Chapitre 32 - Terra- La résolution de Jack

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Monde 2 : Terra

La résolution de Jack

Jack est dans l'avion. Il pense à elle. À sa femme... enfin, à sa future ex-femme.

  C’est un choix voulu, décisif : Émelie ne lui apportait plus rien. Pourtant, il n’accepte pas qu’elle soit partie si rapidement après l’annonce du divorce. Cela cache forcément quelque chose. Ses mains blanchissent à force de serrer les accoudoirs de son siège. Elle n’est tout de même pas déjà dans les bras d’un autre ? L’idée le ronge. Si c'était le cas, cela voudrait dire qu’elle le trompait depuis longtemps. Sinon, pourquoi s'en irait-elle aussi vite ?

  Une fois arrivé en Australie, Jack l’observe. Il la suit sans relâche, caché dans l’ombre des palmiers lorsqu’elle court, fondu dans la foule lorsqu’elle se promène au marché, tapi au fond des restaurants lorsqu’elle dîne. Il guette. Il attend. Il refuse d’accepter son départ. Jour après jour, il veille devant sa maison.

  Le vent hurle, la pluie fouette le sol, la tempête fait rage, mais Jack reste là, sous l'averse, immobile, le regard fixé sur ces fenêtres closes. Dissimulé, une heure, deux heures, puis Jack rentre trempé à son hôtel.

  Le lendemain matin, il est à nouveau posté à l’affût et, quand il entend le moteur des volets, son cœur s'emballe. Au fur et à mesure de l’ouverture, de sa cachette, il voit apparaître les pieds d’Émelie, ses jambes fines et galbées, son bassin moulé dans un shorty rose, puis son ventre nu, son top épousant sa poitrine, ses épaules, et enfin, le store dévoile son visage...

  Et là, Jack se fige. Les iris ambrés d’Émelie se fixent sur lui. Leurs regards se croisent. Les yeux de son ex-femme s’agrandissent, la peur s’insinuant. Aussitôt, elle referme les volets.

  À l’abri, dans l’ombre, l'a-t-elle remarqué ? Reconnu ? Pris de panique, il sort de son repère le plus discrètement possible et retourne à sa voiture, garée quelques rues plus loin, gardant toujours un visuel sur la maison. Il s'assoit dans son véhicule, Jack crispe ses mains sur le volant, et tente de reprendre ses esprits. Il est à bout. Il doit lui parler. Il doit savoir.

  Pourtant, il hésite. Après tout, ils sont officiellement séparés. De quel droit pourrait-il intervenir ?

  Ses pensées s'interrompent brutalement lorsqu’il aperçoit un blondinet au look de surfeur, frapper à la porte de son ex. Émelie vêtue d’un legging et d’un gilet, lui ouvre.

  Elle s’est changée.

  Elle l’invite.

  Jack blêmit.

  Il sort précipitamment de son véhicule, se faufilant vers sa cachette. Son rythme cardiaque s’accélère. Mais de quel droit ce type entre chez elle ? Son souffle se coupe, une rage sourde montée en lui. Il doit savoir, coûte que coûte.

  Tapis derrière un buisson épais, il la fixe, silencieux, le cœur battant à en étouffer. Le moindre bruit, le moindre mouvement…, il est prêt à tout.

  Ils sont dehors dans le jardin. Elle rit, sourit à cet homme. Émelie dépose un plateau sur la table de la terrasse, puis avance, une tasse à la main. Elle ne fait même plus attention où elle met les pieds, hypnotisée par ce bellâtre. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir de plus que lui ?

  De là où il est caché, il anticipe le mouvement. Un frisson glacé parcourt son échine.

  Sans surprise, elle trébuche, sur un chien qu’elle n’a pas remarqué, allongé sur le chemin.

  Le jardinier, avec une rapidité d’athlète, la rattrape juste avant qu’elle ne tombe.

  Elle reste là, collée contre lui, son corps contre son torse.
  Cet instant dure bien trop longtemps. Une éternité, qu’il n'arrive pas à supporter.
  La voir, là, dans ses bras, si naturelle, si à l’aise, contre un autre homme... cela lui fait l’effet d’un coup de poignard. Ses poils se hérissent, son estomac se tord. C’en est trop.

  Jack s’élance vers l’entrée, prêt à en découdre, les poings serrés, sa mâchoire crispée. La main suspendue sur le point de cogner contre la porte, quand un rire cristallin interrompt sa lancée. Il reconnait cette tonalité. Il ne l'a pas entendu depuis... Il lève la tête, regarde à travers la lucarne au-dessus, et ce qu’il voit le glace.

  Tous les deux sont de retour dans le salon. Les joues rosies, les yeux plissés, elle rit, d’un son léger et pur. Des éclats scintillent dans ses pupilles, son sourire illumine son visage, et cette petite fossette…

  Celle qu’il avait oubliée... Parce qu’elle n'avait pas réapparu depuis... il ne sait même plus quand.

  Un frisson lui traverse l’échine. C'est ainsi qu'il se rappelle.

  La première fois qu'il l’a vue, à la fac. Les bons moments passés avec elle, sa gaieté naturelle, son insouciance, ses cheveux flottant dans le vent.

  Elle était vivante. Elle était à lui. Ils étaient comblés.

   Comment en sont-ils arrivés là ? Jour après jour sans s’en rendre compte, la femme qu’il avait chérie se fanait sous ses yeux, emportant petit à petit son amour, faisant grandir son indifférence envers elle. Il n’avait pas remarqué l’évolution. En était-il responsable ?

  Cependant, à cet instant, devant cette maison, Jack réalise l’évidence : avec lui, elle n’était plus heureuse. Là, ici, elle l’est.

  Que doit-il faire ? Entrez et interrompt ce moment ? La laisser faire sa vie ? De toute façon de quel droit a t'il pour agir ainsi ? Il est censé ne plus la voir.

  Les pensées confuses, il fait demi-tour. Dos à la porte, il marque une pause, entend la mère de ses enfants parler avec cet homme, puis les épaules basses, il retourne lentement à sa voiture. Son cœur cogne douloureusement.

  Il l’avait aimée. Il l’avait trompée. Et maintenant, il ne sait plus...

Mais au fond de lui, quelque chose grince. Ce n’est plus de l’amour. C’est autre chose. Une obsession malade, qui lui colle à la peau, une ombre qui grandit à chaque pas qu’il fait vers elle. Il le sent, sans vouloir l’admettre : il n’est pas là pour comprendre, mais pour contrôler. Et ça, il ne l’aurait jamais cru de lui-même.

  Il saisit de son vide-poche un calepin sur lequel, il rédige un mot bref. Il le plit en deux, et le dépose dans la boîte aux lettres. Il contemple une dernière fois le lieu où vit Émelie... et sans une larme il rejoint son véhicule.

  Dans ses pensées, tête baissée, il traverse la route sans regarder, manquant de se faire percuter par un taxi.

  Jack réagit à peine. Il fixe le conducteur et reconnait Justin.

  Un frisson d’angoisse l'envahit.

  Si Justin est là, il serait démasqué.

  Sans perdre un instant, il met sa main pour dissimuler son visage, et court vers sa voiture pour démarrer en trombe la seconde qui suit.

  Derrière lui, le taxi s’arrête devant la maison d’Émelie.

  De retour à sa chambre d'hôtel, Jack s'effondre sur son lit.

  Il revoit, encore et encore la scène du matin. Émelie . Son shorty rose. Son rire éclatant.

  Le cœur lourd.

  Il ferme les yeux.

  Il n’a pas réussi à la rendre heureuse. Ne sachant peut-être jamais comment la laisser partir.

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