Le tragique passé de l'école

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J'applique sur Lamain le vernis violet que je lui ai acheté sur le chemin du retour, comme promis. J'en profite pour lui raconter ma journée et conclus en l'informant :

- J'ai décidé de ne pas choisir mes victimes juste pour leur discrétion. Je ne m'en prendrai qu'aux personnes qui ont des choses à se reprocher. Je ferai ainsi d'une pierre deux coups. Qu'en penses-tu ?

Il brandit son pouce en l'air. Je referme le pot de vernis et le pose sur ma coiffeuse. Je ferme les yeux pour remémorer les sourires de fierté qui ont illuminé les visages de mes parents lorsque je me suis présentée à eux, le corps de l'adolescent dans mes bras.

Ce soir est organisé un festin pour fêter mon entrée dans le monde adulte. Les domestiques sont affairés à préparer le repas et décorer la Grande Salle.

Je rouvre les yeux et marche jusqu'à la fenêtre dont je tire les rideaux pour contempler le clair de lune. J'entends d'ici les hurlements des loups-garous qui parcourent les bois environnants. Lamain vient s'installer sur le rebord de la fenêtre. Il est bientôt rejoint par Aracnée, qui vient se blottir contre lui. Ma Phoneutria nigriventer femelle s'entend à merveille avec notre plus ancien serviteur. Je caresse le dos poilu de l'araignée en leur disant :

- Je sais qui pourrait m'aider à choisir judicieusement mes victimes. "La reine des ragots", comme elle s'est si bien auto-proclamée.

*

La sonnerie annonçant la pause déjeuner retentit. J'emboîte le pas à Elsa et ses amis. La jeune fille a beau me saluer chaleureusement et demander de mes nouvelles tous les matins, elle n'insiste jamais pour discuter plus longuement quand elle constate que je ne suis vraiment pas intéressée. Elle rejoint aussitôt ses amis pour échanger avec eux. Je les suis jusqu'au réfectoire. Je m'arrête un instant sur le seuil pour m'assurer qu'aucune odeur d'ail ne flotte dans l'air, puis poursuis mon chemin. Une fois leurs plateaux pleins, ils s'installent à une table et je m'assieds à côté de la blonde en leur lançant un monotone :

- Salut.

Ils sursautent tous et l'une d'entre eux s'exclame :

- Ça ne va pas de s'incruster comme ça sans prévenir ? ! J'ai failli faire une crise cardiaque !

- Je ne m'excuserai pas étant donné que je ne suis absolument pas désolée, rétorqué-je. En revanche, poursuivé-je en me tournant vers Elsa, j'aimerais bien que tu me parles un peu plus d'une chose concernant cette école. . .

- Tu t'es enfin décidée à te délecter des tous derniers potins ? se réjouit-elle. Je t'écoute ! Demande-moi ce que tu veux.

- Parfait. Parle-moi des brutes qui s'en prennent aux autres sans bonne raison, dans ce cas.

Son sourire s'évanouit et elle me questionne d'un air confus :

- Comment ça ?

- J'ai surpris un garçon de cette école s'en prendre à un autre qui ne lui avait pourtant rien fait de mal. J'aimerai savoir s'il en existe d'autres comme lui.

- Tu veux parler des harceleurs. . . Malheureusement, oui, il en existe, comme dans tous les établissements scolaires, j'imagine. . . Enfin, depuis ce qui s'est passé l'an dernier, nous n'avons plus jamais été témoins d'une situation pareille. . .

- Que s'est-il passé l'an dernier ?

L'adolescente hésite. Elle se mord la lèvre inférieure et entortille une mèche de cheveux autour de son index. Elle semble clairement mal à l'aise. La tension est désormais palpable à notre table. Tout le monde fuit mon regard.

- Je pensais que je pouvais compter sur toi pour tout savoir au sujet de cette école et de ses occupants, lui dis-je.

- Bien sûr. . . C'est juste que c'était si affreux que. . . ça me fait encore mal d'en parler. . .

- Ça te concerne personnellement ?

- Non, mais je le connaissais et il était innocent. Il ne méritait pas ce qui lui est arrivé. Si seulement j'avais pu faire quelque chose pour l'aider. . .

Sa voix se brise et les larmes perlent au coin de ses yeux bleus.

Je pousse un soupir : me voilà bien si j'ai pour alliée une fille aussi sensible. . .

Je la rappelle à l'ordre :

- Tu ne m'as toujours pas dit ce qui s'est passé. Qu'est-ce qui est arrivé à ce garçon ?

- Il se faisait sans cesse malmener par des brutes. Tout le monde était au courant de ce qui se passait, mais personne ne pouvait rien faire : c'étaient des gens influents et bien trop forts pour nous. Certains d'entre nous en ont parlé aux professeurs dans l'espoir qu'ils lui viennent en aide, mais étrangement, rien n'a changé. Il. . . Il s'est donné la mort l'an dernier.

Tout le monde baisse les yeux. Les mines sont sombres et je dois avouer que je serais aux démons si je n'étais pas dérangée par cette histoire.

- Qu'est-ce que tu entends par "c'étaient des gens influents" ?

- C'étaient des enfants de personnes importantes dans le village. On pense que c'est probablement la raison pour laquelle nos professeurs n'ont pas réagi. . . Ils savaient peut-être que ça ne servirait à rien ou avaient peur de perdre leurs postes. . .

- Je vois. . . Plusieurs personnes ont donc la mort de ce malheureux sur la conscience et son sang sur leurs mains. . .

Je comprends enfin ce que que voulait dire Félicien hier lorsqu'il m'a mis en garde contre les harceleurs. . .

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