CHAPITRE 8 L’ANIMAL SANS LAISSE

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La pièce était éclairée par une seule ampoule jaune, suspendue à un fil trop long.
Un éclairage misérable, presque insultant.
Un contraste violent avec l'endroit où se trouvait Leary à cet instant : debout quelque part dans une cour silencieuse, observant sa proie.

Ici, l'air sentait la sueur, le métal, la poussière.
Une pièce abandonnée.
Un étage d'un entrepôt que personne n'utilisait plus.
Parfait pour enterrer un homme encore vivant.

Mark était assis, menotté à une chaise.
Ses poignets saignaient à force d'avoir tiré.
Il respirait par à-coups, chaque bouffée d'air lui arrachait un tremblement.
Son torse se soulevait de manière saccadée.
Il ressemblait à un animal blessé.
À un homme détruit, vidé par la douleur...
et maintenu vivant juste assez pour sentir la honte brûler plus fort que les plaies.

La porte s'ouvrit.

La Femme entra.

L'élégance incarnée.
Le noir pour unique couleur.
Cheveux tirés, visage glacé.
Ses yeux brillaient d'une folie fine, mouvante, comme si des fragments de verre tournoyaient derrière ses iris.

Elle regarda Mark comme on observe une expérience ratée.

— Tu respires encore, dit-elle calmement.

Mark grogna.
Un son court, soufflé, presque étranglé.
Hurler lui écorchait la gorge, mais sa rage cherchait quand même à sortir.

Elle avança.
Ses talons résonnaient comme des gouttes de poison tombant à intervalles réguliers.

— Tu aurais dû l'avoir.
Tu aurais dû la briser.
Tu aurais dû effectuer ton travail.

Mark tenta de hurler :
— ELLE M'A…

La douleur lui coupa la phrase.
Il reprit, la voix déchirée :

— ... brûlé... cette... cette...
Elle m'a eu par surprise ! PAR CHANCE !

La Femme s'agenouilla lentement.
Ses yeux glacés s'enfoncèrent dans les siens... un silence flottant tomba, déconnecté du monde, comme si elle tendait l'oreille vers une musique que seule sa folie pouvait entendre.

— Non, Mark.
Elle ne t'a pas eu par chance.
Elle t'a eu par intelligence.
Tu as perdu parce que tu es... faible.

Le mot lui transperça le ventre.
Mark eut un mouvement brusque vers l'avant, un réflexe incontrôlé.
Un réflexe d'ego blessé, pas d'animal.
Les menottes tirèrent net, lui arrachant un gémissement de douleur.
Son corps protesta, brisé, tremblant.

Elle sourit.
Un sourire étrange, absent, presque attendri...
comme si la douleur qu'il montrait la berçait.

— Voilà...
Là, je te reconnais.
Un garçon impulsif.
Utile parfois... mais sans valeur réelle.

Elle se releva, sa folie ondulant dans ses gestes.

— Mark...

Certaines proies ne se laissent pas dévorer.

Elles résistent.

Elles apprennent.

Un geste dans l’air, presque gracieux et pourtant profondément dérangé.

— Et toi, continua-t-elle doucement,

tu confonds encore vouloir et mériter.

Mark sentit quelque chose se refermer.

Pas une idée.

Une place.

Il força sa gorge à parler.

Un son rauque tenta de naître.

CRAC.

La gifle partit.

Sèche.

Inhumaine.

La tête de Mark pivota violemment.

Les larmes n’étaient pas de tristesse, juste la réponse réflexe d’un corps déjà trop abîmé…

Elle se pencha, très près, son souffle glacial contre sa peau brûlée.

— Tu ne touches pas à ce qui ne t'appartient pas.

Un murmure.

Pas une menace.

Une règle.

— Tu n’as jamais su faire la différence.

Il trembla.
Pas seulement de haine.
De douleur.
Et, infime, cachée sous la rage :
une once de peur, celle qu'il éprouvait toujours devant elle.

La Femme reprit, voix basse, flottante :

— Leary, lui, comprend.
Il observe.
Il analyse.
Il retient.
Il reconnaît la valeur.

Mark cracha au sol, la voix brisée :

— Toujours lui…

Son sourire s'étira.
Un sourire bancal, lumineux et monstrueux à la fois.

— Bien sûr.
Il est ce que tu n'as jamais été.
Une beauté affûtée.
Dangereux sans bruit.
Quand toi...
tu n'es qu'un marteau sans manche.

Mark voulut rugir.
Le son se transforma en râle douloureux.
Son corps le trahissait.

Elle s'approcha, presque fascinée par son état.

— Et tu veux savoir la meilleure... ?

Elle souleva doucement son menton, ses doigts froids contre sa peau brûlée.

— Ce soir...
il savait déjà comment elle s'appelle.

Mark s'immobilisa.
Un effroi bref, instinctif, traversa ses yeux.
Il n'avait pas peur qu'elle sache le prénom.
Il avait peur que Lui le sache.

— Ce n’est pas à lui de finir…

— Mark...
Leary fait ce qu'il veut.

Elle sourit à peine.

— Toi non.

Elle se releva dans une fluidité bizarre, presque dansante.

— Tu as échoué.
Tu as été ridicule.
Et pourtant...

Sa tête pencha légèrement.
Un rire minuscule glissa dans sa gorge.
Un rire qui n'avait aucun sens pour un esprit sain.

— ... j'ai envie de voir ce que tu deviens quand je coupe la laisse.

Elle claqua des doigts.

Deux hommes entrèrent.
Pas un mot.
Pas un regard.
Ils détachèrent Mark.

Il comprit...
et ne comprit pas.
Ses yeux clignèrent, oscillant entre haine, douleur, et un vertige proche de la panique.

Elle approcha son visage.
Ses mots furent presque un baiser déposé sur une plaie.

— Va, mon garçon.
Va courir.
Va hurler.
Va mordre ce qui bouge.
Montre-moi ce que vaut un animal libéré.

Un sourire fracturé s'étira sur son visage.
Pas prévu.
Pas réfléchi.
Juste... un caprice né de sa folie.

— Peut-être que tu reviendras vivant.
Peut-être pas.
C'est amusant, non ?

Puis...
il réalisa.

Elle le laissait partir.
Non comme un cadeau.
Comme un test.
Une condamnation.

Mark bondit dehors, plus guidé par sa douleur et son orgueil que par un vrai plan.
Ses pas résonnèrent dans l'entrepôt, fuyants, désespérés.

Juste la rage.
La vengeance.
L'obsession.

Seulement l'instinct primaire qui le dévore... mais la peur le suivait, tapie sous sa peau brûlée.

La Femme le regarda disparaître.

Elle plissa légèrement les yeux, progressant avec la lenteur calculée et la grâce implacable d'une panthère en chasse.

Elle chuchota, presque heureuse :

— Deux créations.
Deux chemins.
Un joyau...
et un déchet utile.

Puis elle sourit, un sourire féérique et monstrueux :

— Voyons lequel reviendra vivant.

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