Je marche aux côtés d'Elsa durant notre trajet au réfectoire, profitant de son babillage incessant pour récolter autant d'infromations que possible sur l'école et ses occupants, mais aussi plus généralement sur le village et ses habitants. Une voix l'interrompt dans son soliloque :

- Salut, les filles !

Nous sommes rejointes par Célestin et Félicien, qui quittent tout juste leur salle de cours. Nous leur rendons leur salut et la blonde demande à son aîné :

- Tu veux bien qu'on mange tous ensemble ce midi ?

- Je n'ai rien contre, accepte-t-il.

J'acquiesce pour signifier que cela ne me dérange pas non plus et nous nous tournons tous vers Félicien, qui est en train de tapoter sur l'écran de son téléphone portable, visiblement absorbé par ce dernier. Célestin lui envoie un petit coup de coude taquin qui fait sursauter le jeune homme et plaisante :

- Tu converses avec les extraterrestres ? Parce que tu as vraiment l'air sur la lune, là.

- Je vous demande pardon. J'avais un message urgent à écrire. Je suis tout à vous maintenant.

- Tu es d'accord pour qu'on aille manger avec les filles ?

- Oui, pourquoi pas ? répond-il en souriant.

Quelques secondes plus tard, je distingue, parmi le brouhaha incessant des lycéens, des ricanements mêlés à des plaintes. Je me fige et change de direction pour aller voir ce qui se passe, persuadée de bientôt tomber sur mes nouvelles cibles. Mon départ n'échappe cependant pas au groupe et Elsa me demande :

- Hé ! Où est-ce que tu vas ?

Je ne lui réponds pas et me précipite en direction d'une des salles de classe. J'en ouvre la porte et tombe sur trois adolescents qui s'amusent à en bousculer un autre chacun à leur tour en riant. Au même moment, mes trois compagnons arrivent à ma hauteur et constatent eux aussi le vilain jeu qui se déroule dans cette salle de classe désertée. Célestin demande aussitôt sur un ton indigné :

- Qu'est-ce qui se passe ici ?

Ils se retournent et lui lancent :

- Ce n'est pas tes affaires ! Laisse-nous tranquilles !

- Certainement pas ! réplique Félicien en s'approchant d'eux. Il tente de les écarter pour atteindre la victime de ce jeu malsain, mais il est violemment repoussé par les harceleurs, à tel point qu'il en perd l'équilibre et serait tombé au sol si je ne m'étais pas avancée pour le rattraper en glissant mes bras sous les siens. Je supporte son poids sans efforts grâce à ma force surhumaine de vampire.

Célestin s'avance à son tour vers les malfaiteurs, mais étant préparé à être rejeté, il s'écarte à temps pour les éviter. Elsa profite de sa diversion pour courir en direction du jeune malmené et le guider vers la sortie en le rassurant avec de douces paroles.

En constatant qu'il est hors de danger, Célestin bat en retraite et nous attrape, Félicien et moi, par le bras pour nous faire sortir à notre tour. Je me défais de son emprise d'un mouvement sec et marche sans hésitation vers les trois adolescents pour donner un violent coup de pied dans le ventre du premier, qui agit sur ses deux complices comme le fait un domino sur ses semblables.

Les autres restent interdits pendant un petit instant, me fixant avec des yeux ronds, puis les deux plus grands m'attrapent chacun par un bras pour me sortir de force dans le couloir en me disant :

- Ça suffit, maintenant !

Ils ne me lâchent qu'une fois que nous sommes hors de la salle et le garçon aux cheveux blancs me demande aussitôt :

- Pourquoi leur as-tu fait ça ? Gaston est hors de danger, maintenant, ce n'était pas nécessaire.

- Ils méritent bien pire. . . me contenté-je de rétorquer.

- La violence ne résout rien, déclare mon interlocuteur. Elle n'est qu'un cercle vicieux dont l'humanité doit absolument se défaire.

- Moi, je suis plutôt étonné par ta force, avoue Félicien.

Je ne réponds rien, ce qui laisse l'occasion à Elsa de demander à notre protégé :

- Est-ce que ça va, Gaston ?

- Oui, lâche-t-il avec une grimace. Ces gens sont fous ! Ils s'en sont pris à moi sans raison, ni explication.

- Tu ne peux pas affirmer qu'ils s'en sont pris à toi sans raison, puisqu'ils ne t'ont rien expliqué, le contredit le jeune homme aux yeux dorés.

Gaston fronce les sourcils, visiblement vexé par les paroles de Félicien. Ce dernier lui fait signe de s'en aller et il s'exécute, sans même un remerciement. Ce que les humains peuvent être ingrats. . .

Elsa se tourne ensuite vers moi pour m'interroger :

- Comment as-tu su ce qui se passait là ?

- Je les ai entendus, me contenté-je de répondre.

- Tu as l'ouïe drôlement fine ! me complimente Félicien sur un ton admiratif.

- Allons manger, décidé-je en reprenant le chemin du réfectoire. En espérant qu'ils n'ont pas mis d'ail dans les plats. . .