[1986-1989] Chapitre 1

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- Mesdames ! Messieurs ! A présent, je vous demanderais d’applaudir bien fort notre duo Willy & Maria ! Annonça le patron du bar.

Un tonnerre d’applaudissement retentit dans la pièce qui était seulement illuminée par quelques petits projecteurs. Willi & Maria était un duo allemand, de Munich, qui connaissait du succès dans les bars bavarois. Ils étaient tous les deux chanteurs et musiciens, enchaînant, parfois, des petits concerts dans des bars de différentes villes bavaroises. S’ils avaient été hautains, ils auraient pu prétendre avoir joué à l’international puisqu’ils avaient déjà fait deux concerts en Autriche. Mais ce succès avait été temporaire, et puis de toute façon ils étaient tous les deux trop attachés à l’Allemagne pour vraiment avoir envie de vivre en dehors de ce pays. Leur duo ne s’était pas trop spécialisé dans un type de chanson en particulier, ils chantaient de la variété internationale. Ils savaient adapter leur répertoire au bar où ils se produisaient.

Le patron du bar où ils jouaient fréquemment s’appelait Herbert Weissmann, un homme aux épaules larges qui dépassait facilement le mètre quatre-vingt-dix et qui avait un physique de gros nounours. Herbert avait toujours été satisfait de ces jeunes gens qui avait vingt-et-un ans, pour Wilhelm, et vingt-trois ans pour Maria. Wilhelm et Maria se connaissaient de longues dates. En fait, ils étaient amis d’enfance et avaient toujours été inséparables ! Ils étaient tellement attachés l’un à l’autre que des inconnus les prenaient pour un frère et sa sœur, ou du moins deux cousins très proches, très complices. Mais pas pour deux amis qui se fréquentaient depuis la primaire.Ensemble, ils avaient l’habitude de boire deux bières pour se récompenser à la fin de leur concert. Ils arrondissaient leurs fins de mois en organisant des concerts. Ils étaient tous les deux étudiants : Wilhelm en électronique, Maria en études de langue française. Wilhelm avait choisi comme nom d’artiste Willi parce qu’il trouvait ça plus « moderne ».

En sortant du bar, Maria enfila ses gants. En cette fin de mois novembre 1986, la neige commençait déjà à tomber. Le froid était très présent en cette fin d’année.Wilhelm lui ouvrit la portière de sa voiture, une Golf II et il ramena Maria chez elle, dans la banlieue munichoise. La jeune femme habitait encore chez ses parents. Ils mettraient à peu près quarante minutes pour se rendre à Garching bei München. Maria se permit d’allumer l’autoradio de la voiture de son ami, puis elle dit.

- Quand j’aurais fini ma maîtrise, je ne sais pas du tout si je pourrais à continuer à jouer de la musique, dit-elle d’un ton grave. Si j’arrive à trouver du travail à la fin de mes études, je crois qu’on pourra mettre fin à notre duo. Je suis désolée, Willi.

- Avant ça, tu penses pas qu’on devrait trouver un studio indépendant pour enregistrer un tube puis l’envoyer à des maisons de disques pour voir si ça les intéresse ? Demanda Wilhelm.

Maria poussa un soupir, regardant par la fenêtre les autres voitures rouler, et les flocons voleter.

- Ca va nous coûter cher cette histoire, tu sais. Je ne sais pas si mes parents accepteront de me passer un peu d’argent pour ça. Ils sont contents pour nous, mais ils ont envie que je devienne professeur de français.

Willi s’esclaffa.

- Les miens trouvent ça très bien que je veuille devenir ingénieur en électronique. D’après un de mes oncles, si je finis mes études, je pourrais avoir une place chez Philips, aux Pays-Bas.

- Tu sais même pas parler néerlandais. Qu’est-ce que t’irais foutre là-bas ?

- Rien. De toute façon, vu le talent qu’on a, je pense qu’on pourrait arriver à bien se débrouiller dans la vie. T’imagines notre duo qui irait faire des concerts en France, en Espagne, aux Etats-Unis ? Ca serait pas formidable, ça.

- Ca me paraît bien casse-gueule comme plan, réagit-elle. Ceux qui arrivent à être connus, ce sont ceux qui ont le bon carnet d’adresse. Des artistes comme toi et moi qui connaissons personne dans l’industrie musicale, soit on ira pas plus loin que des fêtes de villages, soit un coup de chance fera qu’on se fera connaître mais on se fera baiser.

- Et bien, essayons de nous faire connaître ! Répliqua Wilhelm. On a du talent, sinon ça fait quelques temps qu’on aurait abandonnés et en plus, les patrons de bars sont contents de nous. On pourrait monter en puissance si on décidait d’écrire nos propres chansons, plutôt que de reprendre des chansons d’autres artistes.

- Willi, t’écoutes ce que je te dis ou pas ? Qu’on écrive nos chansons ou pas, ça reviendra au même. On ne vivra jamais de notre passion, tu comprends ?

Wilhelm se sentait vexé par ce qu’était en train de dire Maria. La musique, c’était ça leur passion commune ! Depuis qu’ils étaient au lycée, ils improvisaient des petits concerts dans leur cour de récré et même quand ils rentraient de cours, ils chantaient a cappella dans les rues. Wilhelm appréciait ses études d’électronique, mais pour lui la musique était une forme d’expression et jouer de la guitare était son moment de détente préféré dans la journée. Non seulement il pouvait décompresser, mais il savait que c’était ça qui pourrait apporter des émotions à des gens, pas le fait d’avoir développé une nouvelle télévision. Maria l’observa conduire jusqu’à sa maison où il se gara en face, la main gauche sur la bouche. Elle détacha sa ceinture de sécurité, puis lui dit.

- Je suis désolée d’avoir été aussi brutale dans ce que j’ai dit, reprit-elle plus calmement. Je ne voulais pas te vexer, je voulais que tu comprennes qu’il faut pas que tu te berces trop d’illusions, sinon tu seras déçu. C’est pour ton bien que je disais ça.

- Maria, est-ce que t’arrives vraiment à te projeter dans un métier de fonctionnaire ? Lui demanda Wilhelm. Si tu renonces à ta passion, est-ce que tu penses que tu ne le regretteras pas ? Penses-y aussi.

Maria rentra chez elle. Wilhelm l’observa rentrer chez elle, et rentra chez lui. Lui aussi habitait encore chez ses parents, mais pas dans la même ville que Maria. Sa mère était encore devant la télé et lui demanda si son concert s’était bien passé. Il répondit affirmativement à la question, puis alla se coucher. Cette soirée l’avait profondément épuisé et puis surtout, il avait besoin de faire le point dans sa tête.

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