Chapitre 77

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Lui sauter dessus

Lévana

Si je m’écoutais, j’embarquerais Nal’ki loin de tout ce bordel pour lui sauter dessus. L’adrénaline coule dans mes veines et le stress, la pression de cette soirée, a besoin d’être relâchée. Et pour ça, rien de mieux qu’une partie de jambes en l’air intense et sauvage.

Au lieu de ça, je m’éloigne finalement de lui d’un pas, passe mon pouce sur ses lèvres pour y effacer la trace de ce rouge à lèvres carmin qui a attiré nombre de regards sur ma bouche alors qu’un ricanement s’élève dans mon dos.

— Tout s’explique, lance l’oncle de Nal’ki en le fusillant du regard. Corrompu par une catin prête à vendre son corps pour les Valkyries !

— Je te conseille de faire bien attention à ce que tu racontes sur ma sœur, connard ! gronde mon frère en pointant son arme dans sa direction.

— Tu n’es pas en position de faire le fier, Lorkan. Les Valkyries valent beaucoup plus niveau courage que toi qui t’es planqué sur le vaisseau-planète toutes ces dernières années. Et Lévana est formidable. Tu sais qu’on peut admirer une femme et toujours être un homme ? lui demandé-je en le regardant avec mépris.

— Admirer une femme ? s’esclaffe le dirigeant. Elle t’a vraiment retourné le cerveau, mon pauvre. Tu crois qu’elle est sincère ? C’est une Valkyrie, elle nous déteste et tue les nôtres ! Comment peux-tu croire qu’elle va rester avec toi après ça ? Elle a juste obtenu ce qu’elle voulait de toi !

— Jaloux ! lui lancé-je avant que Lévana ne lui saute presque dessus.

Je récupère le bonhomme sans ménagement et lui attache les mains dans le dos après l’avoir plaqué contre le mur le plus proche. J’ai une envie folle de lui éclater la tête contre la surface dure qui réceptionne sa joue.

— Encore une fois, vous n’avez rien compris, chuchoté-je à son oreille. Mais vu votre façon d’arriver ici, cela ne m’étonne pas vraiment. J’espère au moins que vous comprenez que vous n’avez plus aucun pouvoir et que vous allez sans doute finir votre vie dans une cellule après avoir été jugé… Comptez sur moi pour m’assurer que vous ne vous promènerez plus jamais sur ma planète, libre et en toute puissance. Vous avez raison sur un point, vous tuer ne me posera aucun problème, tout comme pour chaque Valkyrie que vous croiserez.

— Je n’ai pas peur d’une pute comme toi, grogne-t-il. Vous ferez moins les malins quand nos troupes vont débarquer et vous exterminer. Moi, tu sais, tu ne me fais aucun effet, j’ai l’esprit très clair quand je te parle. Et là, je n’ai pas peur du tout.

Je le plaque plus fermement contre le mur tandis que j’entends mes camarades s’affairer à attacher les autres. C’est à mon tour de ricaner alors que Nal’ki nous rejoint.

— J’ai hâte de voir vos troupes débarquer. Vous n’avez plus l’effet de surprise et nous sommes prêts à les recevoir. J’espère pour vous que vos navettes ne seront pas pleines, sinon il ne restera plus beaucoup des tiens à combattre. Les Valkyries ont des bombes, mais pas seulement. Disons que certaines sont volantes.

Oui, j’avoue que je mens un peu, mais je veux qu’il perdre cette assurance qui me donne envie de le frapper. Je ne le laisse pas répondre et reprends la parole, plus fort cette fois.

— Allez, il est temps de les enfermer, on doit boire un coup à cette réussite !

— Oui ! Buvons à cette première victoire ! confirme Nal’ki qui m’adresse un sourire éclatant.

Je tire sur les poignets de son oncle pour l’embarquer avec moi et suis les jumelles qui quittent la pièce avec chacune un prisonnier. Verlox, dans mon dos, malmène un peu le sien et je dois avouer que cela me fait sourire. Peut-être que j’avais un peu peur qu’il nous trahisse, tout comme Zabor.

Après avoir enfermé les prisonniers dans une salle vidée du bâtiment des sciences, nous regagnons la pièce de réception que nous avons décorée et qui renferme boissons, petits fours et confort. Je constate que ma sœur a disparu avec l’enfant qui était encore là tout à l’heure, et je vois Fatou et Nal’ki en pleine conversation. Je file au bar, récupère mon jean pour retrouver une allure un peu plus décente, et m’attèle à préparer une tournée de cocktails et mocktails pour la troupe. Un sourire fleurit sur mes lèvres lorsque je constate que mon alien et mon amie se serrent la main en affichant une moue décontractée.

— Oh mon Dieu ! les alpagué-je. Est-ce que j’ai des hallucinations ? Je crois que les effluves d’alcool ne me réussissent pas. Vous venez vraiment de faire la paix ?

— Sans ta grande perche, je ne serais plus là, marmonne Fatou. Il a quand même tué un de ses frères pour me sauver la tronche, je suis peut-être folle mais pas ingrate.

— Je me demande si je ne vais pas le regretter, sourit Nal’ki, mais oui, on a fait la paix. C’est un bon exemple pour le reste de la planète, non ?

J’acquiesce et contourne le bar pour prendre Fatou dans mes bras. Dire qu’on aurait pu la perdre, ce soir… Je réalise à peine et je crois que mon cerveau voulait vraiment mettre ça de côté, privilégiant l’info : réussite de la mission.

J’ai à peine lâché mon amie que je vois Gaspard débarquer dans la pièce, le regard vissé sur notre petit groupe. Personne ne réalise vraiment ce qui se passe, il devrait être tout sourire, au lieu de quoi il fusille du regard Nal’ki. Il devrait être content que Fatou et lui soient réconciliés. Si elle est moins fermée à propos des aliens, nous pourrons davantage discuter et envisager l’avenir plus sereinement.

Un cri d’effroi passe la barrière de mes lèvres lorsque son poing entre en contact avec la mâchoire de mon alien, qui perd un instant l’équilibre et recule d’un pas. Un pas seulement, avec ce qu’il vient de prendre ? Gaspard n’est pas aussi grand et baraqué que lui, mais quand même !

— Mais ça va pas la tête ? m’affolé-je en me plaçant entre eux.

— T’as touché ma soeur, enfoiré ! hurle-t-il en même temps que moi. T’as foutu tes sales pattes sur ma frangine, je vais te tuer !

Gaspard semble furieux, ses joues sont rougies par la colère et ses yeux à moitié exorbités. Je réalise alors que je nous ai vendus tout à l’heure sans même m’en rendre compte. Prise par le moment, par les émotions, j’ai agi sans réfléchir et fait ce que je rêvais de faire à l’instant T.

— C’est comme ça qu’on dit bienvenue à son futur beau-frère ? grommelle Nal’ki, provoquant, alors qu’il se frotte la mâchoire. Ça promet, les réunions familiales… En tout cas, sache que je ne suis pas le seul à avoir posé mes sales pattes sur ta frangine, elle en a fait de même sur moi. Tu veux les détails ou ça ira ?

— Pas un mot ! menacé-je mon frère avant de me tourner et de promener mes doigts sur la mâchoire de Nal’ki. Et toi, n’en rajoute pas, s’il te plaît. Ça va, ce n’est pas trop douloureux ? Tu devrais mettre de la glace.

— Non, ça va aller. Un bisou de ta part et j’irai déjà mieux, me répond-il en se calmant visiblement à mon contact avant de reprendre en se tournant vers mon frère. Désolé, mec, mais comment veux-tu résister à une femme comme ça ? Ce n’est pas de ma faute si ta soeur est la femme la plus merveilleuse du monde. Et je crois qu’elle n’a pas besoin de toi pour la protéger, elle frappe au moins aussi fort que toi si besoin.

Je dépose un baiser sur sa peau rougie et soupire en me tournant vers Gaspard. Outre la colère que je ressens face à sa réaction, j’ai surtout la trouille qu’il m’en veuille et s’éloigne de moi. Une sœur qui fricote avec l’ennemi, c’est déjà beaucoup, mais si les deux ont fauté…

— Je suis désolée. Enfin, non, je ne m’excuse pas d’être tombée amoureuse, je suis juste désolée de ne pas avoir trouvé le courage de t’en parler, et désolée si je te déçois. Mais… je ne regrette pas, Gaspard. Nal’ki me traite bien, il est loyal et j’ai entièrement confiance en lui. Je te jure que j’ai lutté pour ne pas craquer, et lui aussi d’ailleurs. C’était juste trop difficile de passer outre nos sentiments l’un pour l’autre.

— Mais on ne tombe pas amoureuse d’un ennemi comme ça ! s’indigne-t-il. Enfin… Tu es une Valkyrie ou pas ?

— Tout ne peut pas être juste blanc ou noir, Gaspard. Oui, je suis une Valkyrie, mais je suis aussi un être humain, une femme, avec des émotions, des sentiments. Tout comme tous les aliens ne sont pas mauvais comme peut l’être l’oncle de Nal’ki. Lui… lui n’a rien à voir avec son oncle. Regarde-le, bon sang ! m’exclamé-je en nouant mes doigts à ceux de l’intéressé. Il est là, avec nous ! Il a tué l’un des siens pour sauver l’une des nôtres ! Il nous a aidés à retrouver Jeanne, il est prêt à tout chambouler pour rétablir la paix ! J’ai l’impression qu’il me regarde comme si j’étais un diamant, il me traite avec respect et amour, il tient compte de mon avis, de mes propos… Qu’est-ce qu’il te faut de plus ?

— Qu’il soit un Terrien ? me répond mon frère comme si c’était ce qu’il y a de plus simple.

— Je crois que je le suis devenu un peu, non ? C’est ici que j’habite désormais. Et promis, si je la regarde comme si elle était un diamant, c’est que c’est vraiment un joyau. Je comprends que tu voudrais la préserver mais je vais y faire attention ! Et… l’esprit des Valkyries, ce n’est pas de respecter le libre choix des femmes, quel qu’il soit ? C’est un peu patriarcal de vouloir choisir pour elle, non ? conclut-il avec un sourire victorieux.

— Moi ? Patriarcal ? s’emporte Gaspard avant d’éclater de rire. Bon, oui, j’avoue… mais… pourquoi mes sœurs s’amourachent d’aliens ? Il y a plein de Terriens qui sont beaux et séduisants, non ?

— Il faut croire que les Terriens n’ont pas conscience de la chance qu’ils ont de nous avoir, contrairement à eux qui ont conscience que tout peut basculer… Rien n’est acquis indéfiniment, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Et puis bon, soyons honnêtes, il est canon, ris-je. Bref, je ne sais pas quoi te dire, Gaspard, c’est comme ça, ni lui ni moi n’avons choisi de tomber amoureux.

— Je vous jure que s’il te rend malheureuse, je lui fais sauter la tête et toi, je te donne la fessée ! Mais… il a raison, ton amoureux. Je ne peux pas me permettre de juger tes choix, vu nos principes… que j’ai un peu oubliés par réflexe, soupire-t-il.

— Tu les oublies un peu trop souvent à mon goût, c’est toi qui mérites la fessée, soupiré-je en me lovant contre lui.

Je profite de son étreinte durant quelques secondes et dépose une bise sur sa joue. Je ne me montre pas reconnaissante d’avoir son aval, je suis juste fière qu’il parvienne à passer outre ses préjugés pour donner une chance à Nal’ki.

— Bien… On va te laisser, maintenant, soufflé-je en lui souriant, provocante. Il est grand temps de fêter cette victoire à deux !

Gaspard grimace et émet un bruit de gorge qui me fait glousser tandis que j’attrape la main de Nal’ki pour nous éloigner. J’avoue que j’ai voulu enquiquiner mon frangin, mais une partie de moi n’attendait que ça.

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