Assise sous l'arbre de la cour, je contemple mon ombre en repensant au moment où la boule de cristal m'a montré Célestin et Elsa. Eux ? Les responsables des violences qui se déroulent au soin de cette école ? Je ne peux pas le croire, cela ne colle pas à leurs personnalités, à leur façon de parler de la tragédie de l'an dernier, mais ne dit-on pas que les apparences sont souvent trompeuses ?

Une voix que je reconnais bien m'interrompt dans ma réflexion :

- Salut, Aurore. Qu'est-ce que tu fais ici toute seule ? Tu semblais pourtant avoir pris l'habitude de manger avec Elsa et son groupe d'amis.

- Je n'ai pas faim, me contenté-je de rétorquer à Félicien.

- Tu as l'air soucieuse. C'est bien dommage que ce soit la seule émotion que je te connaisse. . . Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Je réfléchis, voilà tout, et tu me m'empêches de le faire correctement, lâché-je sur un ton plus sec.

- Je m'excuse. Je veux juste t'aider du mieux que je le peux.

- Pourquoi voudrais-tu m'aider ?

- C'est normal de s'entraider entre êtres humains et c'est bien plus amusant que de s'entretuer, tu ne trouves pas ?

- Cela dépend. . . dis-je d'un air extrêmement sérieux.

Il prend sans doute ma réponse pour une plaisanterie car il éclate de rire et me lance :

- Je vois. Ton truc, c'est l'humour noir. Ça me plaît. . .

Je le fixe en levant un sourcil pendant quelques secondes, puis hausse les épaules et tente de me reconcentrer sur le sujet de ma réflexion.

- Non, sérieusement, à quoi tu penses ? me demande-t-il sur un ton plus sérieux.

- Est-ce que tu connais bien Célestin et Elsa ? lui demandé-je. Tu es dans la même classe que le premier.

- Plutôt, oui. Pourquoi ?

- Dis-moi ce que tu sais et ce que tu penses d'eux.

- Ce sont des personnes tout à fait charmantes et aimables. Je n'ai vu d'eux que du bien.

- Je m'en doutais. . .

- Il y a un souci avec eux ?

Je n'ai pas le temps de décider quoi lui répondre. La voix enjouée d'Elsa m'interpelle :

- Aurore ! Je t'ai cherchée partout !

- Qu'est-ce que tu me veux ? lui demandé-je en la scrutant de haut en bas afin de percer le moindre détail pouvant apporter une réponse à mes questions.

Elle me montre la feuille de papier qu'elle tient à la main et m'annonce :

- J'organise toujours une soirée pyjama entre filles pour fêter la fin de l'année scolaire. Je sais que c'est encore loin, mais je dresse la liste des invités en avance afin que tout le monde puisse s'organiser au mieux. J'aimerais t'inviter, tu es d'accord ?

- Je ne sais pas. . . Je n'ai encore jamais fait de soirée pyjama. . .

- Tu n'as jamais fait de soirée pyjama ? !

- Non.

- C'est pourtant une activité incontournable entre amies. . .

- Je n'en ai pas.

- Pas d'amis ? ! s'étonnent les deux.

- Si l'un de vous continue à me fixer avec pitié, je lui arrache les deux yeux.

- Ha ha ha ! rit Félicien. C'est tout de même triste ce que tu nous racontes là. C'est par choix que tu n'as pas d'amis ?

- Ça ne m'intéresse pas spécialement, répondé-je en haussant les épaules.

- Tu sais quoi ? renchérit Elsa. Je t'inscris en VIP sur la liste et je t'invite à dormir à la maison le week-end prochain.

- Pourquoi ?

- Pour t'initier en douceur aux soirées pyjamas afin que tu ne sois pas perdue à celle de fin d'année. Tu es partante ?

- Pourquoi fais-tu cela pour moi ? On se connaît à peine.

- C'est ce que j'aurais voulu qu'on fasse pour moi à ta place et je crois qu'on doit toujours traiter les autres comme on aimerait être nous-mêmes traités.

Ces paroles ancrent en moi une certitude : Elsa ne peut être "Némésis", car je ne crois pas qu'elle aimerait être manipulée ou harcelée. Seulement, dans ce cas, pourquoi est-elle apparue dans la boule de cristal aux côtés de son frère ?