37. Intervention

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Comme l’avait dit Héloïse, nous fûmes convoqués en salle de briefing par le lieutenant Conti. Ni Szabo ni les membres d’équipage n’étaient présents. Elle nous annonça :

— Bien, avant de passer au sujet du jour, un petit aparté sur l’épave : il s’agissait bien d’un navire de transport africain avec qui l’entreprise minière européenne était en contrat. L’attaque a été très rapide, les systèmes de communications ont été les premiers touchés. Les vaisseaux Bernacles ont transpercé la coque à l’instant de la première salve de tirs et les Homards ont pu entrer et massacrer tout le monde en moins d’un quart d’heure. L’équipage continue d’exploiter les données de la boîte noire.

— Comment ils ont pu se faire surprendre ? demanda Mourat.

— On suppose que le vaisseau principal a été détecté. Les scanners d’énergie montrent bien que le vaisseau ennemi s’était mis en sommeil afin de rester furtif, et s’est remis en fonctions quelques secondes avant l’attaque. Il a centré toute l’attention de l’équipage sur lui et les Bernacles sont arrivés depuis d’autres directions.

— Donc il y avait d’autres vaisseaux, en conclut Mourat.

— C’est une hypothèse. La région pourrait être plus chaude que l’on ne le croyait. Tout l’équipage du Gulo Gulo est au taquet pour ne pas que nous nous fassions surprendre de la même manière.

— Bref, on ne peut rien faire pour eux, commenta un Carcajou.

— Pour les Africains, non, mais pour les nôtres, oui. Nous avons reçu un signal de détresse. Une équipe de minage est actuellement attaquée à dix kilomètres de leur camp de base. Ils sont retranchés dans un canyon, mais leurs munitions fondent. Les Crustacés sont répartis en deux groupes qui les enferment entre des tirs croisés. Fontaine, tu seras la première à partir, saut orbital. Le but de Fontaine sera de surprendre l’ennemi par un tir à plasma. Soit depuis une position à revers, soit par le ciel si c’est possible. Nous ne savons pas combien de temps peuvent tenir les mineurs avant votre arrivée. Pour le moment, les Crustacés restent prudents et testent les capacités en munitions des mineurs, mais il y a un moment où ils voudront en finir. L’ESAO est la solution la plus mobile et rapide que nous puissions leur apporter. Ensuite, il faudra escorter le convoi. Carlier, préparez Fontaine. Le groupe 1, vous prendrez le module de transport A et vous suivrez Fontaine de peu, mais je veux que vous ratissiez les alentours durant l’intervention de notre ESAO. Le groupe 2, vous chargez le module de campement. Nous allons prendre nos quartiers sur le site et nous décollerons une fois la région passée au peigne fin.

Chacun marmonna une affirmation, et quitta la pièce. En longeant le corridor étroit, en ligne derrière mes camarades massifs, je râlai à l’intention d’Héloïse qui me suivait :

— Si j’avais su, dis-je, je ne me serais pas fait chier à enlever la tenue de pilote.

Héloïse haussa les épaules. Horvath jeta un œil derrière son épaule et déclara :

— Vois le bon côté, tu peux aller aux chiottes avant de repartir.

J’écoutai les conseils pour une fois avisés du grand blond. Je ne m’attardai pas, mais durant les cinquante secondes sur le trône, seule avec moi-même, je sentis le nœud que faisaient mes tripes et qui me rendait irascible. Lorsque je rejoignis le hangar, Héloïse était en train de nettoyer le transmetteur vaginal. Un des plus jeunes Carcajou, tout juste dix-huit ans et nouveau dans l’équipe chantait :

— Astique, astique, faut que ça glisse.

— Ça c’est du désinfectant. Pour que ça glisse, j’ai mieux, répliqua-t-elle en pointant le spray vers lui comme un pistolet.

Il rit :

— Oh doucement. Je ne fais qu’apprécier la gestuelle professionnelle !

— Altounian, vas aux chiottes et branle-toi un coup, grogna Mourat. Et fais ça vite, on décolle juste après.

Le garçon agita les sourcils en souriant à mon attention puis s’en alla. Mourat grommela :

— C’est ça les minots qui n’ont jamais vu une selle. Ça les fait triquer.

Il s’éloigna. Héloïse aspergea les sondes nettoyées, alors mon pied pressa le bouton qui déploya le paravent. Je me déchaussai, déboutonnai mon pantalon, baissai ma culotte et roulai le tout pour le mettre dans le compartiment sous la cuisse de mon Furet. Ne gardant que mon t-shirt, j’enfilai mes bas. Le stress de partir au combat seule avait bien diminué mon appétit et me retrouver à demi-nue ne me laissa qu’avec une sensation d’inconfort pudique. J’enjambai la selle et me laissai pénétrer, avec un plaisir diminué. Lorsque le transmetteur toucha la perle du catalyseur, l’affichage en réalité augmentée m’indiqua que je n’avais pas ôté mes lentilles. Héloïse dégagea mon clitoris pour le baguer. N’étant pas aussi érectile qu’il y avait de cela moins d’une heure, elle devina mon anxiété.

— Ça va bien se passer. Tu n’as jamais raté un tir orbital.

— Je n’en doute pas.

Elle ferma le carter pubien.

— T’es stressée, ça se voit.

— Ce n’est pas un exercice, et là je sais que les Crustacés sont là.

Elle ôta mon t-shirt, me passa la brassière. Les prise-tétons verrouillées, les pétales masseurs collés, elle caressa mon ventre.

— J’ai confiance en ce corps plein d’énergie.

Elle s’accroupit pour déposer un baiser entre mon nombril et le carter. Gênée, je remontai la selle à l’intérieur. Héloïse replia le paravent, alors je marchai en direction du sas. Le plaisir peinait à monter malgré mon vœu d’en ressentir, alors je posai délicatement le palpeur sur mon clitoris.

Toutes les trente secondes, je pressais mon rubis, maintenant mon corps en éveil. C’est seulement une heure plus tard, à attendre dans mon exosquelette, qu’enfin on m’indiqua que nous étions en orbite basse du satellite d’Hansel-Gretel IV. Le sas se ferma et les lanternes rouges flashèrent. Depuis le pont des opérations, Héloïse me dit :

— Le survol de reconnaissance confirme l’attaque. J’ai téléchargé les coordonnées des troupes ennemies. Pas de batterie anti-aérienne à première vue, juste un petit transporteur marchand. Bonne chance.

Le sas vidé de son atmosphère, la double-porte blindée s’écarta sur le planétoïde brun baigné de soleil. Je pris appui sur la porte puis bondis vers mon objectif. J’ajustai ma position vers les coordonnées et mis plein gaz.

J’avais l’impression d’avancer à peine. Sentant le stress du vide spatial me faire descendre du plateau de mon appétit sexuel, je débutai la succion de mes tétons, mis mon transmetteur vaginal à pivoter doucement, puis le palpeur à tapoter. L’énergie sexuelle provoqua une montée de courage et de détermination. Néanmoins, il me fallut dix longues minutes avant que ma télémétrie se fixât sur le sol de la planète. Je naviguais à plus de six mille kilomètre heures.

Ma coque s’embrasa. Le fuselage de mes épaules et de ma tête rougeoya à en devenir blanc. Mon habitacle devint une fournaise, vrombissant du frottement de l’atmosphère. Le corps brûlant, j’interrogeai ma gynécienne :

— Hello ? C’est normal ?

— T’inquiète, la température ne montera pas plus.

Au moment où elle dit ça, les flammes cessèrent, les frottements prirent un frémissement plus doux et je me laissai simplement tomber. La cible apparût sur le viseur en réalité augmentée. Le premier groupe de Crustacés était resté près de leur petit cargo noir au fuselage dentelé sur la hauteur du canyon. Deux tireurs s’étaient déportés pour croiser les tirs qui maintenaient les Humains retranchés. Je ne percevais encore rien d’autres que les reliefs arides du planétoïde, mais enfin j’allais pouvoir faire une véritable grillade de Homards ! L’idée de les dégommer à distance sans prendre le moindre risque boosta ma libido. Je mis la sonde vaginale à tourner plus rapidement, et la sonde anale à vibrer. Je me retins de gémir afin qu’on ne m’entendît pas sur toute la passerelle de commandement. Le lapeur se mit à tourner lentement contre mon clitoris. Mes cuisses se serrèrent autour de l’armature. Les sensations m’envahirent rapidement, mais l’altitude défilait plus vite que l’orgasme n’approchait. Le petit vaisseau devint un point noir dans mon champ de vision. J’électrifiai ma sellerie. Mes muscles tremblèrent et l’orgasme me foudroya sans prévenir. Je chevrotai de libération jusqu’à ce que la première contraction broyât mes organes. Mon rayon de plasma s’abattit sur le premier groupe de Homards. Je remontai sur leur vaisseau qui explosa dans un flash blanc qui se transforma en boule de feu.

Le corps bouillant, je déployai mes arcs paragravités pour freiner ma chute. Les deux Crustacés de l’autre côté du ravin me prirent pour cible. Les bras pointés vers eux, je répondis par des salves de balles. Ils s’abritèrent derrière les rochers. Je m’inclinai sur la droite pour faire demi-tour, traverser la fumée noire et épaisse et me poser derrière la carcasse chaude. Je rangeai mes arcs paragravités, en laissant mon drone partir en reconnaissance. Les deux Homards arrivaient vers moi en courant, n’aperçurent pas mon espion qui prenait de la hauteur pour anticiper leur stratégie. La carapace des Crustacés résistait aux variations de températures et à la plupart des radiations, mais ils n’étaient pas nus. Ils portaient tous deux un appareillage en ceinture, duquel un tuyau souple et noir partait pour disparaître dans leur évent en haut du crâne et leur permettait de respirer un air qui leur était viable. Je me plaquai dans la fumée noire et sitôt que le premier passa, j’enfonçai ma chaîne de tronçonneuse dans sa gorge. Son corps vibra et ma lame se bloqua. Le second arriva dans mon dos en ouvrant le feu. Je roulai au sol, à l’opposé, arrachant la tête qui retenait mon bras. J’escaladai l’épave fumante à la hâte. Alors que le dernier Homard sortait de la fumée pour me chopper, je lui tombai dessus avec mes deux tronçonneuses lancées à toute vitesse. Son corps heurta lourdement le sol, puis se contorsionna de spasmes sous mes deux chaînes qui pénétraient sa carapace. Ses pattes s’agitaient, ses appendices oculaires tournaient, ses mandibules crachaient du suc. Je retirai mes chaînes, emmenant avec moi des lambeaux de chair jaune. J’étais aux anges d’avoir réussi haut la main ma première mission, et davantage d’en avoir tué deux au corps à corps. Ça n’avait rien à voir avec les cibles en carton ou les images digitalisées. J’étais tellement excitée par le carnage que mon corps me réclamait un second orgasme. J’haletai :

— TBK12 à TBK1. La zone est claire ! Terminé.

— TBK12, ne perdez pas l’objectif de vue, articula Conti. Terminé.

Je m’avançai vers le ravin, redéployai les bras antigravité et planai dans les airs en direction du convoi. Il y avait trois véhicules aux roues immenses, et un ESAO Grizzli. Au milieu, les mineurs étaient en scaphandres blancs et oranges, leur visière teintée de doré. Ils étaient au moins une dizaine, et un corps reposait contre un véhicule dont l’essieu avait été plié. Ils levèrent les bras au ciel pour me saluer. Mon drone vint se repositionner dans mes épaules, tandis que je refaisais un passage.

J’atterris devant le véhicule. L’ESAO Grizzli proposa le partage de leur canal de communication et, sitôt que je l’eus accepté, articula avec une voix d’homme :

— Beau travail. J’étais à cours de munitions.

— Faut encore retourner au camp de base, dis-je.

— Faut d’abord remettre les véhicules en état. On ne va sûrement pas y aller à pieds.

— Si c’est la merde, on vous enverra un transport aérien, dis-je.

Le Grizzli se tourna, prit une cargaison dans ses bras, tandis que les mineurs en scaphandres embarquaient le plus d’outils possibles depuis le véhicule sans essieu. Un rover fit un bond en avant.

— Il roule, indiqua une voix.

— Moi pas, se lamenta un autre.

— On abandonne le numéro 2 également, et on rentre avec le numéro 1. Chargez le maximum.

— Allez ! On ne traîne pas, ajouta le pilote.

— Aidez-moi à charger Vanessa et Vladimir.

Je détournai mon regard du corps des deux mineurs. Tandis qu’ils s’affairaient, je regardai le ciel gris et pourtant dépourvu de nuage. Le sol était brun et beige, parsemé de sable et de roches érodés par les vents. Mes senseurs indiquaient qu’il faisait -89°C, et il y avait 0% d’humidité. C’était un monde sans nuage, où il ne pleuvait jamais, où aucune plante ne pourrait voir le jour. De l’hydrogène, un peu de souffre, pas un atome d’oxygène. J’étais ailleurs que sur Terre, ailleurs que sur la Lune. C’était génial !

Le convoi commença à se mettre en marche lorsque le chaland des Carcajous Maudits passa au-dessus de nous, un artilleur assis de chaque côté, prêt à faire pleuvoir l’enfer sur des Homards en embuscade.

Je fermai la marche dans le désert ocre, sous un soleil couchant qui étirait les ombres et renforçait cette allure d’outre-monde. À chacun de mes pas, mon transmetteur glissait entre mes cuisses inondées. Si une nouvelle attaque survenait, les Crustacés auraient une sacrée surprise.

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