Albi, mercredi 19 février

Au retour de la pause déjeuner, Laura Marques trouva un post-it collé sur son écran. Le message l’avertissait que le procureur souhaitait lui parler. Quelques minutes plus tard, elle était dans le bureau du magistrat. François Vanderberghe était un homme affable avait lequel les substituts se sentaient à l’aise. Il engagea la conversation sans détour.

« J’ai parlé au procureur général en fin de matinée. Je ne vous cacherai pas qu’il n’a pas tout de suite perçu l’intérêt de votre requête. Toutefois, j’ai l’impression que Keller et vous semblez très motivés pour cette enquête. J’ai donc plaidé votre cause.

— Je vous en remercie, Monsieur, répondit Laura.

— Attendez, je n’ai pas terminé ! Le SRPJ de Toulouse est actuellement sur les dents du fait de deux grosses affaires criminelles, vous en avez sûrement entendu parler.

— En effet, oui, un enlèvement je crois, et un braquage qui a mal tourné.

— C’est cela, il est donc d’accord pour que vous continuiez à suivre la trace de ces deux couples, mais si vous n’avancez pas rapidement, il saisira la section de recherche de la Gendarmerie. Il nous donne deux semaines pour lui apporter des éléments significatifs. Dites aux bleus[1] de Gaillac qu’ils peuvent solliciter leurs collègues de Muret, si nécessaire.

— Très bien, nous allons faire tout notre possible.

— Parfait conclut le procureur, je vous laisse annoncer la nouvelle aux gendarmes. »

Laura retourna dans son bureau pour appeler l’adjudant. Lors de ses premières discussions avec Marc Keller, Laura n’avait pas imaginé que les recherches pourraient aboutir à la mise en cause de notables toulousains. Le procureur général leur donnait une bonne occasion de briller, mais avec également une obligation de résultat rapide.

« Salut Marc, je viens de parler avec Vanderberghe, Toulouse est d’accord pour nous laisser sur l’affaire, pour les deux couples.

— Super ! coupa Keller.

— Attends, ne te réjouis pas trop vite ! modéra la substitute. Il nous donne deux semaines, passé ce délai, l’affaire passera chez tes collègues de la SR[2]. Tu peux solliciter Muret si besoin pour ce qui concerne le couple de L’Herm.

— Il n’y a pas de temps à perdre !

— Tu as du nouveau ?

— Je fais maintenant partie du milieu libertin toulousain ! J’ai créé un profil sur le Réseau Rose.

— Tu t’es inscrit comme célibataire ?

— Non, je n’aurais eu aucune chance.

— Tu vas te contenter d’échanger des messages ?

— Je ne sais pas comment ça va évoluer, mon objectif c’est d’identifier et de piéger celui qui se cache derrière le pseudo Bridge 31.

— Tu crois que c’est le dentiste ?

— C’est mon intuition, mais rien ne le prouve pour le moment. La seule chose dont on est sûrs, c’est qu’il a loué l’appartement qui a servi en janvier. Si je n’arrive pas engager le contact, je serai obligé de le convoquer à nouveau et de mener une perquisition pour saisir son matériel informatique.

— Pas de problème, valida la magistrate, si c’est nécessaire, tu auras ta commission rogatoire. Je suppose que tu n’as pas mis ta photo sur ce site !

— Non, je ne veux pas qu’il me reconnaisse. Le gars de l’informatique m’a créé des images de synthèse très réalistes.

— Il t’a trouvé une femme aussi ?

— Bien obligé ! D’ailleurs, je te trouve qu’elle te ressemble un peu.

— Adjudant, vous frisez l’outrage, tança Laura en riant. Ceci dit, tu n’as pas répondu à ma question. Tu as l’intention d’aller dans ces clubs ou des soirées ?

— Si c’est le seul moyen !

— Et avec qui ?

— Il me faut une personne assermentée, il y a bien ma collègue de Muret, Maïté Langlois, mais on se connait à peine. Pourquoi tu me demandes ça, tu es intéressée ? »

[1] Bleus : Surnom donné aux gendarmes

[2] SR : Section de Recherche de la Gendarmerie