Une valse endiablée

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Une fois le document signé, il le fait disparaître dans un nouveau tourbillon de flammes et appuie sur mes épaules pour me rasseoir, en disant :

- Et si nous profitions du repas ?

Nous entammons le festin. Quand nous terminons, quelques minutes plus tard, mon hôte et nouveau patron me demande :

- Alors ? Comment l'as-tu trouvé ?

- Je dois avouer que je n'ai jamais rien mangé d'aussi délicieux, mais les quantités me semblent extravagantes. Nous n'avons même pas mangé la moitié des aliments. . .

- Ne t'en fais pas. Mes domestiques prendront leur part au moment de débarrasser et puis le gaspillage, comme tout ce qui est interdit par Dieu, me plaît énormément. Sais-tu ce que disent les musulmans ?

- Que disent-ils ?

- "Les gaspilleurs sont les frères des démons", cite-t-il. Je déteste l'idée qu'un misérable humain puisse être considéré comme notre égal, mais dans l'idée, ils n'ont pas vraiment tort. Ça nous fait un point commun.

- Les humains sont donc inférieurs aux démons, selon vous.

- Bien évidemment ! C'est dans nos essences mêmes. Dieu nous a tous créés à partir d'un élément différent. Sais-tu de quoi vous êtes faits, vous, les humains ?

- Nous sommes composés à 65% d'eau selon les études scientifiques. C'est peut-être ça.

- Erreur. Vous êtes créés à base d'argile. Maintenant que je le dis, je comprends mieux pourquoi vous êtes aussi influençables. Vous êtes comme votre élément : faciles à modeler et manipuler.

- Bien, dis-je en fronçant les sourcils, tout en m'efforçant de ne pas relever ses piques. Quel est votre élément ?

- Les démons sont faits de feu. Comprends-tu maintenant pourquoi nous vous sommes naturellement supérieurs ? Le feu brûle l'argile. Il peut le détruire en quelques secondes alors que ce dernier n'a aucun pouvoir sur notre élément, déclare-t-il avec force et conviction, presque rage.

- Ça va, j'ai compris, pas besoin de vous énerver.

- Oh. . . Excuse-moi. Cette discussion a fait remonter en moi de mauvais souvenirs. . . Quoiqu'il en soit, ajoute-t-il en se levant.

Il marche à grands pas dans ma direction et me tend sa main, en me demandant :

- Veux-tu avoir l'honneur de danser avec moi ?

Au même moment, une musique retentit. Je regarde partout autour de moi, mais suis incapable de voir d'où elle vient.

- Allons dans la salle de bal, insiste Lucifer.

- C'est gentil, mais dans cette robe des plus inconfortables, je serai incapable de danser correctement. Je ne sais pas le faire, en plus, surtout si ce sont des danses aussi démodées que vos vêtements.

Je vois ses doigts se crisper un peu, révélant sa vexation, mais il garde une expression souriante en me rassurant :

- Je te promets que tu t'en sortiras à merveille avec un cavalier comme moi.

Sur ces mots, il prend ma main et me conduit jusqu'à sa fameuse salle de bal, encore plus richement décorée que les précédentes : les murs sont presque totalement recouverts d'ornements en or et le plafond, regorgeant de peintures aux couleurs vives, soutient un imposant lustre en cristal.

C'est alors que je remarque un orchestre d'hommes et de femmes aux iris écarlates. C'est de là que vient la musique que j'entends. Je demande :

- C'est ce rouge brillant qui permet de vous distinguer des êtres humains ?

- En effet. C'est l'un des points communs que partagent tous les démons, confirme-t-il en attrapant ma main libre pour la poser sur son épaule.

Il place ensuite une main sur ma taille et m'entraîne dans une valse. Je m'attends à lui marcher sur les pieds, à trébucher, perdre l'équilibre, tomber et peut-être l'entraîner avec moi dans ma chute, mais à ma grande surprise, rien de tout ça ne se produit. Je me sens même presque survoler le sol. Mon étonnement n'échappe pas à Lucifer :

- Je t'avais bien dit que tu t'en sortirais à merveille avec moi.

- Comment faîtes-vous ?

- Je suis plus âgé que tous les démons et les êtres humains existants. Personne n'a pu pratiquer aussi longtemps que moi. Tu ne trouveras donc jamais meilleur cavalier que moi.

- Votre âge explique aussi certainement vos goûts encore plus démodés que ceux de mes grands-parents, le taquiné-je.

J'ai la grande satisfaction de voir son sourire suffisant se muer en une grimace agacée, mais je poursuis :

- D'ailleurs, quel est l'intérêt de m'affubler de cette robe ?

- Ça ? C'était juste pour mon plaisir personnel, avoue-t-il en reprenant cet insolent sourire.

- Oh ! m'indigné-je.

Il éclate de rire, puis dit :

- Je ne suis pas déçu. Elle te va même mieux que je ne l'escomptais. Je te l'offre. Personne ne pourra être plus resplendissante que toi, dedans.

- Il n'est pas nécessaire de faire autant de flatteries, j'ai déjà signé votre pacte, je suis toute à vous.

- Tu sais. . . Le Diable adore mentir, mais il ne le fait pas tout le temps. . .

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