Chapitre 12

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— Iska !

La jeune albinos arrêta sa course brusquement, manquant de glisser sur le zinc qui recouvrait la plupart des toits parisiens. Elle lança des regards tout autour d’elle, ne trouvant pas la source de l’appel.

— Ici !

Le son venait d’en dessous d’elle, une jeune femme à la peau mate lui faisait signe depuis une fenêtre. Après un instant de flottement, les lèvres de la gardienne s’étirèrent dans un immense sourire.

— Jack ?

L’autre leva les yeux au ciel en soufflant.

— Je t’ai déjà dit que je préférais qu’on m’appelle “Jackie” lorsque je suis une femme.

Ce fut au tour d’Iska de lever les yeux au ciel.

— C’est moche comme prénom, lâchait-elle, sachant très bien la réaction de son amie.

— Je ne t’ai pas demandé ton avis, à ce que je sache. Et puis, on n’a pas tous la chance d’avoir eut un prénom relativement unisexe à notre première naissance !

— Tu n’as qu’à utiliser le prénom de ton corps.

— Jennifer ? Jamais.

— Jenny ?

L’autre ne répondait pas et disparut de la fenêtre. Quelques instants plus tard, elle avait rejoint l’albinos sur les toits.

— Que fais-tu ici ? demanda Jackie.

— Ce n’est pas la vieille qui t’envoie ?

— Non, je sors tout juste des catacombes. Il m’a fallu deux jours pour trouver ce change-peau qui tuait des adolescents un peu trop aventureux. Que se passe-t-il ? J’ai senti une immense puissance et je crois en voir la cause.

Elle montrait de son long doigt la lumière rougeâtre qui brillait à quelques îlots de là.

— Je n’ai pas vraiment le temps de t’expliquer mais sache que c’est Feitan et qu’il est réapparu dans le corps d’un élémental.

— Quoi ? C’est possible ?

Elle n’eut pas de réponse car la jeune fille était déjà repartie au pas de course. La métisse la rattrapa rapidement et demanda :

— Tu te rends compte que notre devoir est de le tuer ?

L’autre ne répondait pas, elle refusait d’envisager cette possibilité.

— Que penses-tu qu’il se passe en bas ? changea de sujet Jackie.

— Il doit déjà avoir eu accès au savoir de Feitan sur les élémental, spécialement ceux de feu. Il y a alors deux solutions selon moi. Soit, il se laisse consumer par le pouvoir, sa nature d’élémental prendrait donc le dessus. Soit, le gardien garde le contrôle…

— Et il essayera de se suicider.

Iska acquiesça avec gravité sans ralentir le rythme. Il était hors de question qu’elle perde de nouveau Feitan. Pourtant, lorsqu’une déflagration secoua Paris, la jeune femme du se rendre à l’évidence. Basil était devenu un danger pour l’humanité et c’était plus ou moins de sa faute.

— C’est pas vrai, lâcha Jackie lorsqu’elles arrivèrent au dernier immeuble debout.

Devant elles, il n’y avait plus qu’un immense cratère rougeoyant. En son centre, une silhouette nue se redressait en vacillant.

— C’est lui.

— Que fait-il ? demanda la métisse à l’albinos.

Iska resta silencieuse quelques instants, les yeux rivés vers le jeune homme. Il avançait doucement mais sa destination était claire.

— Il se dirige vers la Seine.

— Alors Feitan a pris le dessus ! s’exclama-t-elle en sautillant avant de se raviser. Je suis désolé, Iska. Mais c’est mieux pour tout le monde qu’il meurt.

L’autre ne l’écoutait pas, l’albinos était trop occupé pour ça.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je le rejoins, disait Iska en retirant son manteau.

— Tu ne le rattraperas jamais.

Elle l’ignorait toujours, retirant son t-shirt, laissant apparaitre un immense tatouage pas encore cicatrisé qui courait de son poignet droit à son poignet gauche. Le dessin était d’une précision jamais vue, les plumes semblaient presque réelles.

— Tu ne peux pas faire ça ! continuait Jackie. Il n’est pas encore entièrement cicatrisé !

— Je m’en fous.

Ce fut les derniers mots qu’elles se dirent avant que la jeune fille ne saute du bâtiment. Jackie se précipita vers le rebord en hurlant et souffla de soulagement lorsqu’Iska remonta en flèche grâce aux ailes qu’elle s’était fait apparaitre. À cette distance, elle ne put pas le voir, mais de nombreuse plumes étaient clairsemées sang.

Le drôle d’oiseau, semblable à une harpie, vola aussi vite qu’il le put pour atteindre le brun avant qu’il n’arrive jusqu’à l’eau.

— Feitan ! criait Iska en battant frénétiquement des ailes. Feitan !

Elle se laissa tomber au sol à quelques mètres de lui, essoufflée. Le sang coulait le long de ses bras avant de s’évaporer au contact du sol dans un sifflement macabre.

— Iska, disait-il simplement sans se retourner.

— C’est moi, et toi ? Est-ce que c’est bien toi ?

— Oui mais pas que, tu as compris qui j’étais maintenant.

— Oui, retourne-toi, parlons-nous face à face.

— Non, je ne veux pas que tu me vois comme ça.

— Feitan, je t’ai connu sous de nombreux visages, je ne vois pas ce que cela changerais.

Il se retourna doucement et la gardienne ne pu réprimer un mouvement de recul. Il était monstrueux.

— Je suis horrible, je m’en doutais.

— Non, non, c’est juste…

Elle ne trouva pas comment finir sa phrase, trop perturbée par ce qu’il lui était donné de voir. Une partie du visage était resté celui de Basil, un de ses yeux précisément, ainsi qu’une partie de sa mâchoire et de son nez. Le reste était soit carbonisé, soit rougeoyant. Son deuxième œil était terrifiant.

— Je vais mettre fin à cette vie, Iska.

— Non ! Je refuse.

— Regarde les dégâts que j’ai faits, mon devoir de gardien est de m’occuper des créatures. Je reviendrais, je reviens toujours.

Il tenta un sourire rassurant, ne réussissant qu’à tordre son visage. La jeune fille retenait difficilement ses larmes. Et s’il ne revenait pas ? Elle avait déjà subi ça, elle ne voulait pas que ça recommence.

— Je suis désolé, disait-elle en reniflant.

— Pourquoi ?

— Tout est de ma faute, c’est moi qui ai débloqué trop brutalement les souvenirs de Basil.

— Ça serait arrivé quoi qu’il arrive, au moins, tu étais dans les parages. Nous avons pu parler, c’est le principal. Maintenant, au revoir, Iska.

Il se détourna de l’albinos en pleur et continua sa marche vers l’eau. D’aussi près, la jeune fille pu voir la raideur de ses gestes, il luttait contre l’élémental de feu qui voulait surement s’éloigner au plus vite de la Seine.

— Adieu, Feitan.

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