Je marche d'un pas lent dans les rues du village. Il est propre et bien entretenu, mais toutes ces maisons colorées me piquent les yeux et me donnent la nausée. L'école est en briques rouges. Hélas, la teinte ne correspond pas à celle du sang. . . Quelle déception !

Je ne laisse cependant rien paraître et franchis les grilles. Leurs bouts ne sont même pas pointus. Quelle dommage ! Je me serais bien vue empaler l'une de mes victimes dessus. . .

La cour est pleine à craquer d'adolescents qui discutent et rient. Ils semblent tous attendre quelque chose. Je m'immobilise donc dans un coin et attends à mon tour, les scrutant des yeux pour tenter de repérer mon futur repas. . .

C'est alors qu'une voix enjouée s'adresse à moi en ces termes :

- Salut !

Je tourne lentement la tête pour découvrir une jeune fille aux courts cheveux blonds ondulés et aux yeux bleus. Elle me sourit de toutes ses dents parfaitement blanches et leur brillance mêlée au couleurs vives de ses vêtements me brûlent les yeux. Elle poursuit :

- T'es timide ? C'est classique pour une gothique, mais ça ne fait rien.

- Je ne suis ni timide ni gothique, rétorqué-je d'un ton calme. Je suis plutôt sataniste.

Mes paroles semblent la déconcerter car elle se fige pendant un moment avant de rire nerveusement :

- Je vois. . . Ça tombe bien ! J'ai toujours rêvé de rencontrer toutes sortes de personnes, même les plus insolites, tant qu'elles ne sont pas dangereuses. . .

- En ce cas tu ne rêvais certainement pas de me rencontrer.

Elle semble à nouveau déstabilisée car elle déglutit avec peine et reprend :

- Je m'appelle Elsa. Et toi ?

- Horror.

- Aurore ? Quel joli prénom !

- Mes parents le qualifient plutôt d'horrifique.

- Je ne vois pas ce qu'il y a d'horrifique à porter le même prénom qu'une princesse et qui a rapport avec le soleil en plus !

- Nous ne devons pas avoir le même prénom en tête. . . me contenté-je de commenter.

- T'es nouvelle ? Je t'avais jamais vu auparavant et, pourtant, je connais tous les habitants de ce village. . .

- J'habite un peu plus loin et j'étudais à domicile jusqu'à aujourd'hui.

- Qu'est-ce qui t'a décidé à changer de mode d'enseignement ?

- Je veux montrer à ma famille que je suis une adulte accomplie, capable de se débrouiller seule. . . et j'ai aussi une petite faim. . .

Elle éclate de rire et dit :

- Je comprends. La pause-déjeuner est le moment le plus attendu de la journée pour la plupart. La nourriture est bonne, mais pas exceptionnelle non plus.

- Ce n'est pas de cette faim-là dont je parlais. . .

- Tu faisais référence à ta soif de connaissances ?

- Je parlerai plutôt d'une soif de pratique. . .

- Je ne suis pas sûre de bien cerner ton humour, mais je l'apprécie tout de même. Je te trouve cool pour une sataniste dangereuse. . .

- Les plantes carnivores sont dotées de belles couleurs et d'un parfum charmeur. Ce n'est qu'une fois que les insectes se retrouvent piégés qu'ils comprennent qu'ils ont affaire à leur bourreau.

- Tu aimes les plantes ? Moi aussi ! s'exclame-t-elle avec enthousiasme.

- Je n'ai aucune affection spéciale pour elles, mais nous en avons toute une collection à la maison alors je ne peux que bien les connaître.

Nous sommes interrompues dans notre conversation par un homme aux cheveux blancs vêtu d'un costume. Il porte un microphone à sa bouche pour nous adresser un discours de bienvenue. C'est sans doute le directeur de l'école. Il se met ensuite à répartir les adolescents l'entourant dans différentes classes. J'entends le nom de mon interlocutrice et quelques temps plus tard, c'est au tour du mien d'être prononcé. L'humaine saute de joie en s'écriant :

- Nous sommes dans la même classe ! C'est super ! Nous allons pouvoir faire plus ample connaissance !

Je roule des yeux en poussant un soupir. Je n'ai aucune envie de faire connaissance avec cet arc-en-ciel sur jambes débordant d'une répugnante joie de vivre, mais elle pourrait constituer une bonne victime. . . Je vais donc en profiter pour l'examiner sous toutes les coutures et décider si je vais faire d'elle ma cible ou non. . .