Ce qui s’achève en silence
Audrey est grisée de bonheur.
Elle rit fort, enlace à tour de bras les invités, danse quelques secondes avec les enfants, s’agrippe au bras de son mari Jim. J’observe toutes ses expressions, j’en redécouvre certaines. Les seules qu’elle ne montre pas sont celles qu’elle me réserve dans l’intimité : quand elle pleure contre mon épaule, quand sa voix tremble, quand son nez devient rouge.
Elle n’est que bonheur, là, tout de suite. Et quelque chose en moi s’achève sous les regards qu’elle ne m’adresse pas. Un contrat d’âme. Une enfant qui grandit et échappe à vigilance de ses parents.
Soudain, le silence. Malgré les musiques entraînantes, les chaises qui raclent le sol, les verres qui tintent.
En moi, c’est le silence. Il étouffe tout le reste.
Elle n’a plus besoin de moi. Ou peut-être que je le vois enfin. Je ne sais pas si ça me libère. Mais ça me traverse. Et ça suffit à me tenir immobile — un instant plus longtemps que les autres.

Annotations
Versions