Chapitre 28 : le canapé lit

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Arturo avait acheté tout ce qui lui semblait utile pour prendre l'apéritif en arrivant chez Édith : du saucisson sec, des crackers et, pour tenir compte des goûts plus féminins, une tartinade de betterave rouge et, bien sûr, deux bouteilles de vin. Il n'avait rien mangé depuis ce matin tellement il était impatient de retrouver sa belle. Depuis qu'elle n'était plus à ses côtés, son estomac se rappelait à ses souvenirs.

Il avait été accueilli à bras ouvert par Édith, surprise de le voir arriver chez elle aussi chargé.

Il remarque que son appartement était beaucoup plus petit que celui d'Ingrid mais, ce n'est pas cela qui le dérangea. Édith avait placé une petite table sur la terrasse et la vue sur un jardin, qui de plus ne lui était pas accessible, lui sembla aussi déprimant qu'une mer sans marée. Il l'avait subtilement redirigée vers le canapé lit, installé face à un écran plat aux dimensions exagérées par rapport à la taille du séjour, éparpillant tous ces vivres sur la table basse. Les murs n'étaient toujours pas peints, ce qui lui rappela son coin home cinéma.

Confortablement installés dans le canapé, ils allaient commencer la deuxième bouteille de vin qu'il avait apportée. Au fil du temps, la discussion était de devenue de plus en plus joyeuse, comme si sa présence rappelait à Édith la joyeuse période de ses vacances. Pourtant, il ne s'estimait pas au mieux de sa forme pour mettre l'ambiance. Il avait espéré qu'Ingrid les rejoignent rapidement mais elle ne lui avait toujours pas donné de nouvelles. D'humeur chagrine, il tentait de se distraire en s'intéressant à l'avenir d’Édith.

– Cela ne m'étonne pas que tu veuilles repartir à l'étranger mais, j'aurai pensé que tu chercherais dans le tourisme. Du moins, c'est ce que tu prétendais lorsque nous nous sommes connus. Je te voyais bien faire partie des saisonniers qui prestent de nombreuses heures pendant quelques mois et qui sont au repos huit mois sur l'année, lui lança-t-il avec un sourire.

– L'enseignement est plus facile à gérer avec Théo. Mais je ne doute pas que les mauvaises langues diront que j'ai choisi une profession qui m'offre quatre mois de congé par an. Et ils n'auront pas tout à fait torts, ce n'est pas si mal non plus.

– Je t'imagine bien caporal de ta classe, s’esclaffa-t-il alors que l'alcool commençait à lui monter à la tête.

– Pourquoi caporal, s'insurgea Édith. Général ! Ou plutôt, général nounours puisque je vais m'occuper de petits de cinq ans. Sur ces mots, elle se leva et imita un général inspectant ses troupes en longeant la table.

– Ce n'est pas moi qui aie décidé mais, c'est justement l'âge que j'avais lorsque je suis revenue en France avec mes parents, poursuivit-elle en se laissant tomber sur le divan.

–  L'Afrique ne te manque pas, lui demanda-t-il plus sérieusement ?

Édith leva les yeux au plafond avec un mouvement oscillatoire de la tête qu'il eut du mal à interpréter.

- Ce qui me manque !... Ce qui me manque, c'est de ne plus vivre dans un pays où ma couleur de peau est un obstacle permanent, y compris dans ma recherche d'emploi. Ingrid a tendance à sous-estimer les difficultés que je peux parfois rencontrer. Au moins, à l’île de la Réunion, je ferais « couleur locale » déclara-t-elle en levant son verre.

Arturo fit de même et ils trinquèrent pour la énième fois, comme si ce geste indiquait la fin d'une discussion sur le sombre thème du racisme ordinaire. Édith profita de ce temps mort pour envoyer un message à Ingrid puis le montra à Arturo. De tout évidence, elle avait dû voir son visage changer d'expression à l'évocation du nom de sa maîtresse.

Hello cocotte, dépêche-toi de rappliquer. On n'aura bientôt plus de vin.

–  Voilà ! Maintenant elle a une idée de l'ambiance festive qui l'attend. Je suis sûr qu'elle ne tardera plus.

– Pour autant qu'elle vienne…

– En voilà une idée ! s'exclama Édith.

–  En partant, j'ai vu Jean l'enlacer à la fenêtre.

Édith s'étouffa avec un morceau de saucisson, coincé dans la gorge. Arturo se rapprocha pour lui donner une légère tape dans le dos.

– J'en était sûr ! Maintenant qu'il quitte le Brésil, il va essayer de récupérer sa femme. J'espère que Ingrid l'a repoussé …

–  Je suis parti, je ne voulais pas jouer les voyeurs. De toute façon, je ne pourrais jamais lui offrir le luxe et le prestige qu'elle a toujours connu avec son mari.

– Imbécile ! On voit que tu ne la connais pas encore bien. Ingrid n'a pas choisi cette vie, elle a suivi Jean parce qu'elle était enceinte. Elle a un côté très « vieille France » et conventionnelle comme tu t'en es déjà rendu compte. Je pense qu'elle aurait préféré rester au pays avec des conditions de vie plus ordinaire.

- Suppositions, suppositions. Mon ex-femme m'a reproché d'être toujours absent et de ne pas lui offrir le confort matériel qui aurait pu compenser sa solitude. Et maintenant que j'ai découvert le luxueux appartement d'Ingrid, je me demande ce qu'elle fait avec moi.

- Ne le répète pas à Ingrid, elle se moquerait de moi ! Ma mère m'a poussée à consulter un marabout pour qu'il m'aide à trouver des pistes pour mon avenir.

Elle attendit un moment, le temps de récupérer son attention et, de s'assurer qu'il ne se moquerait pas d'elle.

- Il m'a dit que la vie nous obligeait toujours à affronter nos démons avant de nous offrir un avenir meilleur, poursuivit-elle. Toi, tu l'imagine vénale en pensant à ton ex-femme. Elle, elle doute de la fidélité d'un homme qui vivrait loin d'elle, qui plus est dans un autre pays. Vous n'êtes pas encore sortit de l'auberge et moi, je vais encore avoir du travail pour vous aider à construire un avenir tous les deux.

Sur ces mots, elle remplit leurs deux verres et il vida le sien d'une traite.

- J'ai quitté mon pays à cause d'une femme, je pourrais y revenir y revenir un jour, pour une autre. Mais pas dans l'immédiat, et surtout pas dans la situation actuelle. Je me demande si je ne devrais pas partir et tourner la page.

- Ah non, sûrement pas. On va commander des pizzas en attendant et, même si elle ne vient pas, je ne te laisse pas repartir dans cet état. Ce nouveau canapé lit n'a pas encore accueilli d'invités et il ne demande qu'à être étrenné.

Édith partit récupérer le folder de la pizzeria du coin qu'elle avait aimanté sur la porte de son réfrigérateur.

- En attendant Ingrid, on va commander et, quoi qu'il arrive, je ne te laisse pas rouler dans cet état.

Arturo ne se fît pas prier pour consulter le menu. Autant rester ici plutôt que de débarquer chez sa fille en pleine nuit. Au pire, il déciderait de la marche à suivre le lendemain. La nuit porte conseils.

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