Les regards et les silences

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Le lendemain matin, la Grande Salle baignait dans une lumière dorée douce. Les chandelles flottaient paresseusement entre les poutres, et les assiettes se remplissaient d’œufs brouillés, de fruits juteux et de jus de citrouille.

Mais malgré l’abondance et la chaleur, une tension glaciale flottait au-dessus des tables.

Harry le sentit dès son entrée.

D’habitude, les élèves riaient, bavardaient, faisaient flotter des toasts au-dessus des têtes pour les attraper au vol.

Mais ce matin-là, les murmures étaient chuchotés. Les regards fusaient comme des flèches silencieuses vers cinq nouveaux visages dispersés parmi les maisons.

Fitz et Dex, à Gryffondor, parlaient peu. Dex triturait son pain grillé sans vraiment le manger. Fitz, les bras croisés, lançait des regards discrets mais réguliers vers la table des Serpentard.

Biana, parfaitement coiffée, discutait avec une élève de Serdaigle en cinquième année… tout en écoutant toutes les conversations à dix mètres à la ronde. Ses yeux passaient de Ron (qui riait à ses blagues) à Hermione (qui ne riait pas du tout) avec une précision chirurgicale.

Keefe, lui, trônait au milieu de Poufsouffle comme un roi mal réveillé. Il avait volé un toast, l'avait transformé en marionnette, et faisait parler la tranche de pain d'une voix nasillarde :

— “Bonjour Sophie, tu veux sortir avec moi ?”
— “Non merci, pain parlant. Je préfère les sorciers au regard hanté.”
— “Quel dommage. Je suis croustillant ET attentionné.”

Ses voisins riaient, sauf un élève de cinquième qui fronça les sourcils :

— T’es toujours comme ça, toi ?

— Sauf quand j’ai le cœur brisé, répondit Keefe, l’air dramatique. Là, je suis pire.

À la table des Serpentard, Sophie sirotait silencieusement une tasse de thé. Elle n’avait presque rien touché à son assiette.

À côté d’elle, Harry remarquait chaque détail. Elle était concentrée, crispée… et surtout, elle dégageait toujours cette aura magique subtile mais puissante, que personne d’autre ne semblait remarquer de la même façon.

Le problème… c’est qu’il n’était pas le seul à l’avoir ressentie.

Du coin de l’œil, il aperçut Rogue, debout près de l’entrée de la salle, bras croisés, observant Sophie d’un regard noir.

Comme s’il attendait qu’elle fasse exploser quelque chose.

Et il n’était pas le seul professeur tendu.

Sophie tenta de détendre l’atmosphère.

— C’est toujours aussi… calme, ici ?

— Non, souffla Harry. Ce matin, tout le monde est juste trop occupé à essayer de deviner si tu peux faire exploser les couverts par la pensée.

Elle haussa un sourcil.

— Je ne peux pas.

— Tu vois ? dit-il. C’est rassurant. Mais je parie qu’ils pensent que tu mens.

Elle sourit faiblement.

— Je mens très mal.

Harry se pencha légèrement vers elle, baissant la voix.

— Je pense que c’est ça qui les effraie.

Un silence, puis :

— Ton pouvoir fonctionne encore ici, pas vrai ? demanda-t-il doucement.

Elle hésita. Puis hocha lentement la tête.

— Oui. Mais pas ceux des autres. Fitz m’en a parlé ce matin. Biana arrive encore à se rendre invisible par instants, mais c’est instable. Dex ne ressent plus rien de ses gadgets. Et Keefe…

— …fait parler du pain ?

— Voilà.

Harry sourit. Puis il vit le regard de Fitz.

Ce regard dur. Fermé. Qui visait Harry, pas Sophie.

— Tu n’es pas responsable, dit-elle soudain, comme si elle l’avait lu.

Il la fixa, surpris.

— Je sais reconnaître un regard coupable. Tu n’as pas choisi ma maison. Ni ce qui m’arrive. Alors ne te sens pas obligé de me surveiller.

Harry s’apprêta à répondre, mais une voix le coupa net :

— Tiens, tiens, Potter. Toujours un faible pour les filles mystérieuses ?

C’était Draco Malefoy, qui venait de s’asseoir en face d’eux avec Pansy Parkinson. Il regardait Sophie avec un intérêt curieux, presque poli.

— J’espère que tu ne la dragues pas, parce que pour une fois, je la trouve presque plus intelligente que toi. Et moins insupportable.

Sophie haussa un sourcil.

— Tu me flattes ou tu me menaces ?

Draco cligna des yeux.

— Les deux. Bienvenue à Serpentard.

Plus loin, à Gryffondor, Hermione lâcha sa cuillère.

Ron ne le remarqua pas. Il était trop occupé à regarder Biana.
Et Biana, très consciente d’être regardée, riait à moitié à ses blagues, à moitié pour provoquer.

Hermione poussa son assiette.

— Tu veux un café, Hermione ? demanda Ginny.

— Non merci, répondit-elle sèchement. J’ai assez d’amertume pour remplir une théière.

À Poufsouffle, Keefe cessa soudain son petit numéro. Il regarda Sophie de loin, son expression légèrement sérieuse pour une fois.

Il se tourna vers un Gryffondor à côté de lui.

— Hé. Toi qui es né ici. Est-ce que la magie réagit différemment quand quelqu’un… appartient à deux mondes ?

— Quoi ? Non. Enfin… je crois pas. Pourquoi ?

— Pour rien.

Il reprit une bouchée. Mais il regardait toujours Harry. Et Sophie.

Et dans ses yeux, on lisait une question qu’il n’avait pas posée :

Pourquoi elle lui sourit comme ça ?

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