Chapitre 34 : Le souhait de Jean

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Au même moment, dans ce qui était encore leur appartement, Jean regardait sa femme assise en face de lui. Ils avaient commencé à aborder les modalités de leur séparation et elle tournait sa cuillère dans son thé, cherchant sans doute à peser les avantages et inconvénients de sa proposition. Jean savait qu'il était responsable de cette situation, que sa liaison avec Christina avait duré trop longtemps pour que Ingrid puisse lui pardonner. Pourtant, jusqu'à son retour du Brésil, il avait espéré qu'il leur restait une infinie chance.

En entrant chez eux, il lui avait fait la bise, déviant légèrement son mouvement pour toucher la commissure de ses lèvres. Et elle s'était éloignée, par réflexe. Il en avait été blessé. Ses dernières illusions s'étaient envolées et il n’avait plus aucune raison de lui donner ce qu’elle attendait. Le dialogue s’annonçait délicat mais, il avait eu le temps de s'y préparer. 

  • Je suis d'accord avec toi sur un point, déclara-t-il, nous avons intérêt à nous répartir nos biens immobiliers plutôt que de les vendre pour toucher chacun notre part.

Il ne voulait pas pour autant la léser. Depuis qu'elle avait demandé à officialiser leur situation, il avait beaucoup réfléchi. Il connaissait les sacrifices qu'elle avait fait pour lui en le suivant. Elle n'avait pas hésité lorsqu'il l'avait demandée en mariage après l'annonce de l'arrivée d'Annabelle. Mais cette fois, la carte de la famille ne pourrait plus jouer en sa faveur.

  • Je suis d'accord pour que tu restes ici jusqu'à la fin de l'année académique avec Annabelle. Et même à ce que tu restes avec elle jusqu'à ce qu'elle trouve un travail et un logement. Mais l'appartement de Lille est bien mieux situé pour moi. En une heure je peux être à Paris.
  • Je comprends mais ce lieu porte l'empreinte des années passées avec Annabelle. Il a été mon refuge et j'y suis proche de mes parents. J'y tiens aussi, lui répondit-elle en soutenant son regard. 

La dernière fois qu'il avait vu sa femme, il l'avait trouvée plus désirable que jamais. Comme si elle avait retrouvé quelqu'un. Il savait que ce n'était pas dans l'intérêt de la négociation mais il ne pût s'empêcher de la questionner.

  • Peut-être as-tu aussi envie de rester ici parce que tu as rencontré quelqu'un.
  • C'est incroyable, s'exclama-t-elle. Tu me trompes. Tu m'imposes tes liaisons sans tenir compte de mon ressenti. Tu me laisses partir, préférant une liaison avec une femme plus jeune. Et tu voudrais me faire des remarques sur ma vie privée maintenant.

Elle avait donc espéré qu'il la retiendrait quand elle était partie. Et lui, trop occupé par Cristina qui chantait ses louanges, il avait profité de cette nouvelle jeunesse que lui apportait leur liaison. Quel gâchis ! Sa maîtresse avait perdu l'attrait de la nouveauté et leur relation s'était tellement détériorée ces derniers mois qu'il n'avait même pas envisagé de lui demander de la suivre en Roumanie.

Ensuite, pour calmer Ingrid et essayer de poursuivre la conversation, il abonda dans son sens.

  • Tu as raison, je n'ai plus aucun droit sur ta vie actuelle. Et j'espère, presque, que tu as eu l'occasion de te distraire un peu, poursuivit-il avec amertume. Cela compenserait un peu la légèreté dont j'ai fait preuve ces dernières années.

Ingrid avait retrouvé son sang-froid. Il avait deviné qu'il y avait un autre homme, peut-être celui qu'il avait rencontré lorsqu'il avait débarqué à l’improvise la dernière fois. Elle n'avait pas apprécié la surprise mais cela lui avait permis d'envisager cette éventualité. Et de le tourner à son avantage.

  • Vingt-ans de vie commune, cela compte. Peut-être qu'une fois que tu te seras aussi lassé de ton amant, nous aurons à nouveau l'occasion de nous retrouver.
  • Il ne s'agit pas d'équilibrer les tords entre nous. Quand tu as décidé de vivre avec une autre, tu as fait de moi une femme libre. Tu m'as imposé ta vie, tes choix, sans tenir compte de ce qui était important pour moi. Je ne pourrais revivre un jour avec un homme qui ne me respecte pas.

Jean comprit qu'il était temps d'abréger la discussion. Le logement était le seul point de désaccord entre eux, le lieu où ils avaient vécu lors de leurs retours au pays pour les vacances. Il se leva, prit sa veste déposée sur le siège. Avant de partir, il tenta un dernier argument.

  • Si tu acceptes de reprendre notre petite maison à Narbonne, tu pourras inviter tes parents pendant l'hiver. Tu m’as dit qu'ils avaient souffert des longs moins pluvieux pendant lesquels ils n'étaient presque pas sortis de chez eux.

Ingrid resta silencieuse pendant qu'il se dirigeait vers la porte de sortie. Il espérait lui avoir montré qu'il pouvait l'écouter et tenir compte de ses préoccupations. Elle ne s'était jamais attachée à leur maison de Narbonne, préférant rester dans le nord lors de leurs rares retours pour être près de ses parents. Cristina lui avait fait perdre la tête et Ingrid ne lui pardonnerait jamais. Sa maîtresse l'avait aussi éloigné de sa fille, comme si elle avait été jalouse du lien qui l'unissait à Annabelle ... Et à Ingrid. Il se félicita d’avoir mis fin à leur liaison. A partir de maintenant, il essaierait de renforcer le lien avec sa fille. Il savait qu'elle avait un amoureux qui devait encore faire une année avant de terminer ses études. Et il vivait à Lille. Cet appartement, il n'était pas prêt à le céder.

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