Une légende
Gaillac, mardi 18 février
Dès son retour chez lui, la veille, Marc avait utilisé son ordinateur personnel pour se connecter au Réseau Rose, en utilisant les identifiants créés par son collègue informaticien. Toutes les informations nécessaires avaient été réunies dans un message mail que le gendarme avait transféré sur son compte privé. Avec un peu d’humour, le technicien avait créé le compte avec le pseudo Pandora 81. Il avait également joint une série d’images de qualité photographique, pour alimenter la galerie de présentation, en précisant qu’il s’agissait de créations d’intelligence artificielle. L’adjudant fut bluffé par le réalisme des clichés. Muni de son sésame et des photos, il ne lui restait plus qu’à s’inventer une légende attractive. Il commença par parcourir un certain nombre de fiches, afin d’apprendre les codes et les mots-clés de ce genre de communication. Après quelques minutes, il disposait de ce qu’il pensait être une identité crédible pour ce milieu. Il enregistra son message et chargea les images avant de lancer quelques lignes de sonde. Il sélectionna trois profils qui lui semblaient compatibles avec son histoire et se lança. Il ajouta un quatrième message, spécifiquement ciblé vers le compte Bridge 31. Il ne lui restait plus qu’à attendre qu’une proie vienne mordre à l’hameçon.
Le mardi s’était déroulé sans avancées sur l’affaire des disparus. Marc avait appelé la substitute, mais celle-ci lui avait dit ne pas avoir de nouvelles du procureur. L’adjudant avait occupé sa journée à des affaires secondaires et à la mise à jour de divers documents administratifs. Ce n’était pas la partie qu’il appréciait le plus dans son travail, mais il devait bien s’en acquitter, sachant que personne ne le ferait à sa place. Il rentra chez lui assez tôt, et résista à la tentation d’allumer son ordinateur. N’ayant pas quitté son bureau de la journée, il décida de s’accorder un moment d’activité physique. La nuit commençait à tomber, mais il se dit qu’il avait le temps d’aller courir un peu dans le parc Foucaud. Ce n’est qu’à son retour qu’il se connecta au Réseau. Il fut un peu déçu de ne trouver que deux réponses, mais se dit qu’en période de vacances, ce n’était déjà pas si mal. Malheureusement, Bridge 31 n’avait pas réagi à son message.
Il ouvrit la première réponse. Le message était cordial, souhaitant la bienvenue dans la communauté et s’enquérant des attentes des nouveaux venus. Les correspondants, qui se présentaient comme un couple de quinquagénaires toulousains, avaient un profil plutôt sage, du moins en comparaison d’autres fiches. Marc broda une réponse susceptible d’alimenter un dialogue de confiance. Le second retour était beaucoup plus direct. Emanant d’un couple qui s’avouait illégitime, il proposait des rencontres en cours de journée pour des activités exclusivement sexuelles. Suivait un questionnaire sur les pratiques acceptées et les exigences physiques. Marc considéra qu’il n’y avait aucun intérêt pour lui à aller plus loin et il supprima le message. Il envoya deux nouvelles lignes à destination de couples qui lui paraissaient susceptibles de participer aux soirées qui l’intéressaient puis il éteignit sa machine.
Il avait suivi des séminaires de formation au sein de la Gendarmerie et des services de Police Nationale. L’un d’entre eux était consacré aux agents opérant sous couverture, en particulier dans le milieu des stupéfiants. Lui, au moins, ne risquait pas sa vie en essayant de pénétrer le monde des nuits roses. Il se demanda ce qu’il pourrait faire si une rencontre réelle devenait nécessaire. Laura Marque accepterait-elle de l’accompagner dans cette aventure ? La déontologie judiciaire permettait-elle de telles actions ? Il ne s’était jamais posé de cette question.
Annotations
Versions