Ma vraie nature

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Je suis des yeux les gouttes de sang. Elles proviennent de la bouche de Célestin. Je m'arrête et le contrains à me faire face pour lui annoncer :

- Tu es blessé.

- Je sais, fait-il en s'essuyant du dos la main. C'est notre agresseur qui m'a fait ça en me frappant tout à l'heure.

Je ne réponds rien. Je ne bouge pas non plus d'un pouce. Je me contente de fixer avec des yeux luisants ces gouttes écarlates s'échappant de lui. Cela fait si longtemps que je n'ai pas planté mes dents dans de la chaire fraiche. . . Je serre les poings, tentant de réprimer l'envie montant en moi.

Lui se contente de me sourire. Un sourire ensanglanté. . . C'est sans doute le plus beau qu'il m'ait été donné de voir. . . J'approche d'un pas, les yeux rivés sur ce dernier. Il rit doucement et me demande :

- Qu'est-ce que tu fais ?

Cette action dévoile l'entiéreté de sa blessure, véritable source de nourriture à mes yeux. Je ne peux résister plus longtemps à cet appel : je me jette sur le jeune homme et plante mes canines dans la plaie. Il lâche un cri de surprise et de douleur mêlés et tombe à la renverse. J'attrape fermement ses poignets pour le plaquer au sol, mais je ne rencontre aucune résistance : il ne cherche pas à se débattre.

J'aspire goulument le liquide à la saveur cuivrée, lorsqu'un goût de sel se mêle à celle-ci. Surprise et intriguée, je m'écarte un peu pour constater que des larmes coulent des yeux clos de l'adolescent. Il pleure. . .

Je sens mon coeur se serrer et mon corps trembler. Je me redresse en précipitation et fixe avec une boule au ventre le jeune homme gisant au sol. Sa respiration est aussi rapide et saccadée que la mienne.

Je sens Lamain sortir de mon sac pour venir se loger sur mon épaule. Je lui lance un regard et constate qu'il semble tout aussi confus que moi, se tournant à plusieurs reprises de moi à l'adolescent et de l'adolescent à moi, mais il finit par me faire signe d'aider le jeune homme à se relever.

Je m'agenouille rapidement à ses côtés et lui demande :

- Célestin ? Est-ce que tu m'entends ?

Il ouvre lentement ses yeux bleus et plonge son regard dans le mien, puis hoche tout aussi lentement la tête.

- Aurore. . . murmure-t-il.

- Ne dis rien, lui intimé-je en passant mes bras sous ses aisselles pour l'aider à s'asseoir. Est-ce que tu peux te relever ?

- Oui, je. . . Je crois. . .

Je l'aide à se remettre debout, puis sors mon mouchoir brodé de ma poche pour l'appliquer sur sa bouche.

- Garde-le pressé contre ta blessure.

Il m'obéit en silence et je passe à nouveau un bras autour de lui pour le guider jusqu'à sa maison.

Il introduit sa clé dans la serrure, tourne la poignée et nous entrons dans la demeure. Je le conduis jusqu'à sa chambre. Il se laisse tomber sur le lit. Je l'allonge et le couvre, puis lui demande de ne pas bouger, le temps que j'aille chercher de quoi le soigner. Encore une fois, il ne prononce pas un mot.

Je me rends dans la salle de bain et parviens à trouver une bouteille d'alcool, tandis que mon cher domestique revient avec des compresses. Nous retournons ensemble dans la chambre pour découvrir Nala, qui renifle délicatement le visage de son maître, pendant que ce dernier caresse son pelage blanc.

Je m'assieds sur le rebord du lit et entreprends de désinfecter la blessure, puis presse à nouveau mon mouchoir noir brodé de roses écarlates sur la plaie afin d'arrêter l'hémorragie en attendant qu'elle se referme d'elle-même.

- Je t'aurais volontiers recousu, mais tu as déjà suffisamment souffert pour ce soir.

- Je ne te savais pas si attentionnée, dit-il en riant.

- C'est de la pitié, le rectifié-je.

- J'ai toujours remarqué que tu te soucies des autres plus que tu ne veux l'admettre. C'est évident quand on regarde au-delà de ta franchise rebutante et de ton humour noir.

- Tu me crois franche ?

- Tu es franche dans ce que tu dis, mais il est clair pour moi que tu nous caches des choses. . .

Je garde le silence pour ne pas interrompre sa réflexion.

- Tu en sais plus que tu ne nous l'as dit sur les disparitions et cette affaire de harceleurs, mais ce n'est pas tout. Tu nous caches également ta véritable nature. J'ai senti tes canines s'enfoncer en moi. Aucun être humain ne peut en avoir d'aussi longues et pointues ! Aurore. . . Qu'es-tu réellement ?

- Attendons que ta soeur rentre. Elle mérite aussi de savoir la vérité pour m'avoir soutenue et aidée pendant tout ce temps, mais je ne pense pas qu'elle continuera à le faire, ni même que nous resterons amis une fois que je vous aurai tout dit.

- Tu nous vois vraiment comme tes amis, alors ?

- Si les amis sont vraiment ce que tu m'as décrit, tout à l'heure, alors oui, vous êtes mes amis, mais est-ce que ça va durer ? Tout dépend de vous.

- Pourquoi penses-tu que nous ne voudrions pas rester tes amis ?

- Célestin. . . Serais-tu prêt à rester ami avec une personne qui a failli te tuer ? Mieux : serais-tu prêt à rester ami avec une tueuse ?

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