Chapitre 76

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Il en manque un…

Nal’ki

Pour l’instant, tout va bien. Avec Verlox, nous observons ce qu’il se passe sur l’écran devant nous et j’avoue que c’est difficile pour moi de rester calme. Surtout que pour le moment, rien ne se déroule comme prévu même si Lévana et les autres s’adaptent et gèrent comme des chefs. Tout d’abord, il y a Lorkan, mon oncle, qui a voulu aller voir la marchandise, à peine arrivé. Et quand je dis “marchandise”, ce ne sont pas les enfants qui l’intéressaient mais bien toutes les femmes présentes. Et surtout les disponibles. Les Valkyries ont joué leur rôle à merveille. Les voir papillonner des yeux, onduler des hanches aurait pu être sympathique s’il n’y avait pas eu les regards lubriques des membres du Conseil… et leurs gestes déplacés. Quand ce Roo’Lev a mis les mains sur ma jolie serveuse, j’ai failli casser l’écran devant moi. Verlox m’a regardé d’un air goguenard et ça m’a encore plus énervé.

A présent, ils se dirigent enfin vers la salle de réception où Zabor a prévu de faire un discours. Mais ils traînent… Ils essaient de bécoter les filles, on dirait qu’ils ont hâte de retrouver le plaisir d’avoir des câlins. D’un côté, je les comprends mais je me dis qu’ils ne sont vraiment pas sérieux. Ou responsables. En vrais chefs, ils devraient passer les derniers, non ? Là, on a l’impression qu’ils veulent juste profiter du système et ça m’horripile.

— Tu crois qu’il faut qu’on aille faire comme dans la chasse à courre ? On fait du rabattage ou on doit encore patienter ? demandé-je, irrité.

— Sois patient. Agir sous le coup de tes émotions ne fera pas avancer la cause.

— Comment tu fais pour être toujours aussi zen ? Je comprends en tout cas qu’ils t’aient nommé pour être garde du corps. Tu ne t’ennuies jamais ?

— C’est un travail comme un autre. Et toi, tu ne t’ennuyais jamais avec toutes ces réunions jugées “utiles” où aucune solution n’était proposée ou trouvée ?

Pendant qu’il parle, lui comme moi ne lâchons pas l’écran des yeux. Il semblerait qu’ils soient enfin tous rassemblés dans la pièce commune. Ils font mine de s’extasier sur les enfants présents mais, même en virtuel, tout a l’air faux. J’essaie de voir s’ils sont tous là et suis rassuré de constater qu’ils sont venus en nombre. A priori, si je compte bien, ils n’ont laissé qu’un des membres du Conseil en haut. Le pauvre, il a été puni et, si tout se passe comme nous le souhaitons, il va devoir prendre des décisions très prochainement. Espérons qu’il soit tétanisé par l’enjeu…

— J’ai jamais aimé les réunions, murmuré-je, mais je crois que cette assemblée me plait bien. Il faut qu’on lance l’opération maintenant. Pas sûr qu’ils restent sagement dans la pièce une fois que Zabor aura fini de parler. Ils ont l’air trop pressés de vouloir consommer les choses, soupiré-je. Espérons que Lév et les autres réagissent même si on ne respecte pas le plan prévu. Gaspard !

J’appelle le frère de Lévana qui regarde avec Fatou sur un autre écran et semble aussi perplexe que moi.

— On ne peut plus attendre, on doit attaquer. Tu es d’accord ? On y va ?

Fatou me lance un regard noir, presque de tueuse, et je comprends que j’ai fait une gaffe en demandant l’avis du seul homme présent.

Vous êtes d’accord ? recommencé-je après avoir fait un geste d’excuse, souhaitant me rattraper. Désolé, Fatou, je parlais plus à Gaspard car c’est de ses sœurs dont il s’agit.

— Ben voyons… Toujours une bonne excuse pour mettre les femmes de côté marmonne-t-elle. On devrait attendre qu’ils fassent sortir les gosses, vous avez déjà assez traumatisé notre peuple comme ça, ce serait con de les malmener, même si la moitié de leur ADN vient de vous.

— Si on attend, ces gros porcs vont aller s’enfermer dans des piaules avec les femmes présentes. On ne peut pas prendre ce risque, insisté-je.

— Et le temps d’y aller, ils auront fait sortir tous les enfants, renchérit Verlox. Je suis d’accord avec Nal’ki, il faut y aller maintenant.

— Ben voyons, étonnant, tiens ! Allons-y, mais je vous rappelle que perso, je n’hésiterai pas à tirer pour tuer, lance-t-elle en se levant, arme à la main.

— On y va pour éviter un massacre, grommelé-je, pas pour en provoquer un.

Nous faisons signe aux autres membres du groupe et nous nous dirigeons en silence vers la salle. Chacun prend la place qui était prévue et j’attends encore quelques instants avant de donner le signal en voyant que des enfants commencent à sortir discrètement. Je croise le regard surpris de Jeanne alors qu’elle passe son nez à la porte lorsqu’elle accompagne un des petits, mais elle comprend vite la situation et referme la porte après avoir repris un masque de calme. Au moins, elle devrait pouvoir prévenir les autres…

— Encore cinq minutes, chuchoté-je pour que tout le monde soit au courant.

C’est fou comme le temps passe lentement quand on attend qu’un délai s’écoule. Chaque seconde dure une éternité. Dans ma tête, j’imagine un sablier dont chaque grain fait un vacarme d’enfer en tombant et réalise que ce sont les battements de mon cœur que j’entends tellement le silence est pesant. Il n’y a que quelques applaudissements à l’intérieur qui retentissent, quelques rires qui fusent. Lorsque mon intercom passe au vert, je lève la main et fais le premier pas. La coordination de tous va être primordiale. Nous avons une dizaine de personnes à neutraliser. Il ne faut pas qu’il y ait de couac, sinon ça va finir en carnage.

— Que personne ne bouge ! tonné-je en ouvrant grand la porte, mon arme tendue devant moi. Le premier qui fait mine de prendre son arme, je le déglingue ! Capice ?

Dans un premier temps, l’effet de sidération est total et je souris intérieurement car nos alliés présents dans la pièce sortent aussi leurs armes et mettent en joue les membres du Conseil qui sont entourés et se rendent vite compte qu’ils sont encerclés et ne peuvent rien faire. Dans ma tête, il y a quelque chose qui cloche mais je n’arrive pas à voir quoi. Ce sentiment se renforce alors que Lorkan prend la parole et s’adresse à moi.

— Nal’ki… Tiens donc, mon cher neveu ! Toi qui tentes un coup d’éclat… ça ne devrait même pas me surprendre.

— Tais-toi. La fête est finie. Déposez tous vos armes. Et au moindre geste suspect, on vous descend. Vous n’avez pas intérêt à bouger le petit doigt.

Je parcours la scène du regard et mon malaise grandit sans que je ne parvienne à définir pourquoi. Je croise le regard de Lévana qui semble s’agiter aussi et tout à coup, la lumière se fait dans mon esprit embrumé.

— Fatou ! Où est Fatou ?

Un coup de feu éclate à ce moment-là et je me rends compte alors de ce qui me chiffonne depuis qu’on a fait irruption dans la pièce. Roo’Lev n’est pas parmi ceux qu’on tient en joue… et c’est lui qui a tiré en l’air. Nous nous tournons tous vers lui alors qu’il sort visiblement des toilettes et nous constatons que le salaud a réussi à attraper un petit garçon de quatre ans maximum, qu’il tient en joue avec l’arme de Fatou qu’il a réussi à maîtriser aussi. Elle est coincée sous son bras et se débat mais il est plus fort physiquement qu’elle et il ne bronche pas, même quand elle parvient à l’atteindre d’un coup de pied. Le rictus de Roo’Lev ne me dit rien qui vaille et nous nous affrontons du regard tandis que Lévana intervient.

— On va se calmer et ne pas agir sans réfléchir, d’accord ? Ce gosse n’y est pour rien, relâchez-le, vous lui faites peur. Prenez-moi à sa place, si vous voulez, mais laissez-le partir, lui lance-t-elle en avançant vers lui, les mains en l’air en signe d’apaisement.

— Non, Lévana, tu ne peux pas faire ça ! m’écrié-je presque instinctivement. Il ne peut rien faire, on est en surnombre et ils sont encerclés. Arrête ce cinéma, Roo’Lev, tu vas causer un bain de sang inutile, plaidé-je.

— Toi, ta gueule, me répond-il férocement. Et dis à cette nana de ne plus faire un pas où j’explose la tête du gamin.

Lévana se stoppe dans ses mouvements dès qu’il énonce sa menace. Toute la scène semble figée et le silence est rompu par le ricanement de Lorkan.

— On fait quoi, maintenant ? Vous n’êtes que des petites merdes incapables de prendre des décisions à cause d’un gamin… Puéril… Roo’Lev, vu que tu es armé, débarrasse-nous de Nal’ki et tu verras, leur tentative de rébellion va faire pschitt.

Au moins, cette intervention a le mérite de mettre le doute dans l’esprit de Roo’Lev qui semble hésiter sur la marche à suivre. On a encore clairement le dessus mais il est en train d’évaluer la situation et se demande si mon oncle a raison. Malheureusement pour lui, il n’a pas le temps de réfléchir davantage car Fatou parvient à se dégager et lui mord sauvagement le bras qui retient l’enfant. Roo’Lev crie de douleur en relâchant son emprise sur le petit garçon. Celui-ci semble figé mais Lévana plonge vers lui et s’en saisit avant de bondir hors de portée de l’agresseur qui a tourné son arme vers Fatou. Dans toute la salle, c’est le chaos, ça bouge dans tous les sens et je vois du coin de l'œil les nôtres se jeter sur les membres du Conseil pour les empêcher de sortir leurs armes. Quant à moi, je ne réfléchis plus quand je vois Roo’Lev armer son pistolet qui est dirigé vers Fatou. Je tire sans sommation et mon coup l’atteint en plein cœur avant qu’il n’ait eu le temps de faire feu. Avec le choc, son corps est projeté en arrière et il s’effondre alors que Fatou s’agenouille. J’ai peur d’avoir trop tardé, mais je crois que ce n’est que le choc et la peur d’être passée tout près de la mort qui la met dans cet état.

— C’est bon ! crie Gaspard. Ils sont tous maîtrisés.

Je ne parviens pas à être soulagé car j’ai perdu Lévana des yeux. Où est-elle donc passée ? J’espère qu’il ne lui est rien arrivé dans la bagarre ! Frénétiquement, je balaie la pièce du regard et suis surpris de sentir un bras se poser sur le mien avant de sentir le corps de Lévana se coller au mien. Elle m’embrasse sans se préoccuper de tous les regards posés sur nous et j’ai l’impression que le monde reprend son cours, qu’il se remet à tourner. La scène n’a pas duré plus que quelques minutes mais c’est comme si tout s’était arrêté. Là, avec ma belle serveuse dans les bras, je reviens à la vie. Je crois qu’on a réussi, que seul un des nôtres est mort, ce qui fait de moi officiellement un traître auprès des miens mais cela importe peu. Lévana est en vie et c’est tout ce qui compte à l’instant présent.

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