est le genre de choses qu’on aimerait évidemment faire… Et ce serait plus facile si nous n’étions pas que des Valkyries pour ça.

— Qui d’autre pourrait se joindre à nous ?

— Nous ? Tu te sens Valkyrie à présent ? ris-je.

— On est dans le même bateau, tu ne crois pas ? Et puis, vu comment vous vous battez fièrement, ce serait un honneur, non ?

— Hum… Je ne suis pas particulièrement fière d’en arriver à tuer des êtres vivants, soufflé-je en me levant pour aller me remplir une nouvelle tasse de café.

— Dans toutes les guerres, il y a malheureusement des victimes, soupire Nal’ki. Ce dont tu peux être fière, c’est de ta capacité à ne jamais abandonner. On devrait tous s’inspirer de vous pour vivre dans un monde meilleur.

Je hausse les épaules et le rejoins à table. Alors que je vais m’asseoir, Nal’ki m’attire sur ses genoux et je manque de renverser ma tasse. Sacrilège, ce café est vraiment délicieux.

— Tu vas revenir au Blue Heart ? lui demandé-je tandis qu’il me prend la tasse des mains pour boire une gorgée.

— Si je veux nouer des liens avec des Valkyries, c’est bien là où il faut que j’aille, non ? Et puis, qu’y-a-t-il de mieux que pouvoir passer mon temps à te regarder ?

— Honnêtement, ce n’est pas plus que ça un repaire de rebelles, ris-je. Oui, il y a quelques Valkyries, mais il y a surtout des hommes puisque nos femmes sont limitées dans leurs actes… Faut dire que nos mâles ont vite pris le pli de vous suivre dans vos conneries.

— Oui, on n’a pas eu beaucoup à combattre sur ce plan-là. La connerie des hommes est la même partout…

— Tu prêches une convaincue. Il faut que tu saches que… d’autres attaques sont en cours de préparation, Nal’ki, il va falloir vite se mettre d’accord sur la suite à venir. On a appris que d’autres zones se rebellent et que ça bouge pas mal, ce qui n’était plus le cas depuis des mois ailleurs qu’ici.

— Oui, ça va craquer dans toutes les zones, nous n’avons pas les moyens de tenir partout si la résistance prend de l’ampleur. Nous ne sommes juste pas assez nombreux et la technologie ne pourra pas toujours compenser ce manque de personnes… En plus, non seulement on n’a plus l’effet de surprise mais vous avez réussi à montrer que nous n’étions pas infaillibles… Cet espoir que vous avez relancé, je crois que c’est comme une vague contre laquelle on ne peut pas lutter. Soit on la prend, soit on coule, philosophe-t-il en me caressant doucement les cheveux. Tu vois, nous deux, on est déjà d’accord, c’est un bon début !

— Je ne vais pas être la Valkyrie la plus difficile à convaincre, comme tu trouveras bien plus têtu chez les tiens… Disons qu’en plus, nous avons eu tout le temps nécessaire de nous apprivoiser, souris-je en faisant courir mes doigts sur son torse.

— Tu sais ce qu’il faut qu’on fasse ? Provoquer une rencontre entre le Conseil et les Valkyries, un truc public retransmis sur toute la planète, où l’on expose devant tout le monde cette réalité que jamais vous ne vous rendrez, que nous ne sommes pas si puissants que ça mais que sans nous, vous pourriez vite revenir à l’anarchie et à la destruction écologique. Et on les force, je ne sais pas comment, à faire un accord pour toute la planète de bonne entente. On maintient la paix et la prise en compte de l’écologie, vous faites tout pour maintenir les droits de tous les Terriens, et surtout des Terriennes. Il y a plein d’inconnues mais ça pourrait fonctionner…

— Tu pourrais me garantir que nous serions en sécurité dans ce genre de situation ? Parce que si c’est pour finir prisonnière voire pire, non merci.

Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en lui, mais Lezeboth et son oncle, eux, ne m’inspirent rien de bon. L’idée de rencontrer le Conseil et de nous imposer me plaît bien, mais dans tous les cas, il ne faut pas nous précipiter.

— Tu sais bien que moi, je ferai tout pour te protéger, Lévana. Il ne t’arrivera rien sous ma protection, mais tu as raison, cela pourrait être dangereux… sauf si on les attire dans un piège ici… Je crois que j’ai une idée qui pourrait te plaire, dévoile-t-il, les yeux brillants d’excitation. Je sais ce qui les ferait se déplacer ici et nous permettrait de les mettre en situation d’infériorité ! crie-t-il presque en attrapant mes mains.

— Je t’écoute, ne me fais pas languir plus longtemps, ris-je en venant mordiller l’arête de sa mâchoire, me pressant davantage contre lui.

Nal’ki fait un peu durer le suspens et je suis à deux doigts de lui pincer le téton pour le punir de me faire languir de la sorte alors que son sourire assuré et limite hautain s’imprime sur son visage. Comme s’il s’attendait à ce qu’on nous écoute, il jette un œil dans mon dos en direction de la porte de la cuisine, puis il se lance finalement et m’expose son plan.

— Il y a du potentiel dans cette idée, tu ne crois pas ? conclue-t-il, plein d’espoir. Dis-moi que tu y crois un peu…

— Effectivement… J’en parlerai aux autres, on verra ce qu’ils en pensent. Je ne peux évidemment pas décider seule, mais je le crois suffisamment faisable pour le défendre auprès des autres membres responsables… Quant à toi, j’imagine que tu vas quand même devoir convaincre les tiens ?

— Il faut encore qu’on réfléchisse aux détails mais avec un plan comme ça, on va forcément convaincre tout le monde, non ? On donne l’espoir d’une paix durable et équitable alors que là, on s’enfonce dans la guerre et l’inégalité… Je… je suis un rêveur, ça ne va jamais marcher en fait, énonce-t-il en semblant tout à coup pris de doutes. Quoique… tu es là dans mes bras, cela montre que les rêves peuvent se réaliser.

Pour toute réponse, je presse mes lèvres contre les siennes et l’embrasse fermement. Mon corps s’embrase alors que ses mains s’y promènent et c’est à bout de souffle que nous nous séparons.

— Il faut y croire… Nous, on se bat depuis cinq ans et il est hors de question d’abandonner tant que nous n’aurons pas retrouvé notre liberté. Ca ne peut qu’être mieux si on parvient à s’unir.

Je crois en mes propos. Même si j’ai bien conscience que tout ne se résoudra pas en un claquement de doigts, on gagne en force en s’unissant avec eux. Ils vont pouvoir nous apporter des informations essentielles qui nous aideront dans nos affrontements… Je ne sais pas ce qui est le plus judicieux à faire, en définitive. J’avoue que je n’ai jamais pensé qu’un jour nous pourrions nous allier pour faire tomber le Conseil. J’espère que mon frère, Jasmine, Fatima et Myriam ne vont pas me mettre un stop direct lorsque je leur raconterai tout ça… En attendant, je compte bien profiter d’une dernière étreinte avec ma grande tige avant de revenir à la vie normale.

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