Chapitre 70

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De l’audace, toujours de l’audace

Nal’ki

Je retiens mon souffle, comme si le fait de ne pas respirer pouvait aider à stopper le temps. Le silence semble assourdissant après ces cinq détonations qui ont retenti. Je pense que ça vient de l’autre côté de l’île et je me demande ce qu’il s’y passe. Est-ce que le groupe avec Verlox s’est fait repérer ? Est-ce eux qui ont dû anticiper leur attaque ? Je n’en sais rien mais je n’ai pas le temps de réfléchir plus à la question car Lévana s’est déjà redressée et elle fonce vers le poste de gardes que nous devons neutraliser. Elle est folle, elle va se faire tuer en se mettant ainsi à découvert ! Vite, je me lève à mon tour et me précipite derrière elle, la rattrapant rapidement du fait de la taille de mes jambes. L’heure n’est plus à la réflexion mais à l’action et je m’élance à l’assaut du poste de garde.

On a de la chance, il est plutôt sommaire et semble plus conçu pour empêcher les gens du camp de sortir que des forces ennemies d’entrer. Leurs fusils automatiques ne sont même pas tournés vers nous et il n’y a pas de protection à proprement parler.

— Lévana, je prends ceux de gauche, crié-je en orientant ma course vers un grand blond qui se frotte les yeux et un autre, plus trapu, dont l’air ahuri pourrait me faire sourire si nous n’étions pas en train de risquer nos vies. Occupe-toi du dernier, lui lancé-je en espérant qu’elle y arrivera sans se mettre trop en danger.

Je pense que le garde sur lequel je saute ne comprend rien à ce qu’il se passe. Il a les yeux bouffis et les mains vides. Il pourrait se saisir de son fusil et le retourner contre moi mais l’effet de surprise est tel qu’il reste là, bouche bée, sans avoir les moyens de réagir. C’est trop facile car moi, je suis prêt à l’action. J’ai mon arme pointée sur lui et il se contente de lever les bras en l’air tandis que le costaud commence enfin à sortir de sa léthargie.

— Pas un bruit ou un mouvement dangereux, sinon je tire, compris ? Si vous voulez vous en sortir vivants, il va falloir coopérer.

Je pointe mon arme vers celui qui se réveille afin de calmer toute velléité chez lui et, voyant qu’il cherche à dégainer un pistolet qu’il a à la ceinture, je ne réfléchis pas plus que ça et me précipite vers lui. Je lui assène un coup dans la tempe avec mon arme et il s’effondre à mes pieds. J’y suis allé avec force mais j’espère que je ne lui ai pas causé un trop grand traumatisme. Son comparse est plus malin et il a gardé les mains levées.

— Je te préviens, tu tentes de transmettre la moindre info avec ton intercom, je tire et tu n’auras plus de poignet auquel l’accrocher. Capice ?

Il se contente de hocher la tête et je jette un œil vers Lévana pour voir où elle en est. Mince, elle a disparu et je ne vois que le dos du garde qu’elle devait neutraliser ! Où est-elle passée ?

— Lévana ? l’interpellé-je, inquiet de ce qui a pu lui arriver.

Je suis soulagé de la voir apparaître lorsqu’elle se décale un peu et je constate qu’elle sourit alors qu’elle aussi tient en joue le garde dont elle devait s’occuper. Et quand je vois la trace de coup qu’il a sur son visage, je me dis que je ne suis pas le seul à avoir fait usage de la force pour maîtriser mon ennemi.

— Ça va, tu n’es pas blessée ? demandé-je en faisant quelques pas vers elle sans relâcher mon attention, même si je crois que nous n’aurons pas de soucis avec ces gardes complètement dépassés.

— Tout va bien pour moi, même si j’ai hâte qu’on retrouve les autres pour m’assurer qu’ils sont indemnes. Et toi, ça va ?

— Ouais, on a affaire à des gamins… C’est fou comme l’excès de confiance ou de suffisance peut amener à des problèmes de sécurité. Nous, au moins, avec les Valkyries comme empêcheuses de tourner en rond, on était plus préparés, souris-je, ravi de voir qu’elle est saine et sauve. On les emmène avec nous ou on les neutralise ici, Madame l’experte en rébellion ?

— On les emmène. Comme ça, aucun risque que quelqu’un les libère pendant notre absence. J’ai des bons vieux serflex dans mon sac à dos… Mon père disait que c’était l’indispensable du baroudeur, au moins on pourra leur attacher les mains… même s’ils semblent plutôt inoffensifs.

— Tu crois que ton père t’imaginait en train d’attaquer des grandes perches comme nous quand il te disait ça ?

Elle me lance les fameux serflex et je noue les mains du garde conscient. L’autre semble complètement hors de combat, je lui attache quand même les liens en me disant qu’il va falloir le soigner rapidement mais pour l’instant, on a d’autres urgences.

— Peut-être bien, oui, sourit-elle. Je n’ai pas attendu votre arrivée pour être une rebelle, tu sais ? J’avais déjà des opinions arrêtées et des luttes qui me tenaient à cœur, et il le savait. Alors… j’ose croire qu’avant de mourir il a imaginé ses enfants se battre pour la liberté.

— Eh bien, c’est ce que nous sommes en train de faire. Lui, il faut le laisser là, il est complètement out. Vous deux, devant moi, vous nous montrez le chemin vers l’autre poste de garde. Et au moindre geste suspect, vous avez vu qu’on n’hésite pas à frapper fort. Alors, faites ce qu’on vous dit et tout ira bien.

Nous leur emboîtons le pas mais Lévana comme moi, nous restons vigilants. Certes, on les a surpris mais il n’en reste pas moins que ce sont deux militaires et qu’une fois l’étonnement passé, ils sont susceptibles de retrouver les bases de leur entraînement. Lorsque nous rejoignons Gaspard et Jasmine, nous sommes soulagés de voir qu’ils sont tous les deux vivants et qu’ils ont aussi réussi à neutraliser les gardes dont ils devaient s’occuper. Par contre, le frère de Lévana semble avoir été touché car il a une estafilade ensanglantée sur le visage. Cela n’a pas l’air profond mais il est blessé, c’est certain et sa sœur se précipite vers lui.

— Ça va ? Vous n’avez rien de grave ? demandé-je alors que Lévana passe sa main sur le visage de son frère.

— On va bien, rétorque Jasmine. Gaspard a juste voulu se rendre intéressant et se faire bichonner. Il faut qu’on retrouve les autres.

— Oui, vous avez entendu les coups de feu ? J’espère que tout s’est bien passé de l’autre côté aussi. Quelqu’un reste ici avec nos prisonniers ?

— Je vais rester… Gaspard ne voudra pas lâcher sa soeur une fois encore. Faites gaffe à vous.

— S’ils bougent, tu tires, lui dit son amoureux avant de l’embrasser.

J’aimerais en faire autant mais je me retiens, ne voulant pas causer un esclandre alors que nous sommes en pleine attaque. Je fais signe de me suivre et nous nous hâtons afin de voir ce qu’il en est de l’autre groupe qui, je l’espère, a eu le même succès que nous. Mais quand on arrive, je vois tout de suite qu’il y a un problème.

— Stop ! lancé-je en tirant Lévana vers le bas et rassuré de voir que Gaspard fait de même derrière nous.

J’observe un instant la scène et constate que Verlox et les autres ont fait des dégâts mais ils ont réussi à se faire encercler et ont déposé leurs armes. Fatou semble furieuse mais un des gardes la maintient physiquement alors qu’elle se débat. Une des jumelles est agenouillée à côté de sa sœur, à terre.

— Je ne vois pas d’autres solutions que de tirer sur les gardes, chuchoté-je. Mais c’est risqué pour nos amis, non ?

— Si tu sais viser, ça devrait le faire, me répond Lévana avec un sourire en coin. Nous on sait, en tout cas. Tu veux faire quoi si on ne tire pas ?

— J’y vais au bluff et je joue à l’officier qui les félicite… Et vous vous chargez de les neutraliser pour retrouver l’effet de surprise. Ça peut marcher, non ? Ca éviterait des morts inutiles, ajouté-je, conscient que je ne veux pas participer à la mort des miens.

— Des morts inutiles, ricane doucement Gaspard. Comme si la mort de nos parents avait été utile, elle.

— Gaspard, soupire Lévana. Vas-y, Nal’ki, on peut faire ça, ça me va. Ne traînons pas, en revanche.

Je lui serre la main pour la remercier silencieusement de son souhait et me lève discrètement avant de m’avancer avec autant d’assurance que possible.

— Ah bravo ! Vous les avez arrêtés ! Je savais qu’on pouvait compter sur vous ! Quel beau travail ! crié-je en m’approchant. Vous avez réussi notre exercice de mise en situation ! Mais pourquoi donc avez-vous aussi arrêté Verlox ? Il ne vous a pas dit qu’il était là pour vérifier la bonne tenue de l’exercice ? demandé-je en m’approchant de mon ancien garde du corps. Elle est où son arme ? Pourquoi la lui avez-vous prise ?

— Mais parce qu’il nous a tiré dessus ! rétorque l’un des gardes en levant la main dans laquelle il tient l’arme.

— N’importe quoi ! Arrêtez de dire des bêtises ou je vais finir par croire que vous n’êtes pas aussi bons que ce que le haut commandement pensait ! m’indigné-je en lui arrachant l’arme des mains avant de la tendre à Verlox. Et cette pauvre femme, vous pouvez la relâcher aussi ! Il ne faut pas abîmer la marchandise, quand même ! Vous vous rendez compte si le Directoire apprenait ça ? Je vais faire un bon rapport mais il faut que vous m’aidiez un peu quand même !

— Mais… Enfin… Qu’est-ce que…, bafouille le garde. C’est quoi cette histoire ? Ce n’est jamais arrivé avant, ça !

— Eh bien, non, bien sûr que non ! Vous êtes aussi cons que les Terriens ou quoi ? Lâchez cette femme, voyons ! ordonné-je avec encore plus de fermeté. Et j’espère que vous n’avez pas fait trop de mal à ces deux-là. Non mais c’est pas vrai ! Si vous continuez comme ça, vous allez voir le rapport que je vais écrire sur vous !

— Pardon, pardon, bien sûr ! s’affole le gars en s’exécutant, relâchant Fatou qui me fusille du regard, m’insultant certainement mentalement de connard.

C’est le moment que choisissent Lévana et Gaspard pour intervenir. Ils tirent une rafale dont les impacts viennent éclater dans la terre à côté du garde affolé et dans une belle coordination, Verlox et moi pointons nos armes vers les deux autres gardes. Fatou, quant à elle, s’est saisie de son arme qui était à terre et vient la brandir sous le nez de celui qui la maintenait encore il y a quelques instants.

— Toi, je vais te couper les couilles ! lui crie-t-elle dessus.

— Je crois qu’il ne vaudrait mieux pas, l’interpellé-je. Regarde, on n’a pas été discrets. On va devoir gérer les habitants qui se pointent. Il vaut mieux continuer à gérer la situation.

Je ne sais pas comment je réussis à la convaincre mais elle se calme et regarde dans la direction que j’indique. Je crois que nous avons réussi à neutraliser tous les gardes et c’est déjà une belle réussite. Maintenant, il va falloir nous occuper des autres et ça, ce n’est pas gagné. Mais une chose à la fois, c’est comme ça qu’on avance.

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