Les harceleurs harcelés

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Je sonne à la porte de la maison de ma camarade de classe. C'est Félicien qui m'ouvre en me saluant :

- Bonsoir, Aurore.

- Bonsoir. Je viens en réponse à l'invitation de ta soeur.

- Oui. Elle m'en a parlé toute la semaine.

Je scrute le jeune homme, mais ne détecte rien d'anormal ou de suspect dans son comportement. Il faut absolument que je trouve une façon de m'assurer quant à ses véritables intentions. En attendant, j'entre dans la bâtisse à la suite du garçon, qui me conduit jusqu'à un escalier. Nous montons à l'étage et il toque à une porte en annonçant :

- Elsa ! Aurore est arrivée !

- Super ! s'exclame-t-elle à travers le bois.

Elle ouvre la porte à la volée pour m'accueillir :

- Je suis ravie que tu sois enfin là ! On va s'amuser comme des petites folles !

En disant ces mots, elle s'approche de moi, bras grands ouverts, mais je recule de quelques pas et cela lui suffit pour comprendre :

- Oh, désolée. . . Tu n'es pas tactile, c'est ça ?

- En effet. . .

- Ce n'est pas grave. Viens !

Elle retourne dans sa chambre et me fait signe de la rejoindre. J'entre à l'intérieur et son aîné referme la porte en nous disant :

- Je serais dans ma chambre si besoin. Bonne soirée !

- Merci, frangin !

Une fois la porte close, Elsa m'explique :

- Voici le programme : jeux, repas, détente et dodo. Ça te va ?

- Je n'ai aucune expérience dans ce genre de soirées alors je te suis, du moment que les activités me conviennent. . .

- Tu vas adorer ! me promet-elle. Je te propose de commencer doucement la soirée avec un jeu de société. Qu'est-ce que tu aimes ?

- Les échecs. On joue souvent à cela à la maison.

- Parfait ! J'en ai justement un.

Elle se dirige vers un tiroire et en sort une boîte, puis dispose le jeu sur une table et m'invite à prendre place en face d'elle.

- Comme tu es mon invitée, je te laisse l'honneur. Les blancs sont à toi.

- Je ne joue qu'avec les noirs.

- Tu es sûre ?

- Oui.

Elle retourne le plateau et nous commençons la partie. Au bout de quelques minutes, je déclare :

- Échec et mat.

- Oh ! Tu es tellement forte ! Il faudrait que tu m'apprennes à jouer aussi bien que toi.

- Peut-être le ferais-je un jour. . .

- Bon. Tu veux faire une autre partie ou te lancer dans une autre activité ?

- Qu'est-ce que tu as d'autre à me proposer ?

- Personnellement, ce que j'aime le plus, c'est les activités danse et karaoke.

- Qu'est-ce que c'est que le "karaoke" ?

- Tu n'en as jamais fait ? ! C'est pourtant simple et populaire, dit-elle en se levant pour aller chercher son ordinateur portable. Il suffit de chanter une chanson avec les paroles sous les yeux et la musique en fond.

- Je n'aime pas chanter.

- Tu préfères danser ?

- Je ne dirais pas que c'est mon activité favorite, mais il m'arrive de danser lors des jours d'occasion.

- Quelle est ta danse préférée ?

- J'hésite entre la danse du corps désarticulé et celle de la possession démoniaque. . .

Elle éclate de rire et s'exclame :

- J'ai hâte de voir ça !

- Laquelle veux-tu voir ?

- Les deux !

- Bien, dis-je en me levant.

J'effectue les pas de danse que maman m'a enseignés, en me remémorant la musique que joue toujours Lamain à l'orgue lors de nos soirées. La jeune fille me fixe d'abord avec étonnement et surprise avant d'éclater de rire en m'applaudissant, visiblement amusée par le spectacle que je lui offre. Lorsque je finis, elle frappe encore plus fort dans ses mains en me complimentant :

- Tu es une excellente danseuse ! Je n'avais jamais vu des danses aussi originales ! Tu vas faire sensation lors du bal de promo !

- Un bal ?

Je pensais que les humains d'aujourd'hui trouvaient les bals démodés. . .

- Oui. Le lycée en organise un chaque année. C'est le moment le plus attendu par tous les élèves ! Il faudrait d'ailleurs qu'on se trouve des cavaliers pour l'occasion, mais ne t'en fais pas : on a encore du temps devant nous.

- Je ne m'en fais pas du tout pour ça. C'est même le dernier de mes soucis.

- Tu n'es pas intéressée ?

- Non.

- Quelle dommage ! Moi qui espérais qu'on pourrait s'amuser ensemble là-bas. . .

- Tu n'as pas l'intention de t'amuser là-bas avec ton cavalier ?

- L'un n'empêche pas l'autre. . . Enfin, c'est encore loin. Tu auras peut-être changé d'avis d'ici là. Allons manger pour le moment.

Nous quittons la chambre de l'adolescente pour nous rendre dans le salon. Elle me dit :

- Tu peux choisir un film à regarder si tu veux pendant que je vais chercher notre repas.

Elle se dirige ensuite vers la cuisine, me laissant seule pendant un petit moment. Je m'approche de la télévision et commence par l'allumer, puis me penche vers l'endroit où sont rangés leurs DVD.

Je suis en train de chercher un film intéressant lorsque j'entends la même présentatrice que l'autre jour annoncer la disparition de ma plus récente victime. Mon coeur se serre à nouveau à l'entente de son nom. Qu'est-ce qui me prend, encore ?

Au même moment, j'entends Elsa revenir dans le salon et poser le plateau-repas sur la table basse. Elle pousse un soupir :

- Encore une disparition. . . Ça me fait un peu peur, tu sais ?

- Tu n'as rien à craindre pour le moment, la rassuré-je.

Elle me remercie d'un petit sourire. C'est alors que nous entendons la voix de Célestin nous demander :

- Vous êtes au courant pour. . . ?

- Si tu parles du dernier disparu, l'interrompé-je, ils viennent de l'annoncer à la télévision.

Il se fige, observe l'écran pendant quelques secondes, puis nous avoue :

- J'ai remarqué quelque chose d'étonnant. Tous les disparus ont été surpris à harceler d'autres lycéens. N'est-ce pas une drôle de coïncidence ?

- Ce n'en est clairement pas une, murmuré-je.

C'est alors qu'un déclic se fait en moi. Je me précipite vers une feuille et un stylo qui trainaient dans un coin du salon pour noter les noms de toutes leurs victimes. Une fois que c'est fait, je présente la liste aux deux adolescents et leur dis :

- Voici les noms de tous ceux qui se sont fait harceler par eux. Est-ce qu'ils ont un point en commun ?

Les deux échangent un regard, puis Elsa me répond :

- Ce sont tous ceux qui harcelaient Léo, le garçon qui. . .

- Le garçon qui s'est donné la mort l'an dernier, termine Célestin pour elle.

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