Les véritables responsables

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Je marche à pas de loup-garou jusqu'au salon et glisse lentement ma tête dans l'entrebaillement de la porte, imitée par Célestin et Aracnée. Nous ne pouvons alors que constater ce que mon araignée nous a rapporté : la jeune fille est dans les bras de notre ennemi.

Nos regards ne tardent pas à se croiser et elle nous adresse un petit sourire gêné, puis articule ces quelques mots en silence :

- Est-ce que la police a été appelée ? Je peux cesser ma distraction ?

Nous poussons tous les trois un soupir de soulagement et je m'apprête à faire mon entrée dans le salon lorsque je suis interrompue par Félicien :

- Seulement. . . Je sais bien que c'est faux, déclare-t-il en sortant un couteau de sous sa manche pour le placer sous la gorge de l'adolescente. Celle-ci n'a même pas le temps de crier : Lamain sort de sous son manteau pour aggriper la gorge de son agresseur et serrer dessus. Ce dernier le frappe par réflexe avec la lame, lui entaillant la peau et le faisant tomber au sol dans son propre sang.

- Lamain ! m'exclamé-je en me précipitant à ses côtés, tandis que Célestin court en direction de sa soeur pour l'aider à se relever.

Félicien se met lentement debout et nous scrute tous un à un. Il s'arrête un instant sur Elsa pour lui dire :

- Tu as réellment cru que j'allais avaler cette histoire ? Je sais bien que tu n'approuves pas ce que je fais. Tu l'as déjà affirmé à plusieurs reprises sous mes oreilles. Tu ne cesses de répéter qu'il ne faut surtout pas alimenter le cycle de la haine et de la violence. Comment pourrais-tu comprendre et vouloir aider quelqu'un qui fait exactement le contraire ? Je te crois quand tu me dis que tu me trouves courageux, mais il semblerait que tu m'ais aussi trouvé stupide à tort. Quelle déception. . .

Je retire le ruban noir qui attache mes cheveux pour bander la blessure de mon domestique préféré en le prévenant :

- Tu as intérêt à survivre, tu m'entends ? ! Parce que si tu meurs, je te te tue !

Aracnée approche lentement et touche doucement l'un de ses doigts avec sa patte velue. Le jeune blond jette un coup d'oeil au blessé et ricane :

- On dirait bien que je n'y suis pas allé de main morte avec lui, ha ha ha !

Je lui lance un regard assassin et me jette sur lui en hurlant :

- Je vais te tuer !

- Arrête, Aurore ! m'ordonne le jeune homme aux cheveux blancs en passant ses bras autour de moi pour me tirer vers lui. Nous devions simplement lui parler, tu te souviens ? !

- Pourquoi accepterais-je d'écouter quelqu'un prêt à tuer mes amis et ma famille ? !

- Parce qu'il est actuellement consumé par la même haine qui te pousse à l'attaquer maintenant !

Je me fige en entendant ces mots. C'est vrai. . . Nous ne sommes pas différents, lui et moi : nous sommes prêts à tout pour nos proches. J'aurais même fait bien pire à sa place. . . Je prends une grande inspiration pour me calmer et m'écarte de lui.

Il se redresse en silence et Célestin l'informe :

- Nous voulons parler tranquillement. Est-ce que c'est possible ?

- Faîtes, se contente-t-il de dire.

- Nous savons tout. Léo était ton frangin. Quand tu as appris sa mort, tu es venu t'installer ici en te faisant passer pour un lycéen. Tu as repéré ses bourreaux et tu as poussé leurs camarades à les harceler pour qu'ils subissent exactement la même souffrance que ce pauvre garçon. . .

- J'imagine que tu ne comptais t'arrêter qu'une fois qu'ils se seraient tous suicidés, ajouté-je.

- Je t'ai toujours trouvé brillammment intelligente et je ne me suis jamais trompé, se contente-t-il de remarquer.

- Est-ce que tu te rends compte qu'en faisant ça, tu as impliqué des innocents ? lui demande Elsa. Tu les as harcelés pour les pousser à faire du mal autour d'eux.

- Oui, mais je vous arrête tout de suite : je ne suis pour rien dans leurs disparitions. Je ne sais pas ce qui leur est arrivé.

- Évidemment, puisque c'est moi qui les ai tués.

Il me lance un regard surpris :

- Quoi ? ! Tu les as tués alors que tu es éprise de justice ?

- Je pensais au début qu'ils harcelaient les bourreaux de Léo de leur plein gré et il fallait bien que je me nourrisse. Je me suis donc dit que je ferai d'une pierre deux coups en m'abreuvant de leur sang et en débarrassant le monde de personnes odieuses, mais lorsque j'ai réalisé que je m'étais trompée sur leur compte, j'ai décidé de leur rendre justice en retrouvant le véritable responsable.

- Qu'est-ce que tu attends pour leur rendre justice alors ? me demande-t-il sur un ton de défi.

- J'avais pensé à te faire porter le chapeau de tous leurs malheurs, même leur mort, mais ce ne serait pas leur rendre justice que de me dédouaner de mes responsabilités et de mentir aux autorités. J'ai aussi commis un crime en tuant des innocents, même si c'était pour me nourrir. Je jure de mener une enquête plus approfondie sur chacune de mes cibles, désormais, afin de m'assurer que je débarrasse bien le monde d'un criminel et que je ne lui arrache pas un innocent, mais en attendant. . . J'ai un marché à te proposer.

- Je t'écoute. . .

- Il est certain que les bourreaux de Léo sont des ordures qui ont profité du fait qu'il était encore nouveau et sans amis pour le blesser sans autre raison que de s'amuser à ses dépends. Tout le monde est-il d'accord avec cela ?

Chacun acquiesce lentement.

- Cela fait un moment que je n'ai plus chassé et je meurs de faim. Je te propose donc de faire de ces monstres mes prochains repas. Nous vengerons ainsi Léo comme tu le souhaites et tu n'auras plus à faire de mal à personne.

- Comment comptes-tu rendre justice à ceux que j'ai harcelé de cette façon ?

- Ce sont les harcleurs de Léo qui ont déclenché toute cette tradégie. S'ils ne l'avaient pas harcelé, il ne se serait pas suicidé, tu n'aurais pas harcelé ces gens pour le venger, ils n'auraient pas harcelé à leur tour les bourreaux de ton frère et je ne les aurais pas tué. Je disais que je ne voulais pas me dédouaner de mes responsabilités et il est vrai que je ne suis pas innocente, mais plus je réfléchis, plus je me dis que les véritables responsables sont eux. Tout ce qui est arrivé est la conséquence de leur acte. Voilà pourquoi il faut toujours réfléchir à deux fois avant d'entreprendre quoi que ce soit. Chacune de nos actions, même les plus minimes, ont un impact sur quelqu'un ou quelque chose.

- Et ensuite ? Que se passera-t-il une fois qu'ils seront morts ?

- Tu pourras enfin tourner la page et tu devrais retourner à Paris pour tes études, si tu veux mon avis. Alors ? Cette solution te convient-elle ?

Il réflechit en silence pendant quelques secondes, fixant le sol sans bouger, puis il plonge son regard doré dans le mien pour répondre :

- J'ai juré que je ne m'arrêterai qu'une fois qu'ils seront morts et je n'ai qu'une seule parole.

- Bien. D'ici la fin de la semaine prochaine, ils finiront tous dans les poubelles de mes cuisines.

- Que se passera-t-il si leurs proches décident de les venger à leur tour ? me demande Elsa. Nous ne ferions qu'aggraver les choses en les tuant !

- Tout d'abord, je les tuerai. Ensuite, s'ils ne découvrent jamais ce qui est leur advenu, ni qui est responsable de leurs disparitions, ils n'auront aucun moyen de se venger et la boucle sera brisée, comme tu le souhaites. Finalement, cette solution est celle qui arrange le mieux tout le monde.

C'est alors que me parviennent les stridulations de joie d'Aracnée. Je me retourne rapidement pour découvrir que Lamain tient son pouce en l'air, comme pour signifer à la fois qu'il va bien et qu'il est d'accord avec moi.

Je me jette à genoux et le prends dans mes mains en ouvrant la bouche, mais aucun son n'en sort. La seule chose que je peux faire est sourire plus largement que je ne l'ai jamais fait jusque là. Je suis bientôt rejointe par Célestin et sa soeur, qui poussent des exclamations de joie. Celle-ci se permet même d'arracher le domestique de mes mains pour le serrer contre elle en s'exclamant :

- Je te promets une séance de manucure pour te remercier, mon héros !

Elle dépose ensuite un baiser sur sa paume et le serre contre son coeur, tandis que son aîné éclate de rire. Tout ce boucan ne m'empêche pas d'entendre le soupir de soulagement de Félicien.

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