6_Milay
Tout à mon bonheur unilatéral, j’avais tout gâché. Ce fut ma première conclusion lorsqu’un beau jour de printemps Marc m’appela au téléphone. Je venais de finir mes sept heures de stage quotidiennes au sein d’une société de production de courts métrages.
- Il faut que je te voie, annonça-t-il d’une voix autoritaire. Rejoins-moi à l’entrée du jardin du Luxembourg, dans deux heures. »
Le temps d’arriver chez moi et d’échanger mon jean avec une tenue plus appropriée, j’arrivai toute pimpante, les cheveux au vent, habillée d’une petite robe rouge vaporeuse qui m’avantageait merveilleusement ; une appréciation avérée par le regard envieux des passants de tout bord que je croisai sur ma route.
J’aperçus Marc en premier, visiblement contrarié. Lorsqu’il me remarqua à son tour, il essaya d’esquisser un sourire.
Il m’embrassa distraitement, n’émit aucun avis sur ma robe, en dépit de mon application à la mettre en valeur, à travers moult poses. Une tenue qu’il n’avait en outre jamais vue.
« Viens, allons-nous asseoir, » reçus-je en guise d’accueil.
- Que se passe-t-il mon chéri. Ça ne va pas ? Silence.
- Alors ? Dis-moi ce qui se passe, je t’en prie.
Silence.
L’angoisse commençait à m’empoigner. Simultanément, je notai que mon amoureux ne me prenait pas la main comme à l’accoutumée. Il m’indiqua plutôt le premier banc libre.
Nous nous assîmes. Instinctivement, ma main tentait de s’accrocher à un bras désespérément indolent.
Je devinai le drame. Marc eut l’affront d’omettre un réflexe devenu rituel au fil de nos rendez-vous. Au-delà de deux jours sans se voir, il me fixait toujours comme une pizza après le marathon de Paris.
Au terme d’un long soupir, il déballa d’une traite, à la manière d’un automate : « Écoute, je veux arrêter. J’ai beau faire ce que j’ai pu, nous ne sommes pas en phase. Je ne dis pas que c’est de ta faute, c’est comme ça, c’est tout. Nous n’avons pas les mêmes amis, nous ne fréquentons pas les mêmes milieux… Bla bla bla bla bla …centres d’intérêts divergents. Et puis on se dispute tout le temps… »
Pendant qu’il accoucha de son interminable logorrhée, je le regardai bêtement à l’instar d’une vache contemplant un train passer. Je n’arrivais pas à tout entendre. Mais je saisis l’essentiel. C’était fini.
L’horizon s’embua. Le temps s’arrêta, les oiseaux cessèrent de chanter. Un nuage vint de surcroît éclipser le soleil. La pluie tomba du coin de mon œil.
Bien que je fus déterminée à ne rien laisser transparaître, les larmes me trahirent. Marc, embarrassé, de sa conduite ou de la mienne, je ne sus trop le dire, essaya de m’apaiser. N’y arrivant pas, excédé, il prétexta le retour au travail. A dix-neuf heures. J’essayai de le retenir, lui implorant de changer, de lui laisser plus de liberté et moins de ce qu’il avait pu me reprocher mais dont je ne connaissais précisément la teneur. Je menaçais même de le suivre, là tout de suite, n’importe où.
Pris de panique, ce dernier m’observa, cette fois avec un dédain qui stoppa net mon élan. Ce qui ne l’empêcha guère de prendre les jambes à son cou et de héler le premier taxi qui vint à sa rencontre.
Lorsque je sortis du parc, une demi-heure plus tard, je pris la décision, combien éphémère, de tirer un trait sur l’homme qui venait de me quitter. Je n’avais rien à me reprocher me consolai-je. Le plus à plaindre c’était Marc qui venait de quitter la femme de sa vie. Celle prête à tout pour lui rendre l’existence douce. Tant pis pour lui.
Je scellai cette résolution en décidant de me distraire un peu. Je me rendis donc à pied au forum des Halles.
Au centre commercial, mon temps s’employait à moins admirer la nouvelle collection d’été pourtant aguichée par les diverses boutiques de vêtements qu’à errer au gré du flux de la foule. L’appel des bikinis hauts en couleur arborant les vitrines n’arrivait pas à m’égayer. Non, le cœur n’y était pas.
Au bout d’une heure, sentant la fatigue venir, la tête lourde je pris le métro et rentrai.
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