Nous arrivons sur le parvis de la mairie. J’embrasse les différents groupes d’invités d’un regard, à la recherche de têtes connues. Il y en a peu. Presque pas, en fait. Un vertige me saisit.

Je finis par reconnaître les sœurs d’Audrey. Les plus grandes. Et leur mère. Je me dirige vers elles.

Dès qu’elles m’aperçoivent, Élodie s’exclame comme si elle retrouvait une vieille amie.
Je baisse les yeux. Une vieille habitude.

— Oh ! Tu n’as pas changé !

— C’est qui, maman ?

Un petit brun, accroché à la jambe d’Élodie, m’observe à moitié caché contre sa cuisse.

— C’est Ninon, mon chéri. Une des deux amies les plus proches de tatie Audrey.

Là.

Le mensonge.

Propre.

Poli.

Social.

J’esquisse un sourire à l’enfant, qui s’enfuit aussitôt rejoindre d’autres gamins. J’aimerais faire comme lui. Fuir.

Cette étiquette me colle à la peau. J’aimerais l’ôter, souffrir un bon coup. L’amie la plus vieille, oui. Pas la plus proche.

Pour être proche, il faut être acceptée à respirer le même air que l’autre. Partager ses failles. Les vraies. Je n’ai jamais été invitée à cet endroit-là.

Une montée de larmes me surprend. Je retiens tout. Je déglutis. Ravale la boule qui me noue la gorge. Sa mère est ravie de me voir. Elle m’adresse des mots doux comme si j’avais passé ma vie à squatter leur maison. Mais je reconnais à peine son visage. Elle, en revanche, semble retrouver un pan entier de son passé.

Je cherche une échappatoire dans la foule. Rien. Tout me ramène à Mourenx, à l’Audrey qui verrouille, qui donne d’une main et cache de l’autre.

Je connais le tour. Je l’ai vu se rejouer trop souvent.

Un mouvement parcourt l’assemblée : la voiture arrive. Léa descend la première, remet sa robe en place. Puis Audrey sort à son tour.

Sublime.
Évidente.
Intouchable dans sa robe sirène.

Je la découvre avec les autres. Je fais partie des autres. Je suis une autre.

Autre part.