Herkules

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Le premier Junkers 352 s'envola au petit matin sous les regards tendus des coupe-jarrets des services secrets. La trentaine de passagers avait embarqué dans un silence de mort. Sur ordre du Führer, les grosses huiles de la chancellerie, les pontes du ministère des affaires étrangères et la fine fleur des architectes de la solution finale évacuaient Berlin. Malgré les sacrifices consentis — aussi bien au sol que dans les airs — l'avancée soviétique se poursuivait — inexorable. La lancinante Armée rouge s'apprêtait à fondre sur Berlin et à défoncer les portes de la cité.

Lorsque le premier appareil le surola, le gamin trottant parmi les herbes folles ne ressentit rien. Le ronflement des hélices provoqua la panique parmi les vaches qui se mirent à bondir en tout sens. Bodo apaisa les bêtes de cette voix singulière — venue du fond des âges. Le trimoteur vira lourdement sur une aile et, ronronnant de plus en plus faiblement, gagna son altitude de croisière.

Coiffée d'un casque trop grand, la robuste paysanne reprit sa course à travers la campagne, filant vers l'aérodrome bien décidée à échanger sa fourche contre une mitrailleuse. Son vœu le plus cher : intégrer la milice populaire volkssturm.

Impuissant face à la folie des hommes, Bodo se rassit dans l'herbe et son coeur s'emplit de peine. Une sauterelle se posa sur le dos de sa main. Le mage examina l'insecte de ses yeux vairons. Le chant des grillons redoubla.

Sous la surveillance du cerbère Ant, les soldats avaient scellé les dix sarcophages métalliques au plancher de l'appareil. Ada, l'auxiliaire de la Luftwaffe avait supervisé l'arrimage et la répartition des caisses afin de garantir l'équilibre de l'avion dans l'éther.

La jeune femme avait procédé à une estimation de la masse totale du fret. Le Junkers décollerait à pleine charge et même au-delà selon ses calculs. Elle informa le pilote de la surcharge. Celui-ci ne tiqua pas, se contentant de signer le formulaire qu'elle lui avait tendu.

Par le hublot, Sieglinde vit Ada disparaître sous l'aile majestueuse de l'immense dragon tricéphale. Le moteur récalcitrant donnait à présent sa pleine mesure, transmettant toute sa puissance à l'hélice tripale en bois.

Jouant du palonnier, le pilote fit virer le trimoteur et l'aligna face à la légère brise. Seul aux commandes, l'aviateur s'interrogeait sur la nature exacte de sa cargaison. Mais au final, peu lui importait. Aujourd'hui, Il ne piloterait pas pour le Führer mais pour le salut des beaux yeux de Sieglinde et de la ravissante brune qui l'accompagnait.

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