Vengeance fraternelle

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Nous arrivons devant le bâtiment où loge Félicien. Célestin pose une main sur l'épaule de sa soeur en la rassurant :

- Nous serons juste à côté.

Elle acquiesce en souriant, prend une grande inspiration, puis appuie sur les boutons de l'interphone. Nous en profitons pour contourner le bâtiment afin d'accéder aux chambres. Quelques secondes plus tard, nous entendons la voix du jeune homme répondre :

- Oui ?

- Félicien. . . commence la jeune blonde.

- Elsa ? Qu'est-ce que tu fais ici à une heure pareille ? Je pensais que tu étais rentrée. . .

- Je. . . J'aimerai te parler, s'il te plait.

- Bien sûr ! Entre ! Je t'attends au second étage.

Nous entendons le grincement de la porte d'entrée, puis le claquement qu'elle fait en se refermant.

- C'est à nous, dis-je à Célestin.

Je déloge Aracnée de mon épaule pour la poser sur celle de l'adolescent, qui se crispe d'abord un peu, mais se détend rapidement en constatant que la créature est sage comme un cadavre.

Je me change ensuite en chauve-souris pour voler jusqu'au rebord de la fenêtre et reprends ma forme humaine afin de sortir une corde de mon sac, que je lance à mon ami. Il s'aggripe à celle-ci et je le hisse sans difficulté jusqu'à moi.

- Qu'allons-nous faire maintenant ? me chuchote-t-il. La fenêtre est fermée et elle n'a pas de serrure à crocheter.

Je sors mes griffes en silence et introduis l'une d'elles entre le verre et le cadre pour faire levier et soulever le verre hors du support. Je le porte ensuite délicatement et fais signe à mon compagnon d'entrer en premier. Il s'exécute en déclarant :

- Je suis curieux de savoir où tu as appris tout ça. . .

- La curiosité est un vilain défaut, rétorqué-je.

Je saute dans la chambre à sa suite et remets le verre à sa place. Je me dirige vers l'armoire et l'ouvre. Je regarde entre chaque vêtement et trouve bientôt un masque entre deux T-shirts. . .

- C'est. . . commencé-je en chuchotant.

- Léo. . . murmure Célestin.

- Comment ? fais-je en me tournant vers lui. Qu'est-ce que tu racontes ?

Il se tient debout face au lit et semble fixer quelque chose. Je le rejoins sur la pointe des pieds et regarde par-dessus son épaule pour découvrir qu'il tient un cadre entre les mains. Un cadre représentant deux garçons côte-à-côte, se tenant mutuellement par les épaules. Ils sourient de toutes leurs dents. L'un d'eux est bien Léo, que je reconnais grâce à la photographie que j'ai vu dans sa chambre. L'autre ne m'est pas non plus inconnu. En fait, je l'ai reconnu bien plus vite que le premier :

- Félicien. . . lâché-je.

L'adolescent hoche lentement la tête. En jetant un coup d'oeil sur le lit, je remarque d'autres cadres représentant les deux garçons ensemble, dans différentes étapes de leurs vies. Il y en a même où ils sont encore enfants.

- On dirait qu'ils sont proches. . . remarqué-je. Cela pourrait expliquer la motivation de notre coupable : venger cet être cher. Voilà pourquoi il a pris comme surnom le nom de la déesse de la vengeance.

- Ils sont frères. . . dit Célestin.

- Comment peux-tu le savoir ?

- Nous savons tous que Léo a un aîné. Il en parlait souvent à ceux qui voulaient bien l'écouter, mais aucun de nous ne l'avait encore vu. . .

- Pourquoi ?

- Léo n'est pas né dans ce village. Il a emménagé ici l'an dernier seulement. Il n'avait donc aucun ami et c'est sans doute pour cette raison que certains ont commencé à harceler cet étranger. . . Ça ne les excuse pas bien sûr, mais ça explique qu'il ait été une cible facile. . . Félicien, en revanche, n'avait pas emménagé avec la famille. Il était resté à Paris pour ses études à l'université.

- Félicien est majeur ?

- Oui. Il doit avoir quelques années de plus que nous seulement, mais entre un adolescent et un jeune adulte, il est souvent difficile de faire la différence en ce qui concerne l'apparence. . .

- Je me souviens m'être fait la remarque que Félicien semblait être parmi les lycéens les plus âgés quand je l'ai rencontré, mais je pensais que c'était simplement une question d'apparence ou de redoublement. . .

- Moi aussi, m'avoue-t-il.

- En tout cas, nous avons là toutes les preuves nécessaires pour le faire condamner.

- D'ailleurs, j'ai trouvé ton discours de tout à l'heure perturbant. Tu parlais un coup de le faire arrêter et un autre coup de le tuer. C'est paradoxal. J'ai du mal à saisir tes intentions à ton égard. . .

- Et bien. . . Disons que ma raison me dit de le faire arrêter et que mon coeur m'ordonne de transpercer le sien.

- Tu serais prête à tuer aussi facilement quelqu'un qui était ton ami quelques heures auparavant seulement ?

- Il n'a jamais été notre ami. Il nous a fait croire cela pour se servir de nous.

Célestin baisse la tête avec un air triste. Je poursuis :

- Cependant, je le comprends. J'aurais aussi été prête à tout pour venger un membre de ma famille. Je me demande donc si nous avons le droit de le blâmer pour cela. . . Peut-être devrions-nous simplement discuter avec lui et tenter de trouver une meilleure solution. . .

- Je suis d'accord pour qu'on lui parle.

Je remets le masque à sa place et glisse les téléphones des victimes à côté, puis referme l'armoir et demande :

- En fait. . . Qu'est devenu le reste de la famille de Léo ?

- Il n'avait emménagé ici qu'avec ses parents. Quand ils ont découvert le corps de leur fils, ils ont quitté le village. Nous n'avons plus de nouvelles d'eux depuis.

- Vous êtes une véritable famille de souverains des ragots, commenté-je simplement.

Il laisse échapper un petit rire nerveux pendant que je colle mon oreille à la porte pour écouter ce qui se passe de l'autre côté de l'appartement.

Un silence pesant est tout ce qui me parvient et je comprends aussitôt que quelque chose cloche : je devrais les entendre discuter.

- Aracnée, appelé-je.

L'araignée descend de l'épaule de mon ami pour me rejoindre. Je lui ordonne :

- Va voir ce qui se passe.

Elle se glisse sous la porte et nous attendons en silence son retour. Elle revient quelques secondes plus tard et commence une série précipitée de stridulations. Je l'arrête :

- Calme-toi. Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce que tu as vu ?

Elle me répond en une phrase et mes yeux s'écarquillent sous l'effet du choc. Célestin s'enquiert aussitôt :

- Est-ce que ça va ? Tu as subitement pris des couleurs. . . Qu'est-ce que t'a dit Aracnée ?

La seule chose que je peux répondre est :

- Elsa a fait quoi ?

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