Chapitre 2
Une semaine plus tard, Wilhelm partit récupérer Maria puis ils allèrent à Munich, pour jouer au Shamrock, le bar tenu par Herbert Weissmann. L’homme les accueillit chaleureusement, puis leur désigna la scène déjà montée et leur offrit à tous les deux une chope de bière. Ensemble, ils discutèrent et puis Herbert leur annonça.
- Ca va faire deux ans que vous jouez régulièrement ici, et que vous allez parfois faire vos petits concerts à droite à gauche, commença-t-il. Je me suis dit qu’un talent comme ça, on ne peut pas le laisser passer. Vous êtes jeunes, vous méritez de monter plus haut que ça. Alors avec mon épouse, on a eu une idée géniale.
- Tu vas augmenter notre paie ? Demanda Maria, en posant sa bière.
- Mieux que ça ! Fit l’homme en lui remplissant de nouveau la chope.
- Je ne vois pas du tout, intervint Wilhelm.
- Ma femme, Veronica, a sa cousine qui est amie avec un producteur de musique, lâcha Herbert. Elle lui a dit que vous aviez du talent, que vous dégagez des bonnes énergies et elle l’a invité à venir vous voir ce soir.
Wilhelm et Maria sautèrent de joie et se prirent dans les bras en s’embrassant. Herbert se mit à rire, avant de reprendre.
- Il s’appelle Jürgen Moser et il a déjà été producteur pour pas mal d’artistes plus ou moins connus. On s’est dit qu’il fallait qu’on vous donne votre chance, et je peux vous dire qu’avec Veronica nous sommes très fier de vous avoir recommandé.
Herbert trinqua avec eux, même si pour le moment rien n’était décidé. Moser arriva peu avant le début du concert, en même temps que des habitués qui vinrent pour écouter le duo. Moser était celui qui déteignait le plus avec le reste du public qui était composé d’hommes de classe moyenne, ainsi que de jeunes couples qui faisaient un rencard. Moser portait une chemise noire avec un jean et avait un long manteau. Tous les deux le virent s’asseoir en face d’eux, commandant lui aussi une bière et attendant impatiemment que les artistes se produisent. Wilhelm et Maria étaient stressés, car ils avaient peur de décevoir le producteur, ainsi qu’Herbert et les habitués. La première chanson qu’ils firent en duo était « Smoke on the Water » de Deep Purple qu’ils connaissaient parfaitement, puis ils enchaînèrent avec des tubes des Beatles et enfin les Rolling Stones. C’étaient trois groupes qui avaient influencés leur adolescence. C’était pas facile à jouer en duo, mais pour eux cela avait une importance capitale. A la fin du concert, Herbert désigna les deux artistes à Moser, puis les isola dans son bureau. Moser prit directement la place du patron et Wilhelm laissa la chaise à Maria.
- Bon, je vais aller droit au but avec vous, les jeunes, commença le producteur. Je suis vraiment heureux d’avoir fait ce déplacement ici pour vous voir chanter. C’était vraiment super, vous avez su mettre une bonne énergie ce soir. Herbert a été très heureux de faire de la pub pour vous. Il vous aime bien, et il a fait un constat très juste sur vous. Votre complicité se ressentait. Je suppose que vous vous connaissez de longues dates ?
- Tout à fait, confirma Maria. En fait, nous sommes des amis d’enfance.
- C’est génial ça ! Les gens aiment bien les duos comme vous sur scène parce que ça donne l’impression qu’il s’agit d’un vrai couple. Ca donne une sorte d’ambiance, d’atmosphère romantique. Ca fait du bien d’entendre de la musique positive, d’ailleurs.
- Seulement, nous ne sommes pas du tout familier avec de la musique romantique. On aime plutôt le rock, intervint Wilhelm.
- Je suis sûr que si vous écriviez vous-mêmes vos propres chansons, votre succès serait décuplé, fit le producteur en souriant.
- C’est ce que je pense aussi, dit Wilhelm en repensant à la discussion qu’il avait eu avec Maria.
- Bien, c’est ce que je cherche. En fait, je ne vous cache pas qu’actuellement je voyage entre l’Allemagne, la Suisse, la Belgique et les Pays-Bas pour trouver la perle rare et je crois que ce soir, je suis arrivé à la trouver.
- Ca veut dire que vous êtes prêt à nous donner une chance !? S’exclama Maria.
- Tout à fait, confirma Jürgen qui sortit de sa poche une carte de visite. Tenez, j’ai mon bureau qui est à Francfort. Je n’ai malheureusement pas d’agenda sur moi, donc je vous prie d’appeler ma secrétaire qui s’occupera de ça. Et ne vous inquiétez pas pour le trajet et l’hôtel, c’est moi qui vous paierait l’avion et l’hôtel.
Moser leur serra la main avant de quitter le bar. Maria et Wilhelm restèrent dans le bureau, puis dès que la porte fut fermée, ils sautèrent de joie et se serrèrent dans les bras. Maria pleurait de joie, Wilhelm comprenait ce qui venait de se passer et réalisa ce que ce rendez-vous aller signifier pour eux : le début d’une carrière dans la musique en Allemagne de l’Ouest. Cette fin d’année ne pouvait qu’être bonne après cette nouvelle ! Herbert les rejoignit avec une bouteille de champagne et des verres. « Désolé de pas avoir sorti les coupes » annonça-t-il en le servant dans des verres à Coca. Tous les trois discutèrent ensemble, heureux que ce rendez-vous se soit aussi bien passé.
Le père de Wilhelm, Kurt, était en train de regarder la télé dans le salon. L’homme se leva pour retrouver son fils dans la cuisine et discuta un peu avec lui. Wilhelm lui raconta l’entrevue faite avec Moser. Kurt prit une chaise pour s’y asseoir et dit.
- C’est très bien, fiston, que t’aies un rêve et que tu veuilles monter, mais la musique, c’est un truc qui peut vite devenir dépassé. Je n’ai rien contre que tu deviennes une vedette – de toute façon c’est pas ma vie - , mais faut que tu sois conscient que ce n’est pas une vie de tout repos.
- On aura pas une deuxième chance, avec Maria. C’est maintenant ou jamais ! Répliqua Wilhelm, un peu irrité.
- Vous faites tous les deux des études qui mèneront à des métiers qui seront bien plus utiles qu’un duo de chanteurs qui finira par tomber dans l’oubli dans vingt ans.
- Des futurs ingénieurs et des futurs profs de langue, il y en aura toujours, papa ! Un duo avec beaucoup de talents et qui a de grandes chances de se faire un nom, ça ils sont plus rares et nous on a cette opportunité ! En plus, Herbert est un mec fiable !
Kurt retira ses lunettes pour les essuyer sur son dessus de pyjama. Il était dessinateur industriel chez BMW, et pour lui le monde n’avait pas besoin d’artistes. Le monde, il avait besoin d’ingénieurs, de techniciens et de designers qui savaient comment plaire en faisant une voiture qui saura plaire à son futur propriétaire. Pourtant, Kurt adorait la musique, mais il ne considérait pas ça comme un besoin vital pour l’Allemagne.
- Fais ce que tu veux. T’es assez grand pour décider de ton avenir, mais par contre je veux pas qu’un jour tu viennes ici pleurer parce qu’il t’es arrivé une merde, finit-il en retournant devant la télé.
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