La dévotion de mes deux petits compagnons

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Je contourne la maison et m'approche de la porte du jardin. Je suis sur le point de sortir une griffe pour crocheter à nouveau la serrure lorsque j'entends une voix masculine dire :

- C'est donc comme ceci que tu as procédé la veille. . .

Je me retourne en sursaut pour faire face à Célestin.

- Comment as-tu fait pour t'approcher sans que je ne t'entende ?

- J'ai aussi mes astuces, dit-il avec un sourire mystérieux.

Face à mes sourcils froncés, il avoue en riant :

- Plus sérieusement, j'ai juste calqué mes pas sur les tiens pour passer inaperçu.

- Tu ne devrais pas rester là. . .

- Il est hors de question que je te laisse seule. . .

- Je sais. Les amis ne s'abandonnent pas les uns les autres.

- C'est vrai, mais. . . ce n'est pas la seule raison.

- Quelle est l'autre ?

- Une autre fois. Nous devons nous dépêcher d'entrer. L'homme au masque peut débarquer à tout moment.

J'acquiesce et ouvre la porte. Nous entrons et je la referme doucement, puis ordonne :

- Viens tisser ta toile.

Mon araignée sort aussitôt de mon sac pour se mettre au travail. Le jeune homme m'interroge :

- Que fais-tu ?

- L'homme au masque est aussi entré par ici, hier soir. Il est donc fort probable qu'il recommence. La toile va nous permettre d'être alertés de sa présence et de le ralentir.

- Je vois. C'est drôlement ingénieux. . .

- Plus tard, les compliments, rétorqué-je en détournant la tête pour masquer la coloration de ma peau.

Nous traversons la maison jusqu'à l'escalier et en montons les marches. Nous nous dirigeons ensuite immédiatement vers la chambre de Léo et l'adolescent allume sa lampe de torche pour éclairer les lieux, me donnant ainsi l'occasion de clairement voir sa cicatrice.

- Est-ce qu'elle te fait encore mal ?

- Oh. . . non, répond-il en souriant.

- Tu en es sûr ? rétorqué-je, sceptique.

- Oui. Tu veux toucher pour t'en assurer ?

Je tends lentement mon bras vers sa bouche et pose mon index dessus. Il ne bronche pas. J'appuie donc brusquement dessus, lui faisant lâcher un petit cri :

- Aïe !

- Tu m'as menti.

- Non ! Je te jure que ça ne me faisait pas mal jusqu'à ce que tu appuies dessus.

Je regarde le doigt qui a touché sa cicatrice et dis :

- Elle donne une sensation étrange au toucher, mais ce n'est pas désagréable. . .

Il rit doucement et murmure, pensif :

- Une sensation étrange, mais pas désagréable. . . C'est exactement de cette façon que je qualifierai la sensation que tu me donnes. . .

Je sens mes yeux s'écarquiller et mes joues s'empourprer. Je sens ma pulsion remonter et me mords pour tenter de la contrer. Quand il voit le sang qui coule le long de ma bouche, il pose son pouce dessus pour l'essuyer en me demandant :

- Qu'est-ce qui te prend ?

- Je sais maintenant pourquoi j'ai envie de te mordre. Je veux inconsciemment te garder à mes côtés pour toujours, parce que. . .

- Parce que. . ?

- Parce que je crains que mes sentiments ne soient pas réciproques ! finis-je en fermant les yeux.

Il pose sa main sur ma joue en me rassurant :

- Tu n'as aucune raison de le craindre. . .

Je rouvre doucement les yeux pour les plonger dans son regard bleu.

- Il faut être vraiment fou pour être ami avec une créature se nourrissant des membres de sa propre race, mais encore plus pour l'aimer. . . lâché-je.

- Je veux bien être fou, si cette créature est toi, rétorque-t-il avec un sourire amusé en se penchant sur moi. Je ferme les yeux. . . lorsque la stridulation d'Aracnée me parvient : l'inconnu est revenu !

Je souffle à mon compagnon :

- Cache-toi vite ! Il est de retour !

Ce dernier éteint précipitamment sa lampe de torche et se jette sous le lit. Je lui confie mon sac, dans lequel se cache encore Lamain, et me change de mon côté en chauve-souris pour aller me pendre tête en-bas au lustre.

J'entends bientôt des pas provenir du rez-de-chaussée. Quelques secondes plus tard, les marches de l'escalier grincent. Ce qui est étrange, c'est qu'on dirait que ce ne sont pas deux, mais quatre pieds, qui approchent, soit deux personnes.

Je retiens mon souffle. Les pas s'immobilisent pendant un court instant, puis reprennent, mais cette fois, ce n'est plus qu'une seule personne qui marche. Quelques secondes plus tard, je vois apparaître l'homme au masque sur le seuil. Il jette un coup d'oeil circulaire à la chambre et, en me remarquant, s'immobilise.

Il approche et tend sa main vers moi. Je prends mon envol pour aller me poser sur l'armoire. Il me regarde faire et laisse échapper un rire, déformé par le métal :

- Ha ha ha ha ha ! Tu as raison de fuir. . . Tu pensais que je me laisserai tromper par ton apparence animale ? Je suis Némésis et je connais tous les secrets de cet endroit.

Je reprends forme humaine et me laisse tomber au sol.

- Tu vas donc pouvoir me livrer les tiens, déclaré-je en sortant les griffes.

- Tu peux m'attaquer si tu le souhaites, mais chaque entaille sur ma peau est une entaille sur celle de ton amie. . . et de ta soeur, jeune homme caché sous le lit, dit-il en tendant son bras dans le couloir pour ramener contre lui l'adolescente et lui poser un couteau sur la gorge.

Mes yeus rouges s'écarquillent et la tête de Célestin sort de sous le lit.

- Elsa ! s'exclame-t-il en se relevant.

- Je me dois te remercier, Célestin. Tu m'as grandement facilité la tâche en laissant ta cadette seule à la maison. Tu pensais la protéger en ne l'emmenant pas avec toi, mais ne t'a-t-on jamais appris qu'il ne fallait jamais laisser une enfant seule à la maison ?

- Je ne suis pas une gamine ! rétorque la jeune fille.

- Tu es toute aussi impuissante qu'une enfant. L'âge ne fait aucune différence.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui demande l'adolescent.

Il est résigné à capituler pour sauver sa soeur, mais j'ai encore d'autres canines à planter. . .

J'agite mes doigts comme si j'étais nerveuse face à cette situation, mais je sais que quelqu'un dans cette chambre comprend ces signes. . . Lamain sort en silence de sous le lit et grimpe le long des jambes de l'adolescente pour atteindre ses liens, qu'il commence à défaire. Pendant ce temps, notre ennemi répond :

- Il faut laver l'affront subi et rétablir la justice. Les coupables paieront. Les bourreaux doivent devenir les victimes.

- Tu veux qu'on devienne des harceleurs pour ton compte ? !

- Tu as pu constater que je suis doué pour me faufiler là où je le souhaite sans me faire remarquer. Si tu oses me désobéir ou te mettre en travers de mon chemin une nouvelle fois, je me servirais de ce talent pour faire disparaître définitivement ta soeur. Est-ce bien clair ?

Lamain laisse tomber la corde sur le plancher et grimpe le long du dos de la jeune fille pour attraper violemment la main armée et la tordre de toutes ses forces. J'entends les os de notre ennemi craquer tandis qu'il lâche un hurlement de douleur.

Elsa en profte pour récupérer son sauveur et courir vers nous. Célestin la prend dans ses bras et la serre contre lui. Je ne perds pas de temps : je me jette sur l'homme et le plaque au sol, mais au moment où je m'apprête à lui retirer son masque, il sort de sa poche une gousse d'ail et la tend vers moi. Je bondis à l'autre bout de la chambre et il en profite pour prendre la fuite.

Je l'écoute s'éloigner en courant lorsque je vois Aracnée faire son entrée et marcher jusqu'à moi. Je la prends dans mes mains et la félicite :

- Bien joué. Tu as accompli ton rôle à la perfection. Tu auras droit à une double ration d'insectes quand on rentrera.

Pour toute réponse, elle se frotte affectueusement contre moi.

- J'aimerai aussi récompenser cette brave petite main pour son acte héroïque, me confie Elsa. Qu'est-ce qu'il aime ?

- Il aime les séances de manucure. Je t'en avais déjà parlé, tu te souviens ?

- C'est donc lui. . . Je t'organiserai la meilleure de toutes les séances de manucure quand cette histoire sera enfin finie ! lui promet-elle.

- Rentrons pour le moment, décide Célestin.

- Attends. C'est notre chance d'enfin fouiller un peu.

Sur ces mots, je me dirige vers le bureau, mais je constate aussitôt :

- Il a retiré les preuves.

- Comment le sais-tu ? Tu n'avais jamais regardé sur le bureau autrefois. . . s'étonne Elsa.

- Ces carrés clairs sur le bois indiquent que des choses étaient posées là récemment. Il les a forcément retirées la veille, quand nous sommes partis. . .

- Comment allons-nous faire, maintenant ? me demande la jeune fille, dépitée.

- Commençons par rentrer. Je vous raccompagne.

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