Chapitre 19

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« J’ai une de ces faims ! » fit Ely, tout sourire, en entrant dans le bureau d’Akos.

Son visage changea d’expression lorsqu’elle vit Freya posée comme une vestale sur un coin du plan de travail.

« On ne vous a pas filé un endroit pour travailler à vous ? » demanda-t-elle d’un ton qui oscillait entre reproche et indignation.

Freya qui semblait être plongée dans ses pensées, se redressa et secoua la tête.

« Vous mangez de votre côté ? poursuivit Eliya.

— Je ne sais pas. »

Le regard d’Ely se tourna vers Akos. Celui-ci qui n’avait pas anticipé la situation, vit qu’elle attendait une réponse de sa part. D’un côté, il aurait bien voulu pouvoir échanger avec elle librement. Il aurait souhaité lui rendre compte de l’audition de Valtrum et aussi parler d’autre chose que l’enquête éventuellement. De l’autre, il trouvait mal venu de laisser l’envoyée de Walmsley à elle-même. Bien sûr, il aurait pu tenter de la renvoyer vers Mason, mais sous quel prétexte ?

Voyant qu’il ne disait rien, Freya se leva et se tourna explicitement vers lui, toujours sans dire un mot, le regardant avec insistance. Akos se pencha pour ranger le dossier qu’il feuilletait depuis quelques minutes, histoire de garder une certaine contenance. Ely allait sûrement lui en vouloir, mais il lui semblait préférable de garder Freya à l’œil tant qu’il ne lui aurait pas trouvé un endroit pour travailler.

« Ely a raison, finit-il par dire. Nous allons manger ensemble mais cette après-midi, il faut qu’on vous trouve un bureau. Je ne vais pas pouvoir continuellement jouer les baby-sitters. »

Il jeta un œil sur Ely. Un léger masque de mécontentement passa sur son visage mais elle finit par arborer un grand sourire lorsqu’elle entendit sa dernière phrase. Elle avait parfois encore les réactions d’une vraie gosse.

*

« Vous ne parlez pas beaucoup, Freya, fit Akos alors qu’ils s’installaient en terrasse du restaurant. Permettez que je vous appelle Freya, je n’ai pas retenu votre nom de famille. Il est presqu’aussi compliqué que le mien alors je vais me simplifier la vie.

— Je n’ai pas de problème avec cela, répondit la jeune femme. C’est généralement ce que les gens font, j’y suis donc habituée.

— Merci. Cela vous épargnera de m’entendre écorcher votre nom. Vous ne vous êtes pas beaucoup exprimée depuis que vous êtes arrivée, je suis assez curieux de savoir ce qu’avec vos connaissances, vous avez tiré de l’interrogatoire du docteur. Vous pourriez me faire une synthèse ? Cela permettra en même temps à Eliya de se mettre à jour sur nos avancées. »

Freya acquiesça et procéda à une restitution très fidèle de l’audition.

« C’est quand même une constante depuis le début de l’enquête, commenta Ely. Chaque fois que nous récupérons des informations sur les agissements de ce Druide, cela nous conduit nulle part. Il ne fait que des choses qui n’ont aucune cohérence entre elles.

— Que voulez-vous dire ? » demanda Freya.

Ely jeta un œil discret vers Akos et celui-ci hocha la tête.

« L’hôpital n’est pas le seul endroit où il s’est rendu. Dans ses affaires, j’avais aussi trouvé une autre adresse. Une résidence située dans un quartier ouvrier. »

Ely fit alors la même synthèse qu’elle avait fait à Akos la veille.

« On dirait vraiment qu’il choisit les gens de manière aléatoire et leur raconte ou leur fait faire des choses qui n’ont pas de sens entre elles.

— Ou dont on n’a tout simplement pas la grille de lecture, dit Freya. Je rejoins l’avis du docteur Valtrum. La temporalité du raisonnement des Druides est différente et les objectifs qu’ils vont chercher à atteindre ne prennent pas cette dimension en compte. Ou du moins, celle-ci prend une moindre place.

— Ce sont des choses que vous avez déjà constatées antérieurement ou bien, c’est juste une hypothèse de votre part ? » interrogea Akos.

Freya marqua un temps d’arrêt et sembla réfléchir à sa réponse.

« Ce sont des éléments qui figuraient déjà dans les études qui ont été faites au sujet des Druides après leur apparition. Cela n’apparaissait pas bien entendu dans les toutes premières, car, à cette époque, tous les Druides étaient à un stade infantile, si je peux le résumé ainsi. Mais cent ou deux cents ans après, en revanche, les scientifiques de l’époque l’avaient noté.

— Donc, vous avez bien eu accès à des données qui ne sont pas publiques, s’exclama Ely. J’ai éclusé, je ne sais combien de bases, sans trouver une seule référence d’étude ou de mémoire. Et quand bien même, j’arrivais à mettre la main sur une entrée dans une bibliographie, la source n’existait plus. »

Freya baissa les yeux.

« La quasi-totalité des documents concernant les Druides sont classifiés.

— Ce n’est pas possible, il y a expiration normalement au bout de cent ans, maximum !

— Excepté ce qui concerne les Druides, répéta Freya. Une loi d’exception a été promulguée.

— Quand ?

— Il y a cinquante ou soixante ans, je crois. »

Ely regarda Akos dans les yeux.

« Ce n’est même pas si vieux que cela. Explique-moi : à quoi sert de classifier des documents qui ont plusieurs siècles, dont on sait que le sujet d’études a disparu ? Et ça, y a cinquante piges ? Il s’est passé quoi à cette époque ? »

Akos ne répondit pas. Le raisonnement d’Ely était parfaitement valide. En revanche, cela ouvrait le champ d’enquête d’une manière assez inimaginable. Cela donnait sérieusement le vertige. Comment allait-il faire pour refermer les portes de toutes les hypothèses qu’ils allaient pouvoir émettre ? N’étaient-ils pas en train de s’égarer ?

Il réfléchit. Intentionnellement ou pas, c’était Freya qui avait ouvert la brèche. Walmsley pouvait-elle trouver un intérêt à ce que l’enquête s’enlise ? C’était elle qui était venue s’informer donc a priori, non. Mais si c’était une tactique ? A la manière d’un prestidigitateur, elle retient l’attention avec une main et elle opère autre chose de l’autre. Cela collait bien au personnage.

« Si nous nous engouffrons sur ce chemin maintenant, commença-t-il, nous n’aurons jamais assez d’une vie pour explorer l’ensemble des possibilités. Nous allons perdre notre temps. Il nous faut autre chose. Un discriminant suffisamment fiable pour nous guider.

— Je veux bien, fit Ely. Mais faudrait savoir ce que c’est !

— On revient à la base.

— C’est-à-dire ?

— On doit retracer l’agenda de notre Druide. Avant même qu’il mette les pieds dans cet hôtel. Avant même qu’il arrive à Paawis. »

Eliya leva les yeux au ciel.

« Et on fait ça comment ?

— On commence par retourner à l’hôtel, dit Akos en faisant signe au serveur. Mais d’abord, on mange. »

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