Chapitre 20

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À la fin du repas, Ely profita de l'absence temporaire de Freya, partie aux toilettes, pour s'adresser à Akos :

« Je ne suis pas sûre d'avoir bien suivi tout à l'heure. Donc, on ne met plus la blondinette dans un bureau ? Qui est "on" ? Juste nous ? Ou nous, avec elle ? »

Akos répondit avec une pointe de moquerie :

« J'ai l'impression que tu n'es pas trop fan de Freya. Je me trompe ? »

Mais l'humour d'Akos ne sembla pas plaire à Ely. Elle répliqua :

« Toi, c'est tout le contraire. Vous pourriez faire une synthèse ? »

Elle imita Akos avec un ton mielleux.

« Hé, rétorqua l'inspecteur en lui donnant un petit coup de coude amical. Je ne sais pas ce que tu as pris au petit déjeuner, mais tu sembles remontée comme un coucou suisse. Comment veux-tu que je fasse ? Depuis ce matin, j’improvise, figure-toi ! Je tente de voir ce qu’elle peut nous apporter en même temps que j’essaie de voir clair dans ses intentions. Pour l’instant, je n’ai pas encore de certitude. D’un côté, j’ai l’impression qu’on l’a envoyé ici sans rien lui dire. D’un autre, je me dis que ce n’est pas possible et qu’elle joue un jeu pour nous endormir.

— Perso, je ne me ferais pas trop d’illusions. Après tout, c'est une fille, donc forcément, elle essaiera de nous berner. » commenta Ely.

Akos répliqua du tac au tac :

« Je parie que si on nous avait envoyé un mec, tu aurais conclu la même chose. »

Ely lança un regard en biais à Akos, puis au bout d'un court silence, elle admit :

« Peut-être. Mais ne change pas de sujet, d'accord ? »

Akos laissa Ely poursuivre, se demandant à quel moment ils étaient devenus comme un vieux couple, prêts à se chamailler pour tout et n'importe quoi. Il finit par confirmer à Ely qu’il comptait laisser Freya à son bureau. Il voulait qu’elle leur établisse une fiche complète sur ce qu’il y avait à savoir sur les Druides. En complément, il demanderait aussi qu’elle fasse le tri dans les informations qu’il avait collectées : d’un côté, les éléments plausibles, de l’autre, ceux qui tenaient du fantasme. Il hésitait à ajouter l’analyse des objets qu’ils avaient trouvés dans les affaires du Druide.

« Pour l’instant, je pense qu’il faut qu’on garde ça pour nous, suggéra Ely. Ce n’est qu’une intuition mais je crois que nous n’avons pas correctement exploité ces indices.

— Justement, tu ne crois pas qu’avec les connaissances qu’elle a, elle pourra déterminer l’usage que comptait en faire le Druide ?

— Je ne pense pas. Une idée a germé dans ma tête, lui confia Ely en voyant que Freya revenait vers eux. Je t’en parlerai tout à l’heure. »

Akos hocha la tête et s’adressant à l’envoyée de Walmsley, il lança :

« Si vous êtes prête, nous allons décoller. »

*

De retour au bureau, Freya sembla assez contrariée d’apprendre qu’elle devait rester au commissariat, mais elle accepta la consigne.

« Je repasserai en fin d’après-midi, dit Akos. Vous pensez que vous aurez terminé ?

— Je ferai en sorte que oui. »

Les autres se mirent en route mais alors qu’ils franchissaient le seuil de l’entrée du bâtiment, Akos arrêta Ely en posant sa main sur son épaule :

« J’allais oublier un truc. Il faut qu’on passe voir Hector.

— Le légiste ? C’est vrai que je n’ai pas vu passer le résultat de l’autopsie.

— Oui. On va aller lui secouer les puces. »

*

L’institut de médecine légale se trouvait à une dizaine de minutes à pied. Il avait été aménagé dans un bâtiment d’époque qui historiquement avait accueilli l’ancienne faculté de Pharmacie de l’Université de Paawis 9.

« C’est autre chose que nos bureaux sans âme, nota Eliya.

— Ce genre d’endroit te plaît ? s’étonna Akos.

— Plutôt oui. Ca fait plus prestigieux, je trouve.

— Moi, cela me fiche plutôt la frousse. »

Akos ignorait d’où cela lui venait mais les bâtiments d’époque ne le rassuraient pas. L’aspect froid de la pierre lui donnait l’impression que ces lieux pouvaient être habités de spectres issus des temps anciens. La grande entrée passée, ils traversèrent un hall vide où un gardien semblait s’ennuyer et dans lequel, chacun de leurs pas partait en mille échos sur les marbres brillants. Ils prirent l’ascenseur pour se rendre au premier sous-sol où le bureau d’Hector se situait.

Ce dernier était en train de dévorer un énorme sandwich qui dégoulinait de sauce quand ils entrèrent.

« Akos ?! s’exclama-t-il en manquant avaler de travers. Qu’est-ce qu tu fais ici ?

— Je viens aux nouvelles. Je n’ai toujours pas reçu le résultat de l’autopsie que tu devais m’envoyer. »

Hector attrapa deux trois feuilles de papier absorbant qui traînaient sur son plan de travail pour s’essuyer la bouche. Il se tourna vers Ely et la considérant d’un œil envieux, la salua d’un signe de tête. Il se frotta nerveusement le nez et attrapa un tas de papiers posés en vrac sur une pile de chemises vacillante.

« J’allais justement le faire. » fit-il en agitant la liasse.

Hector ne changerait jamais. Il aurait toujours un temps de retard, incapable de se conformer aux délais sur lesquels il s’engageait.

« Vu qu’Ely et moi sommes là, tu vas pouvoir nous faire un résumé ?

— Bien sûr, bien sûr. Vous voulez voir le corps aussi ? demanda-t-il en se levant.

— Non, nous l’avons déjà vu. Je pense que nous pouvons nous épargner cette peine. »

Hector eut un sourire un peu niais et se rassit, puis reprenant un air plus cérémonieux, démarra son laïus. Il reprit longuement ses constatations initiales et enfin, se décida à aborder celles qu’attendaient désespérément ses deux interlocuteurs.

« Honnêtement, j’aurais sûrement conclu à une mort naturelle si j’en étais resté à ce que le corps de ce type me racontait. Rien sur les radios, des organes dans un état proche de la perfection. C’était comme si on l’avait juste débranché comme ça, pouf. Un truc de fou. »

Hector se tut. Ely jeta un œil vers Akos. Comme elle, il attendait la suite.

« Et donc ? »

Le légiste sursauta et sourit comme pour s’excuser.

« La densité. C’est la densité qui m’a mis sur la piste.

— La densité de quoi ?

— De tout. »

Akos comme Ely froncèrent leurs sourcils et se lancèrent des regards d’incompréhension l’un à l’autre.

« Je n’avais aucune donnée pour me servir de référence, poursuivit Hector en tournant les feuilles dans ses mains comme s’il cherchait quelque chose. Mais j’avais tout de même noté que ce Druide avait une constitution qui sortait de l’ordinaire. D’accord, un Druide n’est plus un être humain. L’excroissance à la base de leur cou est certes petite et constitue finalement une modification mineure en volume mais elle change fondamentalement leur métabolisme. Je n’ai pas de preuve formelle sur ce point mais l’observation des organes montrent que quelque chose est à l’œuvre pour ralentir radicalement le processus de développement comme celui du vieillissement. Mais bon, je digresse. Malgré nos différences métaboliques, structurellement notre anatomie est comparable et nous sommes soumis aux mêmes contraintes d’environnement. J’en reviens donc à mon histoire de densité car celle-ci n’était pas dans ma marge d’erreur. J’ai profité que ta collègue avait récupéré tout un tas de vidéos et j’en ai cherché une où notre Druide apparaissait entier. Avec ça j’ai pu lancer une analyse pour déterminer sa taille et quelques autres mesures. »

Hector se leva de sa chaise.

« Sept centimètres. C’est l’écart moyen que j’ai trouvé entre les mesures de la vidéo et celles du corps que j’ai autopsié. »

Les yeux d’Akos s’arrondirent.

« Tu veux dire que notre Druide est mort, écrasé ?

— Mort par réduction en quelque sorte, si je peux m’exprimer ainsi.

— C’est possible ça ? fit Ely. Il devrait y avoir des traces, des hématomes internes, non ?

— Ce serait vrai si le corps avait été compressé, répondit Hector. J’aurais même dû observer des fissures osseuses ou des choses de ce goût-là. Mais on n’est pas dans cette hypothèse. Je parle bien de réduction. »

Akos avait parfaitement compris l’explication d’Hector mais il en refusait le principe.

« Même si j’admets ton hypothèse. Comment une réduction pourrait induire la mort ? Si tout se réduit proportionnellement, ça ne change rien, non ?

— D’un point de vue géométrique, je te rejoins, fit Hector. D’un point de vue biologique, ça reste à prouver. Il me semble plus probable qu’il y ait un effet et pas mineur. Nous ne sommes pas dans un film là.

— Et la vidéo que tu as utilisée pour tes mesures, elle datait de quand ?

— La veille. Sa dernière apparition télévisuelle. Je savais que tu me poserais la question. »

Akos soupira.

« C’est la seule explication possible ?

— La seule que j’ai en stock pour l’instant.

— Et les résultats d’analyse n’ont rien donné ?

— Nada. On a fait la totale pourtant. A moins qu’on lui ait administré un produit magique qui disparaisse sans laisser de trace.

— Et en croisant avec ta réduction, on ne pourrait pas expliquer l’un par l’autre ou inversement et atterrir sur un scénario plus vraisemblable ?

— Je suis déjà dans une hypothèse qui n’a pas de preuve formelle. Je ne vais pas rajouter de la spéculation à de la spéculation.

— Je comprends. »

Akos fit signe à Ely qu’ils allaient repartir.

« Bon, si jamais t’as du nouveau.

— Je sais. » fit Hector en les regardant sortir.

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