Nous nous dévisageons en silence pendant de longues secondes avant qu'Elsa ne lâche :

- Ça ne peut pas être une coïncidence, mais qu'est-ce que ça cache à votre avis ? Que tous les harceleurs de ceux qui harcelaient Léo aient diparu. . . Est-ce qu'ils s'en sont plaints à leurs parents et que des mesures ont été prises ? Je vous rappelle qu'ils sont suffisamment hauts placés pour. . . mais ce serait trop cruel, n'est-ce pas ?

- Calme-toi, lui dis-je. Tu ne peux pas réfléchir clairement si tu te laisses emporter par la panique.

- Aurore a raison. Laissons cette histoire à la police, c'est son travail. Je pensais qu'il y avait une soirée pyjama entre filles dans cette maison, ce soir. . .

- C'est vrai, se reprend-elle. Mangeons ensemble ! Tu as choisi le film, Aurore ?

- Je n'ai pas eu le temps. J'ai été coupée par le programme d'informations.

Elle sourit et se dirige vers ses DVD pour en choisir un.

- Je penses que tu vas adorer celui-là, c'est un grand classique !

Je m'empare de la boîte pour en lire le titre :

- Titanic. . . N'est-ce pas le nom d'un grand paquebot qui a fait naufrage en 1912 ?

- Si. Le film s'inspire de cette histoire.

- Cela pourrait être intéressant, en effet. . .

Elle lance le film et nous nous installons sur le canapé. Célestin reste avec nous pour voir le film.

Trois heures et trente minutes plus tard. . .

L'adolescente est en larmes, genoux remontés contre sa poitrine. Son aîné la raisonne comme il le peut :

- Enfin, soeurette ! Tu connais bien ce film, tu savais comment ça allait finir. . .

- Je sais, mais je ne peux pas m'empêcher de pleurer à chaque fois. . . C'est si beau et si triste à la fois. . .

- C'est de la tragédie, lui expliqué-je en souriant de plaisir. Ils étaient de conditions opposées, leur histoire était destinée à sombrer comme ce navire.

- Qu'est-ce qui te fait sourire ? me demande-t-elle.

- C'est le meilleur film que tu m'ais montré. J'ai adoré le moment de leurs adieux et la longue agonie du jeune homme dans l'eau glacée. . .

Je soupire de déléctation, sous leurs regards ébahis, car j'ai remarqué que, même s'il n'est pas en larmes, Célestin est aussi touché par les protagonistes.

- Bon, dit Elsa en se levant. Remontons dans ma chambre. Nous devons conclure tranquillement cette soirée.

Je la suis. Elle s'assied sur son lit et s'empare de différents cosmétiques en m'annonçant :

- Nous devons maintenant nous détendre et nous faire belles. Commençons par appliquer les masques et, en attendant qu'ils fassent effet, nous nous occuperons de nos ongles.

Je l'observe s'appliquer le masque en question. Une fois qu'elle finit, elle m'en tend un, mais je lui avoue :

- Je ne m'en suis jamais servie.

- Vraiment ? Quoique. . . cela ne m'étonne plus de toi. Je peux te l'appliquer afin qu'il redonne à ta peau de l'éclat, parce que tu as constamment l'air malade avec ce teint pâle, sans vouloir te vexer. . .

- Je n'en veux pas, dans ce cas. Je tiens à mon teint.

- Comme tu veux. . . fait-elle en haussant les épaules. Nous allons pouvoir passer aux ongles. Montre-moi les tiens s'il te plait.

Je lui tends mes mains et elle s'exclame d'une voix où transparaît l'admiration :

- Wow ! Ils sont si brillants et si bien limés ! Je peux directement te mettre du vernis. Quelle couleur veux-tu ?

Elle me montre ses différents flacons et je lui désigne le rouge. Elle approuve mon choix d'un hochement de tête et commence à peindre mes ongles. Je la laisse faire. Quand elle finit, je souffle un peu dessus pour faire sécher plus rapidement le vernis, puis lui dis :

- C'est à mon tour de m'occuper de toi. Quelle couleur te plairait ?

- Je veux mettre le bleu à paillettes.

Je le prends et ouvre le flacon, puis prends sa main pour lui appliquer la substance. Elle remarque :

- Tu es drôlement habile. Tu as l'habitude de faire des séances de manucure ?

- Oui, à la maison avec Lamain. Il est un véritable expert en soins des mains. Nous nous occupons parfois de la sorte, c'est ce qu'il aime le mieux.

- Qui est Lamain ?

- C'est le plus ancien serviteur au service de ma famille. Il a toute notre confiance, c'est pourquoi c'est aussi mon plus grand confident.

- Tu fais des séances de manucure avec un vieil homme ?

- Ce n'est plus vraiment un homme. . .

- Comment ça ?

- Je ne peux pas t'en dire plus pour l'instant. Tu verras peut-être un jour. . .

- J'ai hâte de rencontrer ta famille. Ils ont l'air aussi originaux que toi.

- Nous sommes tous différents, même si nous avons des points communs.

- Je n'en doute pas.

Je finis de vernir ses ongles et elle me remercie, puis quitte le lit et s'éloigne en m'informant :

- Je vais dans la salle de bain pour retirer mon masque. Profites-en pour te changer.

Elle ramasse des vêtements dans son armoire et sort. Je retire ma robe noire pour la remplacer par une longue chemise de nuit au col en dentelle. Quand Elsa revient, quelques minutes plus tard, je découvre qu'elle porte un pyjama rose bonbon à pois blancs. Elle admire ma tenue :

- Oh ! Tu ressembles aux femmes de l'époque habillée ainsi.

- Les vêtements d'autrefois ont bien plus d'élégance que ceux d'aujourd'hui.

Elle éclate de rire et appuie sur l'interrupteur pour nous plonger dans le noir en déclarant :

- Maintenant, c'est l'heure de nous raconter des histoires d'horreur. . .

Elle se jette aussitôt dans son lit pour se blottir sous les draps et m'éclaire d'une lampe torche en déclarant :

- Je t'écoute. Tu es sans doute la plus douée de nous deux pour ça.

Elle tapote le lit pour m'inviter à la rejoindre. Je m'installe à côté d'elle en réfléchissant à l'histoire la moins terrifiante que je connaisse car je ne voudrais pas que ma seule alliée humaine fasse une crise cardiaque. . .