Chapitre 21

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Au sortir de l’institut, Ely étant restée silencieuse jusque-là, Akos décida de lui demander :

« Tu ne devais pas me parler de quelque chose en sortant du restaurant tout à l’heure ? »

Ely tourna la tête vers lui et sembla chercher en vain dans sa mémoire.

« A propos des objets qu’on a trouvés dans les affaires du Druide, dit-il pour lui donner un indice.

— Ah oui ! Purée, heureusement que tu as de la mémoire pour deux. En même temps avec cette Freya dans les pattes, je n’arrive pas à te dire les choses au moment où je les pense. Je ne suis pas comme toi. J’ai la mémoire courte.

— Sélective surtout.

— Qu’est-ce que tu sous-entends par-là ? fit Ely prête à sauter sur la première occasion de se défendre.

— Rien du tout. Juste que tu sélectionnes ce que tu mémorises, c’est naturel.

— Mouais… poursuivit Ely, l’air soupçonneuse et qui ne semblait pas du tout convaincue par la réponse d’Akos. Bref, c’est vrai que je me suis fait une réflexion ce matin et tu vas me dire si c’est un délire de ma part ou pas. Imagine que le gars ait su pour une raison ou une autre qu’il allait mourir.

— Ok.

— Est-ce qu’il ne serait pas possible que la petite trousse de produits qu’il baladait avec lui, ne serait pas destiné à nous ? Enfin, à ceux qui seraient affecté par sa mort et qui voudraient découvrir qui l’a fait et pourquoi.

— Ce n’est pas délirant, il y a des précédents mais l’important, c’est surtout qu’est-ce qui t’a fait penser à ça ?

— Raah, je savais que tu allais me poser cette question mais c’est là que je coince. En vrai, depuis le début, les indices qu’on collecte n’ont tellement pas de liens logiques entre eux que ça me rend folle. D’habitude, on voit, même si c’est flou, le lien avec les circonstances ou le pourquoi : là, c’est le vide total. Alors je me dis que c’est peut-être la victime qui a organisé un jeu de pistes avec nous. Sauf qu’elle nous a cru plus balèzes que nous ne le sommes en réalité. »

Akos hocha la tête et se mit à courir pour attraper le tramway qui s’apprêtait à marquer l’arrêt, une trentaine de mètres plus loin. Ely le suivit et une fois à bord, essoufflée, elle se mit à râler :

« J’avais oublié qu’avec toi, on se déplace systématiquement en transport en commun. C’est plus sportif que poser ses fesses dans une voiture. »

Une fois qu’elle eût récupéré, elle continua :

« Alors, tu penses qu’on peut gratter l’idée ? ou on va perdre notre temps ?

— Ça ne mange pas de pain de faire l’exercice. D’ailleurs ton raisonnement s’applique aux objets mais aussi aux témoignages que tu as recueillis rue Kahlfon. Le mieux est de choisir deux éléments qui nous paraîtraient intuitivement le plus à même de converger.

— Déjà tout un défi en soi. »

Ely jeta un œil sur le panneau qui indiquait la progression du trajet. Voyant qu’ils avaient encore le temps, elle enchaîna :

« Tu te rappelles l’histoire de la bonbonne d’eau ? demanda Ely.

— Dans les grandes lignes mais toi, tu dois te souvenir des détails, c’est toi qui les as consignés dans le rapport.

— On imagine que notre gars fait ça, non pas parce qu’il prépare quelque chose, mais parce qu’il veut attirer notre attention sur cette chose.

— Et il ne veut pas que les gens qui en veulent à sa peau comprennent qu’il est en train d’envoyer un message.

— Ah ouais, ça c’est un bon point, je n’y avais pas songé. Du coup, il me reste quoi comme info… fit Ely en fixant un point imaginaire sur le plafond du tram.

— Le nom de l’entreprise, peut-être.

— Avanis Duvall, je crois.

— Tu sais quoi dessus ?

— Bah rien. Vu que j’enquêtais sur l’indice, j’ai regardé l’entreprise qui produisait, celle qui distribuait mais pas celle où se trouvait la bonbonne. C’est ce que je te disais, du coup, je vais peut-être découvrir des trucs.

— Mais le logiciel avec l’algo miracle qui fait des liens entre tout et n’importe quoi, il ne t’a rien suggéré ?

— Ne me parle pas de ce machin. Bon, ok, dans certains cas, ça peut aider. Quand tu sais ce que tu cherches. Sinon, c’est juste comme si tu faisais une grosse boule avec mille pelotes de laine. Y en a qui disent que c’est comme un plat de spaghettis mais en vrai, perso, le plat de spag’, moi je te le démêle à la main. Là, c’est infâme. »

Soudain le tramway freina projetant Eliya brutalement en avant. Akos eut le réflexe de lui barrer le passage avec son bras qu’elle enserra de ses mains jusqu’à lui égratigner la peau avec l’extrémité de ses ongles.

« Aïe ! s’exclama-t-il.

— Désolé, fit-elle rapidement. Que se passe-t-il ? Pourquoi le freinage automatique s’est déclenché ? Un accident ? »

Ely se mit sur la pointe des pieds et s’appuya sur l’épaule d’Akos pour tenter de voir ce qu’il se passait à l’avant.

« Ce n’est pas un accident, affirma une voix un peu plus loin. C’est juste que la rue a activé le barrage automatique.

— Regardez ! Regardez ! s’exclama une autre voix. Il y a des flammes là-bas. »

Les gens commencèrent à s’agiter mais le tramway ne tarda pas à diffuser un message qui invita les passagers à sortir calmement, le véhicule étant immobilisé pour une durée indéterminée. Les portes s’ouvrirent et Ely s’extirpa de l’intérieur en sautant directement sur le trottoir.

« Tu parles d’un beau bazar, dit-elle à Akos qui finit par la rejoindre avec un peu plus de mal.

— C’est certain. Mais j’ai l’impression que cet arrêt n’est pas sans rapport avec notre destination. Regarde. »

Eliya recula pour s’éloigner du bord du trottoir. Elle jeta un œil vers le haut de l’avenue et vit qu’effectivement un incendie semblait s’être déclaré au niveau de l’hôtel Paradisio.

« Coïncidence ? demanda-t-elle.

— Je n’ai pas emporté ma boule de cristal avec moi, dit Akos en souriant. Allons sur place. Nous verrons bien. »

*

Ely et Akos eurent bien du mal à entrer dans le périmètre de sécurité. Même munis de leurs accréditations sur l’enquête, les barrières mobiles qui s’étaient déployées pour boucler la zone ne semblaient pas décider à leur laisser rejoindre l’hôtel.

« C’est pour cela que je déteste toute cette automatisation, grogna Akos. Ça cause d’intelligence artificielle et c’est pas fichu de traiter les exceptions. »

Ely lui dit de ne pas s’énerver et appela le central. Une minute plus tard, le problème fut résolu.

« J’ai un ami à la régulation. Il sait parler au système avec des mots doux ! » dit-elle en riant.

Akos força un sourire et s’engagea en direction de l’hôtel où l’incendie semblait être sur le point d’être maîtrisé. Lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur, Akos reconnut le propriétaire qui paraissait complètement abattu. Lorsqu’il aperçut l’inspecteur, il se leva et agitant son bras, lança :

« C’est à cause de vous, tout ça ! Depuis que vous êtes venu, il n’y a plus rien qui va ! »

Akos arqua un sourcil et s’approcha.

« Vous avez signalé un mort dans une de vos chambres alors nous faisons notre boulot. Si les scellés font fuir vos clients, là, nous n’y pouvons rien. »

L’homme grogna et finit par répliquer :

« Bah vos scellés, ils sont là ! fit-il en désignant les fumerolles qui sortaient des fenêtres du premier étage. Et vous allez me dire que vous n’y êtes pour rien ? »

Akos jeta un œil sur les dégâts.

« C’est certain que non. Mais de là à dire que c’est sans rapport, je m’abstiendrais.

— Pourquoi êtes-vous là d’ailleurs ? fit l’homme qui semblait retrouver peu à peu son calme.

— Je voulais revoir certaines choses avec vous ou avec vos employés.

— Si c’est en rapport avec les lieux, on ne pourra pas faire de miracle.

— Aucun lien. J’ai besoin de voir l’employé qui a loué la chambre.

— Vous pensez que je m’en souviens ?

— Vous non, mais lui, je suis sûr que oui.

— C’est quoi le rapport ?

— Ceci, c’est mon affaire, Monsieur. »

Le propriétaire secoua la tête et s’éloigna.

« Pas très collaboratif, fit Ely qui se rapprocha d’Akos.

— Je ne vais pas lui en tenir rigueur. Ce n’est pas quelqu’un de très recommandable mais je peux comprendre qu’il soit agacé vu les circonstances. Il n’a pas fini de pleurer, je pense. Je parie qu’il a magouillé sur ses certificats d’assurance pour payer le moins cher possible. Et là, ce sont les vautours qui vont venir lui sucer le sang.

— Les banques et les assurances ?

— Je ne sais pas comment il a financé son affaire et je parierai que sa vraie banque ne fait pas partie de celles qui ont pignon sur rue !

— Du coup, nous, on fait quoi ? »

Akos s’apprêtait à répondre à Ely quand un jeune homme d’une trentaine d’années, qui présentait plutôt bien, s’approcha et osa interrompre la discussion du couple :

« Pardonnez-moi, j’ai entendu votre discussion tout à l’heure avec le propriétaire. Je pense que je peux peut-être vous renseigner.

— Vous êtes ?

— La personne qui a loué la chambre 42 au gars qui est mort, mardi matin. »

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