46. Jeux de filles

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Le troisième jour de voyage, les heures furent encore plus longues, mais Héloïse sortait la tête de l’eau et redevenait souriante et blagueuse. Inquiétée par mes problèmes psychiques, je me confiais à Rita au mess, alors que nous n’étions plus que toutes les deux.

— Je ne comprends pas comment je fonctionne. Enfin si, je comprends comment je fonctionne, mais je ne comprends pas pourquoi je ne fonctionne pas comme vous.

— Tu ne penses qu’avec ta tête, peut-être qu’il te manque un cœur.

— J’aime le sexe. J’aime ressentir du plaisir, mais je ne vois pas l’intérêt de faire à deux ce que je peux faire seule. Le corps d’un homme, d’une femme ça ne m’attire pas. Ça me met mal à l’aise avec Héloïse, j’ai l’impression que sur une échelle de un à dix, mon affection pour elle est à un, tandis que la sienne pour moi est à quinze.

Rita pouffa de rire.

— Je ne crois pas qu’elle soit réellement amoureuse. C’est juste une fille impulsive qui t’as prise comme modèle. Tu l’obsèdes. Je crois que ton asexualité la rend encore plus accro.

Héloïse entra et me montra sa tablette en annonçant :

— Je te préviens, je vais la montrer à tout le monde pour que personne ne mette ton courage en doute.

Sur la vidéo, on me voyait par les yeux du Furet, de dos, nue, m’éloigner avec mon fusil dans le tunnel du bunker.

— Je suis à poil !

— C’est bon, je ne mets que la première partie, on ne voit que tes fesses ! C’est la preuve de ton courage ! Je la montre qu’aux gars de l’unité.

— Non.

Héloïse éteignit et me sourit en haussant les épaules. Elle quitta le mess comme elle était arrivée. Je secouai la tête, et tentai l’humour grivois :

— T’as raison, elle est obsédée par moi. Tu crois qu’elle est partie se toucher en matant la vidéo ?

— Je crois surtout qu’elle va la montrer à tout le monde.

Je me levai et sortis du mess à grands pas. Elle n’était déjà plus dans le couloir. Je hâtai le pas jusqu’au dortoir et les exclamations résonnèrent le long des tuyauteries avant que je passasse la porte. Rita derrière moi lâcha un couinement :

— J’ai gagné !

Les hommes de l’unité étaient regroupés autour de ma gynécienne. Je lâchai un sur un ton grinçant :

— Merci pour mon intimité !

Muller me sourit :

— On l’a déjà vu ton petit cul, t’inquiète. Je pense même qu’il faudrait rendre cette vidéo publique tellement c’est une preuve …

— De folie, le coupa Rita. Une preuve de folie.

— Folie, courage, c’est la même chose à la guerre.

— Allez ! On se la remet une fois ! s’exclama Héloïse.

— On se calme, gronda calmement Mourat. Range ta tablette et un peu de respect pour Clarine. A partir de demain, on reprend le renforcement musculaire, vous avez les neurones ramollis. Il y en a trop peu que je vois s’entretenir, ici.

J’échangeai un regard de gratitude avec le colosse qui avait fait taire tous ses subordonnés. Tâchant d’étouffer ma colère envers Héloïse, je pris ma serviette et m’en allai. Les dernières femmes mineures quittaient les douches, laissant derrière elle une odeur moite mêlant transpiration et savon. J’entrai dans une cabine, à la recherche de solitude. S’il y avait un sentiment que je connaissais, c’était celui de se sentir trahie. C’était la deuxième fois qu’Héloïse le faisait naître.

Je fermai les yeux face au mur en essayant de trouver dans le battement de l’eau une sensation d’apaisement. Après tout, ma pudeur, j’avais dû la jeter en devenant pilote, et c’était bien qu’on pensât que j’étais une héroïne. J’ignorais pourquoi, le voyage me paraissait plus longs qu’à l’aller, alors qu’il restait encore six jours à suivre. La voix d’Héloïse murmura derrière-moi.

— Tu me pardonnes ?

Je sursautai alors qu’elle s’invitait nue dans ma cabine. Elle posa sa serviette sur la porte, puis ses mains sur mes hanches aussitôt que je fusse retournée. Je secouai la tête car je trouvais ça trop facile pour elle de m’exposer puis de venir s’excuser après. Rita poussa la porte.

— Faites place à votre copine !

— Bonjour l’intimité, râla Héloïse.

— Un petit plan à trois ?

— Ce n’était pas clair que j’avais envie d’être seule ? m’agaçai-je. Sinon, je vous le dis, allez ailleurs.

Les sourcils d’Héloïse se courbèrent d’inquiétude. Ma pudeur était habituée à la présence d’Héloïse, mais celle de Rita embrasait ma colère. Mon ancienne camarade défit sa natte, sans gêne, éteignit l’eau puis servit du savon dans sa main. Elle me supplia d’une voix empreinte d’honnêteté :

— Allez poupée, je te fais un massage des épaules, ça va te détendre.

Mon corps en avait envie, alors il supplia mon cerveau de céder. Je la fusillai du regard, puis lui tournai le dos. Le savon glacé déposé sur mes épaules, les mains de Rita entamèrent des passes chastes qui glissèrent de mes épaules jusqu’aux creux de mon dos. Ma nervosité se dénoua, me faisant prendre conscience que mes muscles étaient tendus comme s’ils étaient prêts au combat. Héloïse monta ses mains à hauteur de mes seins et attendit mon consentement. Mes paupières se fermèrent, autorisant ses doigts à savonner ma poitrine, puis mon ventre. Je lâchai un soupir d’apaisement. C’était le genre de jeu pour lequel je voulais bien mettre de côté ce qui me restait de pudeur. Les paumes d’Héloïse se faisaient fermes sur mon buste, d’une justesse presque érotique. Progressivement, mes muscles se détendirent, et les paumes de Rita enveloppèrent régulièrement mes fesses.

— Ça va mieux ? questionna Héloïse.

— T’es pardonnée, mais surtout ne t’arrête pas.

Rita changea sa partition pour pétrir mes cuisses en descendant petit à petit vers mes mollets. Entre elle et l’inlassable gynécienne, je plongeai davantage dans l’apaisement. Rita ne tenta pas de revenir vers mon intimité et se releva simplement. Sa poitrine ronde se plaqua contre mes épaules et ses bras glissèrent le long de mes cuisses. Je savourais les caresses d’Héloïse qui parcouraient ma poitrine et mes abdominaux. Rita posa un baiser sur ma tempe et susurra :

— Alors, ce petit massage à quatre mains ?

— Pas mal du tout.

Héloïse commença à descendre ses caresses vers mon ventre en s’aventurant toujours plus bas. Bien que devinant qu’elle finirait par arriver sur mon intimité, je trouvais sa pratique tellement agréable que cette idée me rendait plutôt humide de curiosité. Ses pouces s’enfoncèrent dans les creux inguinaux, comprimant mon Mont de Venus. Je m’adossai à Rita et écartai un peu les jambes en avançant le bassin. Rassurée, Héloïse continua, massant ma poitrine, dévalant mon ventre et écrasant mon pubis. Ma respiration s’approfondit de plaisir, et Héloïse s’accroupit donc. Rita passa ses bras sous mes aisselles, et me ceintura. Héloïse concentra son massage sur mon sexe. Mon cœur commença à s’emballer, mon ventre à se creuser malgré moi. Héloïse passa ses épaules sous mes cuisses, puis la langue fendit ma vulve en deux. Je sentis aussitôt un malaise, tant d’avoir sa langue entre mes lèvres que cette position incongrue. Ses lapements trop appuyés, se poursuivirent dans un rythme chaotique. Chaque passage devint moins agréable, ma libido tomba, comme un soldat sans parachute. Je l’arrêtai :

— Arrête ! Je n’aime pas.

— Mais si tu vas voir, susurra Rita.

— Je n’aime pas, je te dis.

Héloïse se releva, déçue et Rita desserra son étreinte. Juste avant de remettre l’eau à couler, je leur dis :

— Mais merci pour le massage.

La porte s’ouvrit et les voix des garçons s’exclamèrent :

— C’est l’heure des mâles ! Toujours sous la douche ?

Rita posa son menton sur la porte et leur dit :

— Nous n’avons pas fini.

— Oh ! Ça sent le léchage de chatte ! rit Muller.

— Celui qui me fera jouir avec sa langue aura le droit de choisir le trou par lequel il me baise, répliqua Rita.

— Attention à ce que nous ne prenions pas ça au premier degré.

Elle sortit de la cabine et, les mains dans les cheveux, les provoqua :

— Chiche !

Elle roula des fesses jusqu’à la cabine. Muller et Beck s’engouffrèrent derrière-elle. Elle fixa les règles :

— Vous avez le droit à trente secondes chacun. C’est toi qui commence.

Je me tournai face au robinet, mon humeur déséquilibrée entre le plaisir du massage et le déplaisir du cunnilingus. Héloïse passa son pouce sur ma colonne vertébrale pour me rassurer, puis ne me voyant pas réagir, elle se savonna. Que lui dire ? Ce qui venait de se passer soulevait davantage de question sur mon orientation sexuelle. J’étais complètement perdue. Lorsqu’elle prit ma place pour se rincer, je l’observais sous les jets, je la trouvais mignonne, mais je ne ressentais pas cette attirance dont les romans et les films parlaient. Et ce plaisir provoqué par le massage était dépourvu de toute émotion. Il était égoïste et aurait été identique qui que fût la personne le prodiguant, homme ou femme.

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