Chapitre 18

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Valtrum prit son temps et commença à raconter ses entrevues avec le Druide. Pourquoi lui et pas un autre ? Il faudrait sûrement creuser ce point puisqu’à ce stade, le chirurgien ne semblait avoir aucune caractéristique particulière qui ait pu jouer comme un critère de choix. C’était un peu comme si le Druide avait choisi Valtrum parce qu’il était Valtrum et c’était tout. C’était la raison unique et suffisante.

La première séance avait été courte et s’était résumée à une prise de contact. Le Druide avait tout de même donné quelques indications sur lui. Akos qui cherchait à savoir quelle était leur espérance de vie eut un élément de réponse : le Druide avait indiqué avoir beaucoup voyagé et vécu un grand nombre d’événements historiques qui tendaient à indiquer qu’il était né, trois à quatre cents ans plutôt. Était-il le seul, le dernier représentant de sa caste ? Aucun élément ne permettait de l’affirmer. La seule chose qui paraissait assez sûre, était qu’à son arrivée sur Paawis, personne ne l’accompagnait.

« Il y a un point que je voudrais éclaircir, Dr Valtrum. Avez-vous demandé à ce Druide pourquoi vous dire ça à vous ?

— Bien sûr mais comme je l’ai dit, pour lui, il fallait que je sache. C’était le point central de sa démarche. Je peux poursuivre ? »

Akos approuva de la main et jeta un œil sur Freya. Celle-ci s’était mise dans l’angle de la table et ne perdait pas une miette des paroles du chirurgien. Étant donné l’apparence de concentration qu’elle donnait, sûrement tentait-elle de mémoriser mentalement la totalité de la discussion. Ne savait-elle pas que tout interrogatoire était enregistré ?

« Notre seconde entrevue a eu lieu trois jours après. Je ne sais comment il a pu obtenir un second rendez-vous, ni les suivants d’ailleurs de manière si rapprochée. Je n’ai pas pris le temps de poser la question au secrétariat. Je ne lui ai pas fait la remarque non plus. D’une part parce qu’évidemment, physiquement, il était impressionnant et je craignais qu’il reçoive mal la remarque. D’autre part, je crois que tout cela m’intriguait. Je vais enfoncer une porte ouverte mais ce n’est pas tous les jours qu’on peut côtoyer un être associé à ce qui pour moi, tient de la légende. »

Cette dernière remarque vint questionner Akos sur son propre rapport au Druide. A aucun moment, il n’avait eu de fascination pour cet être. Il avait pris en compte la particularité de l’enquête comme une circonstance ou une contrainte, mais jamais, il n’avait modifié sa manière de faire parce que la victime était un Druide. Son indifférence lui semblait être salutaire même si le récit du médecin lui démontrait que cela pouvait influer sur le comportement des autres.

« Durant les douze minutes qui ont suivi, il m’a raconté sa version de l’après-guerre jusqu’à nos jours. Chaque fois, il prenait un événement dont on n’avait pas fait publicité et l’associait à un autre, plus connu mais dont le récit officiel était selon lui, falsifié.

— Vous pouvez être plus explicite ?

— La grande Pandémie qui a sévi en Ostereich. On sait bien que son ampleur a été une surprise pour tout le monde mais que les vecteurs de sa propagation ont essentiellement été dus aux conditions sanitaires. On a rattaché ceci à la crise économique majeure qui a touché la quasi-totalité de la population qui n’avait plus d’accès ni à l’eau, ni à l’électricité et je ne parle pas de la nourriture.

— Comment l’expliquait-il alors ?

— Il m’a détaillé toute une série de mesures et de décisions, anodines au premier abord, qui ont désorganisé la totalité des Länders au niveau logistique d’approvisionnement, puis organisé une remontée statistique erronée de ce qui se passait sur le terrain.

— Était-ce crédible ?

— Disons que, si ce qu’il avançait était vérifié, oui. Je n’ai pas relevé d’erreurs dans son raisonnement. Les conclusions étaient sans appel.

— Quel était le résultat ?

— Que la grande Pandémie n’était en réalité qu’une famine organisée sciemment. Elle bénéficiait du relais involontaire mais puissant de personnes pensant agir pour le mieux et qui ne faisaient en réalité qu’aggraver la situation. Cela jusqu’au moment où un effet de seuil a fini par renverser la tendance. Mais les morts ne ressuscitent pas pour autant.

— Doit-on en conclure que notre Druide était un paranoïaque en puissance doublé d’un complotiste ?

— Possible mais je n’irai pas jusqu’à l’affirmer.

— Pourquoi cela ?

— Vous savez, je rencontre beaucoup de gens en situation de détresse au travers de ma profession. Je sais que cette détresse peut générer parfois des situations complexes à soutenir psychologiquement. Cela entraîne dans certains cas des psychoses, des comportements paranoïaques ou des délires de la persécution. Le grand dénominateur commun de tout cela, on l’oublie systématiquement, c’est la peur de la mort. Dans le cas de notre Druide, ce n’était pas le cas. Il est mort aujourd’hui mais ce n’est a priori pas de son fait. Autrement dit, quelle motivation issue de quel traumatisme pourrait expliquer qu’il ait monté tout ce scénario ? Quel intérêt y avait-il ? Je ne suis pas un spécialiste sur la question mais je pense que si on essaie de comprendre ce Druide, il ne faut pas raisonner comme un être humain. »

Akos ne trouva rien à objecter. L’autre point que n’avait pas relevé le médecin était aussi de savoir : pourquoi si ce que disait ce Druide était vrai, le lui confier ? De toute évidence, ce n’était pas ce Valtrum qui allait faire quelque chose de ces informations. La logique aurait voulu que le Druide vise plutôt quelqu’un qui avait accès aux médias ou au moins, capable de relayer.

« Je poursuis ? » demanda le chirurgien

*

L’interrogatoire se termina peu avant midi. Le docteur avait raconté la suite de ses entrevues mais aussi riches d’informations pouvaient-elles être, Akos butait toujours sur le même écueil : pourquoi lui ? Il pouvait retourner la question dans tous les sens : ce type était une impasse.

Il avait besoin de discuter de ce problème avec Ely. Peut-être verrait-elle ce que lui ne voyait pas. Il retourna à son bureau, Freya toujours sur ses talons et envoya un message à Eliya pour l’inviter à déjeuner

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