La prophétie

5 minutes de lecture

- Quelle est cette prophétie ?

Nos nez se touchent, me coupant le souffle. J'ai rapproché mon visage du sien sans réfléchir, sous l'impulsion de ma curiosité. Mes joues s'enflamment et mon coeur s'emballe. Lucifer, quant à lui, esquisse un sourire amusé. Il s'approche encore, soufflant son haleine chaude sur mes lèvres.

- La prophétie, lui rappelé-je, l'arrêtant net. Quelle est-elle ?

Il fronce les sourcils et s'écarte à contre-coeur, une moue contrariée sur le visage.

- Tsad et Joshua étaient avec moi quand je l'ai découverte. Je dois avouer que les deux ont contribué à cette révélation. J'avais à l'époque une confiance aveugle en ce dernier, car je pensais qu'il me l'avait suffisamment prouvée par son dévouement. La mine catastrophée de Joshua a cependant éveillé mes soupçons. Quand il nous a quittés pour soit-disant rentrer, j'ai demandé à Tsad de garder un oeil sur lui. Il m'a informé quelques heures plus tard qu'aussitôt sorti, Joshua s'est empressé d'aller prévenir les plus hauts dignitaires de l'ASJ de la prophétie que nous venions de découvrir. Il savait pourtant que je voulais la garder secrète, j'avais bien insisté sur ce point. Je le leur avais même fait promettre, mais il m'a une fois de plus menti. . .

Je sens ses mains trembler de colère et les caresse pour le calmer, tout en lui demandant :

- Pourquoi est-ce que cette prophétie devait rester secrète ?

- Me penses-tu suffisamment stupide pour révéler mon arme secrète au monde ?

- Une arme secrète ? Laquelle ?

- Celle qui nous permettra de prendre notre revanche sur cette méprisable Humanité, me dit-il avec un sourire rêveur en posant son index sous mon menton.

- Qu'est-ce que c'est, enfin ? ! m'impatienté-je en repoussant sa main.

Son regard va de la main que je viens de repousser à moi. Un sourire malicieux étire ensuite ses lèvres et je comprends : il prend plaisir à faire durer le suspens. Je croise donc les bras avec contrariété, tandis qu'il dit :

- Attends. Chaque chose en son temps, veux-tu ? Aussitôt que j'ai appris la trahison de ce misérable démon, j'ai pris la décision de le punir, lui et toute sa petite famille. Je ressentais une certaine admiration pour l'hypocrisie et la sournoiserie dont il avait fait preuve pendant tant de mois. Il était un excellent comédien, ce qui est une qualité non-négligeable dans mon milieu, mais il n'en restait pas moins qu'il m'avait trahi : il n'a accepté d'entrer à mon service que pour m'espionner pour le compte de l'ASJ. Et ça, je ne pouvais pas le lui pardonner, certainement pas.

- Je ne comprends pas : l'ASJ a tenté de le tuer avec sa famille, pourquoi a-t-il continué à les servir ?

- Ce n'était qu'une mascarade destinée à mieux me tromper. Ils n'ont jamais eu l'intention de les tuer. Tout était calculé depuis le début.

Je sens mon coeur se serrer. Lui a aussi a été victime d'une terrible machination destinée à le faire tomber.

- On dirait bien que nous partageons les mêmes souffrances, murmuré-je d'une voix émue en appuyant ma tête contre sa poitrine.

- Oui, à la seule différence que je les supporte bien mieux que la faible humaine que tu es, réplique-t-il avec un sourire moqueur.

- Hé ! m'exclamé-je en lui donnant un coup de pied. J'ai surmonté tout ça à merveille !

- Ha ha ha ! Bien sûr, ironise-t-il. En attendant, sans moi, tu te serais suicidée depuis longtemps.

- Et il semblerait que sans moi, tous vos efforts seraient vains. . .

- C'est vrai, admet-il. Voilà pourquoi j'ai pris grand plaisir à tuer Salomé sous ses yeux horrifiés. Tu aurais dû le voir, hurlant, pleurant et suppliant, alors que je la torturais, tantôt avec mon feu, tantôt avec de l'eau bénite que j'étais parvenu à me procurer, poursuit-il avec un sourire sadique et des yeux brillants de cruauté. Une fois sa femme morte, je l'ai massacré à son tour, pendant que Tsad et quelques autres s'occupaient de leurs serviteurs. Ce n'est que lorsque tous ces gens sont morts que je me suis occupé des deux fillettes. . .

- Vous les avez recueillies ici, le coupé-je. Elles me l'ont raconté. Cette nuit-là est leur souvenir le plus lointain, mais elles n'ont pas conscience de ce qui s'est réellement passé. Voilà pourquoi je veux leur montrer ce parchemin. Je veux leur rendre les souvenirs que vous leur avez volé !

- Pourquoi ?

- C'est la moindre des choses que je puisse faire pour les remercier de leur gentillesse. Elles sont mes deux seuls rayons de soleil depuis que ma vie a basculé. Je tiens à. . .

Je sens les muscles de Lucifer se contracter. En me tournant vers lui, je constate qu'il me fixe avec un air vexé. Je lui demande donc :

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Elles sont tes deux seuls rayons de soleil, hein ? Il me semble que tu oublies celui sans qui tu ne les aurais jamais rencontrées, petite ingrate. . .

Mes yeux verts s'écarquillent et mon coeur s'affole. Lucifer est. . . ? Je plaque ma main sur ma bouche pour tenter de retenir mon rire, en vain.

- Comment oses-tu te moquer de moi ? ! s'énerve-t-il en saisissant fermement mon poignet.

- Oh, non ! Ha ha ha ! Je ne me moque pas de vous, c'est juste que. . . Ha ha ha ha ! Je trouve votre jalousie tout à fait adorable, lui avoué-je avec un coup de coude taquin.

Je sens aussitôt sa prise sur ma main se durcir, tandis qu'il me fait basculer sur le dos. Je me retrouve allongée sur le lit, mon patron penché sur moi. Mes joues s'enflamment à nouveau.

- Tu ne devrais pas me mettre de méchante humeur, me prévient-il dans un murmure. Les conséquences pourraient être. . .

- La prophétie, l'interrompé-je à nouveau. Dîtes-moi ce que c'est.

Il se redresse avec un grognement contrarié :

- Au Diable cette. . .

Il s'interrompt en réalisant ce qu'il vient de dire, alors que j'éclate de rire. Il plaque un oreiller sur mon visage, que je repousse sans cesser de rire. Je constate qu'il s'est rassis bien droitement. Je le rejoins en lui lançant un regard insistant empli de curiosité. Il finit donc par céder :

- Cette prophétie annonce l'arrivée de l'Antéchrist. . .

- Mais c'est déjà écrit dans les livres sacrés depuis. . .

- Vas-tu enfin me laisser finir tranquillement une phrase ?

- C'est bon, c'est bon. . . capitulé-je.

- Bien, reprend-il avec un soupir. S'il est vrai que les livres sacrés annoncent l'arrivée de l'Antéchrist depuis bien longtemps, ils n'expliquaient pas ses origines, contrairement à la prophétie que j'ai trouvée. Pour que l'Antéchrist naisse et puisse mener les Hommes à leur perdition. . .

Il prend ma main et pose la sienne sur ma joue, tout en unissant nos fronts et nos nez, pour mon plus grand plaisir et ma plus grande gêne à la fois.

- . . . il faut que je m'unisse à une humaine.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Ystorienne Histoire ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0