Nous sommes assises autour de la table de ma cuisine. C’est rare. Assez rare pour le souligner. Elle n’est pas du genre à venir jusqu’à moi. Les kilomètres à avaler sont une déclaration d’amour, pour elle.

Quand nous décidons de nous voir, il faut d’abord trouver une date. Puis un restaurant. Pas trop loin de chez elle. Kif-kif, dit-elle. Nous n’avons pas la même notion de la moitié.

Souvent, je passe plus de temps sur la route. Toujours, je suis la première à arriver sur le parking.

Je lui sers un thé. C’est drôle de la voir là. Je ne m’en remets pas. Je crois que ce n’est plus arrivé depuis que nous avions cohabité quelques années plus tôt. Depuis, nos retrouvailles se faisaient en extérieur, ou en couple.

— Tu as besoin d’aide pour l’organisation du mariage ?

Audrey boit une gorgée. Elle réfléchit trop longtemps pour une question si simple.

— Franchement, ça va pour le moment. J’ai prévu plein de choses. Tu vas voir ! Il y aura des surprises. Et je veux que tu les découvres le jour J.

Je souffle sur mon thé. La vapeur embue mes lunettes. Audrey bavarde avec une légèreté rare. Elle s’esclaffe, raconte l’origine de ses beaux-parents, les Anglais pur souche, la barrière de la langue, les discours à traduire. Je la soupçonne de prendre beaucoup de plaisir à ce détail.
Comme si cela rendait son mariage plus… sophistiqué.

Je le sens : elle est fière.

Je termine mon thé. Je sais pour quelle raison elle est venue jusqu’à moi. Ce n’était pas pour le mariage.

On peut faire des kilomètres pour déclarer autre chose que son amour.