Chapitre 13 - Un dernier sortilège...

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Dans les jours qui suivirent, le hall de Thornald fut pris d’une certaine agitation : un corbeau-messager était arrivé récemment et les trustmen rassemblaient les troupes. C’était plutôt inhabituel qu’une expédition se mette en route en l’absence de son capitaine, mais ce dernier accordait à ses meilleurs éléments une confiance que certains jugeaient excessive.

Arnjolf, le second de Thornald, était aux commandes et il se réjouissait d’avoir enfin l’occasion de commander son premier vaisseau-dragon. Certes, il ne lui appartenait pas, mais l’opportunité de percevoir une « part de capitaine » sur les prochains butins (ou les prochains paiement, car Thornald avait pris l’habitude de louer ses services aux étrangers, en particulier la marine du Kytar).

Mathilde était chargée d’apporter leur repas aux hommes qui préparaient le navire et put ainsi les observer à son aise et glâner quelques informations sur le but de leur voyage : Thornald avait – selon les rumeurs – découvert quelque chose de « très important » et « une menace planaît sur toutes les colonies nordiques, et Drakenvik en particulier. Elle n’en apprit pas davantage des hommes, mais Galdlyn l’invita discrètement à une dernière leçon de magie, la veille du départ.

* * *

La nuit venue, Mathilde quitta discrètement le Hall et se dirigea vers le lieu de rendez-vous, comme elle l’avait fait quelques jours auparavant. Mais cette fois-ci, elle n’avait pas de lanterne… cet accessoire lui était devenu inutile. Elle suivait le sentier dans l’obscurité totale, sans la moindre hésitation et sans le moindre faux pas.

Arrivée à la clairière à la pierre levée, elle sentit une énergie magique inhabituelle et tous ses sens se mirent en éveil… quelque chose de dangereux rôdait dans les parages.

« Je suis tout près de la pierre levée, dépêche-toi ! »

Le message mental de Galdlyn était aussi une surprise, la sorcière rouge n’employait jamais la télépathie pour communiquer, mais juste pour soutirer des informations. Mathilde fit quelques pas en avant et entra dans l’aura de la pierre.

Galdlyn apparut aussitôt.

— Te voilà enfin ! Je commençais à m’inquiéter.

— Mais qu’est ce qui se passe au juste ? demanda Mathilde.

— Thornald a réclamé des hommes d’armes, son message précise que le vaisseau-dragon doit le rejoindre au Kytar et il a expressément demandé que les vierges au bouclier de moins de vingt ans soient écartées de l’expédition… cela ne peut signifier qu’une seule chose : il est certain qu’un combat aura lieu.

— Qu’est-ce qui se passe ICI ?

— Oh, une petite contrariété… un être doué de magie a décidé de me casser les pieds je dois prendre certaines précautions. J’ai posé un cercle magique qui nous rend invisible de l’extérieur et ça devrait nous éviter d’être dérangés pendant une heure ou deux, le temps de ta leçon… Tu as beaucoup progressé ces derniers jours. J’ai même eu l’impression que tes pouvoirs d’illusions, aussi légers soient-ils, t’ont déjà servi.

— Oh, je me suis juste un peu amusé…

— Raconte-moi ça, demanda la sorcière.

— Pendant notre dernière promenade en forêt, j’ai fait apparaître un lutin et je l’ai fait rentrer dans un terrier de lapin… Helvorg a essayé de l’attraper et elle n’y a évidemment pas réussi. Bon, c’était juste pour rire, mais il m’a fallu du temps pour la décrocher de ce terrier et ses vêtements étaient tachés de terre… et c’est à moi de les nettoyer.

— Et bien la prochaine fois, tu utiliseras tes illusions pour quelque chose de plus utile… ou tu feras des farces à quelqu’un qui n’est pas sous ta responsabilité.

— Tu penses que j’ai eu tort ?

— Oh non, le plaisir de faire des farces fait partie de l’entraînement des jeunes sorciers. Tout ce qu’il faut, c’est que personne ne te surprenne à employer la magie… et surtout pas la mienne. Pour ce soir, je vais t’apprendre le sortilège le plus utile pour les sorcières rouges, celui qui met les hommes à tes pieds.

— La formule est compliquée ?

— Elle est très simple… en fait, il n’y a même pas de formule : tu dois concentrer ta hyavath sur ton visage et adresser un gracieux sourire à ta victime, sans prononcer le moindre mot et sans cligner des yeux… et la personne visée n’aura plus qu’une seule idée en tête : te séduire par n’importe quel moyen. Tu pourras lui demander tout ce que tu voudras ou presque… tu verras, c’est très amusant.

— Bof… j’ai déjà Harmin qui me court après chaque fois qu’Helvorg n’est pas avec moi et qui me casse les pieds en essayant d’être gentil. Ça ne va pas améliorer grand-chose.

— Harmin est le fils du plus riche marchand de Drakenvik, il héritera d’une belle fortune… mais je t’accorde qu’il y a de meilleurs candidats. Sven par exemple ! Avoue qu’il est mignon.

— Il me fait un peu peur, avoua Mathilde, surtout depuis le jour ou je l’ai vu égorger un bouc.

Galdlyn poussa un long soupir de dépit.

— Une vraie sorcière n’a pas peur du sang. Peut-être que je perds mon temps avec toi et que je devrais trouver une autre apprentie.

— Oh non ! S’il te plaît…

— Bon d’accord. Viens devant moi, on va faire un essai…

— Qu’est ce que je dois faire ?

— Rien du tout, tu dois juste résister.

— Résister à quoi ?

— À l’envie que tu auras quand je commencerai

— Envie de quoi ?

— Ne pose pas de questions idiotes, tu ne vas pas tarder à le savoir… regarde moi bien !

Galdlyn lui adressa son plus beau sourire.

Aussitôt, Mathilde senti une boule de feu éclater dans sa poitrine, ses jambes furent prises de tremblements nerveux et elle dût se retenir de serrer les poings… de peur que ses griffes magiques ne sortent involontairement et lui transpercent les paumes.

Elle n’avait plus qu’une seule idée en tête : se précipiter vers ce magnifique visage et le couvrir de baisers.

Galdlyn s’accroupit pour se mettre à la même hauteur que la fillette, relevant du même coup le haut de sa jupe pour dévoiler ses genoux. Mathilde ouvrit la bouche pour avaler une large goulée d’air frais, espérant ainsi éteindre cette boule de feu, puis elle ferma les yeux.

— Garde les yeux ouverts ! ordonna la sorcière. Sinon c’est de la triche.

Mathilde rouvrit les yeux. La boule de feu qui s’était momentanément calmé se remit à bouillir. Galdyn avait dégrafé les premiers boutons de son chemisier et dévoilait un morceau de sein.

Mordre dans cette chair si généreusement offerte devrait procurer un immense plaisir…

— NON ! S’exclama furieusement Mathilde.

— Non ? Répéta Galdlyn.

La boule de feu s’était miraculeusement éteinte. Mathilde soupira de soulagement et Galdlyn se mit à rire.

— Bravo ma petite ! Le fait d’être encore impubère t’a un peu aidé, mais je dois avouer que tu m’as impressionné… ta résistance est tout à fait remarquable pour quelqu’un qui ne pratique que depuis quelques mois.

— Ça… ça marche aussi avec les filles ? demanda Mathilde avec inquiétude.

— Comme tu viens de le voir… à vrai dire, ça marche avec n’importe quel mammifère de l’un ou l’autre sexe, les chevaux, les chiens, les boucs, ainsi que les homme-lézards, les changeurs de forme et les dragons, même si je n’ai pas eu l’occasion de tous les essayer.

— Mais je n’ai pas envie qu’un cheval ou un homme-lézard soit amoureux de moi.

— Et un dragon ? suggéra Galdlyn. Les dragons les plus puissants sont capables de prendre forme humaine, et il paraît qu’ils sont d’une beauté stupéfiante.

— On peut ensorceler un dragon ?

— La première sorcière rouge y a réussi, on l’a même surnommé « la chevaucheuse de dragons ». Mais je te conseille de commencer par des créatures moins dangereuses. À mon retour, je t’apprendrai peut-être d’autres sortilèges, mais je pense que tu en sais assez pour te débrouiller.

Elle se remit à sourire, avec une telle ferveur que Mathilde ne put s’empêcher de lui baiser la main.

— À bientôt, petite sorcière.

Le lendemain, le vaisseau-dragon d’Arnjolf prit la mer, avec à son bord Brynjolf le Berzerker, Audrun Grimsdottir, Galdlyn la guerrière rouge, et même Snorri Jorvarsson. Mathilde était désormais seule.

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