Chapitre 75
La préparation des soeurs
Lévana
Une grimace s’imprime sur mon visage alors que je galère à remonter la fermeture éclair dans mon dos. J’entends ma sœur ricaner et la remercie d’un regard à travers le miroir qui me fait face lorsqu’elle me file un coup de main.
— On dirait que tu as fait ça toute ta vie… Cette tenue te met vachement en valeur.
— Boucle-la ou je te fais manger le rembourrage du soutif, marmonné-je en tentant de planquer un peu plus mon décolleté.
— Si tu veux te débarrasser des coussinets, donne-les-moi, j’en ai plus besoin que toi, rit-elle en jetant un œil à sa poitrine. Ils ont un peu oublié de pousser, ces dernières années.
Je ricane et l’étreins. Je suis tout bonnement incapable de rester loin d’elle et j’avoue que la pauvre va finir par étouffer si je continue à la câliner chaque fois que j’en ai la possibilité.
— Tu es magnifique et, même si j’avoue que te savoir mère si jeune et dans ces conditions m’a un peu fait tiquer, la maternité te va bien. Tu es magnifique, petite sœur. Par contre, je te préviens, si Zabor merde, je n’aurai absolument aucun remords à le torturer avant de le tuer de mes mains.
— Zabor est formidable, Lév, tu n’as pas à t’inquiéter. Et je suis sûre que la maternité t’irait encore mieux. Tu imagines si ta poitrine gonfle encore ? Les mecs comme Nal’ki qui passent leur temps à te mater vont encore baver bien plus !
— Nal’ki ne passe pas son temps à me mater, enfin ! C’est… Tu te fais des films, bafouillé-je, consciente que je n’affiche clairement pas une assurance sans faille.
— Tu parles, ce matin encore, il traînait près de la fenêtre de ta chambre. Je l’ai surpris à te regarder à travers la vitre. Il avait cette expression qui ne trompe pas quand quelqu’un te plait, je le sais, Zabor avait la même quand il me draguait. Tu sais, quand les yeux sont un peu vides, rêveurs, mais qu’en même temps, il y a une sorte de bonheur qui semble se diffuser autour de la personne ?
J’hésite durant quelques secondes à me confier à ma frangine, mais son statut actuel me pousse à me montrer honnête. Elle ne me jugera pas, contrairement à Gaspard.
— Crois-moi, il a plus souvent un regard lubrique que rêveur !
— Un regard lubrique ? Comment ça ? Tu veux dire qu’il a envie de te mettre dans son lit ? C’est quoi, cette histoire ?
— Bon, finalement, nous sommes plus discrets que je le pensais… Ça me rassure, parce que Gaspard le tuerait s’il savait qu’on est ensemble.
— Ensemble ? Non, c’est vrai ? Mais… ça fait longtemps ? Et tu n’avais pas peur des dangers du virus ? Purée, j’en reviens pas ! Toi aussi, tu es amoureuse d’un alien ? s’enthousiasme-t-elle. C’est fou ! Ce sont des amants merveilleux, tu ne trouves pas ? Il faut que tu me racontes tout, continue-t-elle à s’agiter. Moi, je n’ai connu que Zabor, toi tu dois pouvoir comparer… Ils sont incroyables, n’est-ce pas ?
Je grimace à nouveau et si je le pouvais, je me laverais les yeux à la Javel avec les images qui viennent de me passer en tête. Jeanne a encore quinze ans dans ma tête. Jeanne a eu un bébé par l’opération du Saint Esprit. Jeanne... Ah, beurk, non !
— Il va falloir que tu me laisses un peu de temps avant qu’on en arrive à se confier notre vie sexuelle, ma Puce… Pour moi, tu as encore quinze ans, je ne suis pas prête à ça, ris-je en glissant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Mais… ça fait un petit moment que Nal’ki et moi sommes ensemble. Disons qu’on a flirté un moment et que lorsque nous étions sur le vaisseau-planète pour te chercher, on a eu confirmation qu’être plus… intimes n’était pas dangereux.
— Donc, c’est grâce à moi si vous vous êtes mis ensemble ? Je pourrai être la marraine de vos petits ? rigole-t-elle en me voyant lever les yeux au ciel. Ben quoi, je t’assure que la Phase 2 a plein de bons côtés, même si tu ne veux pas avoir les détails.
— T’inquiète, je profite de la Phase 2 sans les inconvénients de la grossesse, c’est encore mieux. Pas un mot à Gaspard, hein ? Une sœur corrompue, c’est déjà beaucoup à encaisser pour lui, pour le moment… Sans parler des Valkyries. Personne ne sait pour nous.
— Pauvre grand frère. Ses deux sœurs se donnent à l’ennemi. Tu crois qu’il va survivre quand il va apprendre ? Il pense quoi de Nal’ki ? Parce que Zabor, il ne l’a pas vraiment dans son cœur… Je sais que c’est dur à admettre, mais on s’aime. Je n’étais vraiment pas prévue pour l’expérimentation mais… l’amour est arrivé et on a profité de cette expérimentation pour revenir sur Terre. Si tu savais comme je voulais t’appeler mais je n’avais pas le droit d’entrer en contact avec vous tant que nous n’étions pas sûrs que c’était sans risque pour tout le monde… Je n’avais qu’une hâte, que les résultats soient validés et partager mon amour avec vous. Mais c’est toi qui as été la plus efficace, tu m’as retrouvée !
Je lui souris et l’attire à nouveau contre moi. Cinq années, bon sang, c’est une éternité, et pourtant, son sourire, ses intonations de voix, ses beaux yeux qui plongent dans les miens, humides, je me souviens de tout comme si la dernière fois que je l’avais vue ne datait que de quelques jours. J’ai bien conscience que je devrais me concentrer sur cette soirée qui approche grandement, mais la joie que j’éprouve à avoir retrouvé Jeanne me submerge chaque fois que je suis proche d’elle.
— On est d’accord que si tu sens que ça pue, ce soir, tu n’hésites pas à dire que tu as été contrainte de collaborer parce qu’on menaçait la vie de ton fils, hein ? Il faut que, peu importe ce qu’il se passera, tu restes libre et avec lui.
— Tu penses qu’ils me croiront ? J’essaierai, mais bon, je ne sais pas si je serai convaincante… Et… hésite-t-elle, s’il m’arrive quelque chose, tu me promets que tu t’occuperas de ton neveu Gamil ?
— Je te promets de faire tout ce que je peux, oui, mais tu as surtout intérêt à ne prendre aucun risque.
— Je crois que le plus haut risque, c’est que Zabor saute sur un des membres du Conseil parce que je vais trop l’allumer, rigole-t-elle. Il a le sang chaud quand on s’approche de moi d’un peu trop près. Un vrai jaloux et… ça m’amuse !
— Gaspard aura déjà coupé les mains du type s’il te touche, ricané-je. Crois-moi, son côté protecteur s’est bien trop développé depuis ta disparition. La preuve, je n’ose même pas lui dire que je suis avec Nal’ki, ça veut tout dire… Mais bon, il est un peu insupportable.
Je quitte la chambre, suivie de près par ma sœur, et vais papouiller mon neveu dont je suis indubitablement tombée amoureuse. Cette petite bouille toute ronde me fait littéralement fondre et je suis déjà une vraie tata gâteau.
— Il a toujours été insupportable avec ses deux sœurs, ça ne change pas, ça, au moins !
— Imagine son état quand je suis montée là-haut sans lui, qu’il n’a pas eu de nouvelles pendant des jours… Je crois que je l’ai fait criser pour nous deux, ris-je.
Selma, l’une des femmes qui a refusé de nous aider, débarque pour s’occuper du petit et j’observe Jeanne embrasser son fils et traîner un peu à le laisser. Je la laisse seule un moment et sors du chalet. L’adrénaline grimpe dans mes veines mais aussi le stress. Stress qui diminue un peu lorsque je croise ce regard bleu qui m’hypnotise toujours autant. Pour le coup, il me dévore littéralement du regard. J’imagine que ma tenue lui rappelle des souvenirs, et j’en joue en balançant des hanches pour le rejoindre tandis que Verlox lève les yeux au ciel.
— Ne fais pas l’indigné, je t’ai vu me mater avant de jouer au coincé, lancé-je avant de faire une révérence à Nal’ki. Que puis-je pour vous, Monseigneur ?
— Je… Tu… Rien, me promettre de toujours t’habiller comme ça quand tu voudras que je fasse tout ce que tu veux, finit-il par dire. Tu es… wow, je n’ai pas de mot. Avec toi dans le jeu, on a déjà gagné l’attention de tous les mâles présents, c’est évident !
— Il ne vous faut vraiment pas grand-chose pour vous faire avoir, vous les hommes, pour flancher… Une tenue sexy et y a plus personne de cohérent ! m’esclaffé-je. Je déteste cette tenue en plus… Et je ne pense pas avoir besoin de ça pour te convaincre de me faire tout ce que je veux.
— C’est vrai mais tu sais bien que je te trouve magnifique. Et toi, continue-t-il en s’adressant à Verlox, tu n’as pas mieux à faire que de baver ?
— Je ne bave pas, j’admire, grommelle-t-il en détournant quand même le regard.
Nous sommes interrompus par le bruit caractéristique d’un vaisseau transporteur qui apparaît au-dessus de nos têtes. Tout à coup, l’atmosphère s’alourdit et le sérieux reprend place entre nous.
— Bon… On se retrouve là-bas, soupiré-je en jetant un œil au bâtiment scientifique qui accueille notre soirée. Restez bien cachés, hein ? Ce serait bête de faire foirer le plan maintenant. Et toi, n’oublie pas que je ne fais que jouer la comédie.
Je me hisse sur la pointe des pieds et dépose un doux baiser sur les lèvres de Nal’ki. Si je m’expose, lui ne peut pas prendre ce risque et, bien qu’il veuille avoir un œil sur la soirée en restant dans la cuisine, je ne veux pas prendre le risque que son côté alien des cavernes prenne le dessus. Si Jeanne pense que Zabor pourrait merder, je crois que Nal’ki ne serait pas mieux, en définitive. Comme s’il lisait dans mes pensées, il passe d’ailleurs un bras possessif autour de ma taille et approfondit notre baiser en me serrant contre lui.
— J’espère que tu as bien mis mon flingue sous le bar, Monseigneur, moi aussi je veux jouer, ce soir, soufflé-je avant de m’éloigner.
Je ricane de ma propre réplique ridicule et m’éloigne pour rejoindre le bâtiment. Jeanne me retrouve sur le trajet. Zabor doit accueillir le Conseil et j’avoue ne pas être très pressée de les voir… Mon expérience là-haut m’a largement suffi, je me serais bien passé de me confronter à nouveau à eux… Mais c’est pour la bonne cause. Ce soir, on peut mettre un terme à l’oppression et je suis prête à me battre pour ça.

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