Chapitre 16

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Dans la loge du studio de télévision, Wilhelm et Maria étaient en train de passer au maquillage, puis ils enfilèrent leur costume. Quand ils se retrouvèrent pour monter sur le plateau, ils s’échangèrent un baiser, et une fois sur scène, ils eurent droit à un accueil des plus chaleureux. Quand la chanson commença, Maria se mit à remuer des lèvres et puis quelques instants plus tard, le son fut coupé. Les spectateurs furent médusés, puis se mirent à les huer. La piste musicale se remit en place, mais le son était totalement désynchronisé et de toute façon, dès que les spectateurs se mirent à les huer, Wilhelm avait pris sa guitare pour l’exploser violemment contre une caméra. Le cameraman chuta après avoir essayé de retirer les câbles.

Des agents de sécurité vinrent pour remettre de l’ordre et Maria regarda le spectacle qui se déroulait sous yeux d’un air effrayée. Son intuition venait de se confirmer à l’instant même. Leur carrière était désormais détruite. Wilhelm fut placé en garde-à-vue et une plainte fut déposée par le cameraman. Le policier en face de lui fit un rapport en notant les faits, puis posa quelques questions au guitariste.

- Ce cameraman vous a fait quoi pour vous comporter de manière aussi violente et aussi gratuite ? Demanda l’homme d’un air circonspect. Bon après, je vois que ce n’est pas la première fois que vous avez castagné quelqu’un. Je vois que vous avez été condamné à des dommages et intérêt pour un journaliste que vous avez frappé à Munich en décembre 1992.

- Vous aussi vous auriez envie de frapper un homme qui insiste lourdement pour voir votre femme qui se repose d’un accouchement, réagit Wilhelm. Ne soyez pas hypocrite je vous prie.

- La différence entre vous et moi, M. Müller, c’est que vous êtes une personnalité médiatique, pas moi.

- Vous voulez en venir où, au juste ? Que je n’ai pas le droit de défendre ma famille ?

- Vous êtes citoyen d’un pays où il y a des lois, et vous devriez savoir qu’on ne fait pas justice soi-même. Voilà tout. Bien, par rapport à la déposition, vous ne niez aucun des faits qu’on vous reproche ?

- Je serais bien con de dire que je n’ai pas frappé un mec alors que des caméras filmaient, reconnut de bonne foi Wilhelm.

Quand Moser eut écho de cette histoire immédiatement après l’arrestation de Wilhelm, cela ne lui fit ni chaud ni froid. Il savait très bien que ce duo finirait mal, et il ne s’était pas trompé. En fait, il avait fait en sorte qu’ils se ridiculisent devant l’Allemagne entière, et Wilhelm venait de mettre le dernier clou du cercueil de Bavaria. Moser voulut prendre des nouvelles de Maria et Wilhelm en les appelant séparément. Jürgen annonça que s’il n’obtenait pas des excuses publiques de leur part dans les cinq jours, le contrat serait rompu. Maria prit peur, parce qu’elle ne sentait aucunement responsable de cette « erreur » technique. A Garching, elle se mit à pleurer pendant plusieurs heures parce qu’elle se sentait désormais humiliée, et blessée. Martin rentra dans sa chambre, et fut secoué de voir sa fille roulée dans son lit, dos à la porte en train de pleurer.

- Ma chérie, tu arriveras à te défendre, crois-moi, lui dit-il. Il faut que tu dises aux journalistes que tu n’y es pour rien, que ce n’est pas toi la fautive et s’il y a bien une personne de malhonnête dans cette histoire, c’est bien Moser.

- Papa, comment tu peux croire que je puisse être forte face à un homme qui a des amis partout ? Demanda Maria, en prenant son père dans les bras et en continuant de pleurer.

- C’est le message qu’il veut vous faire passer. Dans la réalité, ce n’est qu’un homme qui se fait passer pour un homme puissant, mais je suis sûr que vous pouvez le détruire.

- On se fera détruire aussi. On ne pourra plus jamais chanter dans un autre studio.

- Maria, je veux que tu sois honnête avec toi-même. Tu m’as toujours dit que tu sentais que tu te faisais entuber par Moser, tu me disais même que ça te mettait mal à l’aise de recevoir de nombreux cadeaux de sa part, ainsi que des nouveaux vêtements de la part de sa femme. Ce que tu viens de vivre, ce n’était pas la vie que tu rêvais.

- C’est vrai.

- Tu m’avais dit que Wilhelm avait sympathisé avec une journaliste, n’est-ce pas ? Alors, organisez une conférence de presse, et racontez les faits. Essayez de le duper en disant que les excuses seront faites devant lui et vous balancerez votre dossier. Invitez également Karin et Leonard. Ils seront contents de vous les preniez en compte.

Maria décida de prendre son courage à deux mains pour retrouver Wilhelm dans son appartement. Elle se sentait étrangère à ce logement qu’ils avaient occupés et puis l’odeur de renfermé lui donna un haut-le-coeur. Il lui donna le numéro de Jutta Hammond, et ensemble ils l’appelèrent pour obtenir le numéro des autres journalistes. Au hasard, ils avaient choisi une salle dans un hôtel de Düsseldorf pour cette conférence de presse. Plus d’une dizaine de journalistes avaient répondus présents, et ils annoncèrent la tenue de cette conférence à leur producteur pour annoncer qu’ils allaient officiellement présenter les excuses à la caméra.

La date fut fixée au 15 septembre. L’hôtel avait merveilleusement alignés des chaises, des tables et avait aménagés un espace pour les caméras, ainsi que les photographes. Moser arriva tout sourire, avec ses lunettes de soleil, et un costume bleu marine. Quand il s’installa aux côtés de Maria et Wilehlm qu’il embrassa de manière amicale, Karin et Leonard arrivèrent dans l’allée centrale. Le producteur fut surpris de voir les deux présents alors qu’il pensait qu’ils ne se revoyaient plus.

Un silence pesant se fit sentir dans la salle. Le seul bruit qu’ils entendaient était le crépitement des flashs. Maria se servit délicatement d’un verre d’eau, tapota sur le micro pour vérifier qu’il marchait bien et commença à parler.

- Vous avez été nombreux à suivre notre chemin depuis 1987 jusqu’à aujourd’hui, commença-t-elle d’un ton solennel. Nous avons toujours été heureux de faire nos tournées, de discuter avec nos fans et d’avoir été un nouveau symbole de l’industrie musicale allemande. Je dis « été », car aujourd’hui nous arrêtons notre carrière.

Des journalistes firent des cris de surprise.

- Nous stoppons notre carrière, car celle-ci a été construite sur une immense injustice, reprit-elle. Cette injustice vient du fait que non seulement nous avons été victime d’un problème technique assez grave où en commençant à chanter, du playback a été fait alors que nous en avons jamais fait, mais parce que depuis le début de notre carrière, nous avions volés des chansons appartenant à ces artistes ci-présents, annonça Maria en désignant Karin et Leonard.

Moser voulut protester, mais Maria lui écrasa délicatement le pied avec le talon de ses bottines.

- Nous n’étions bien sûr pas au courant de tout cela. Nous sommes désolés pour Karin et Leonard qui n’auront pas connu le succès qu’ils méritaient. Une seule personne a été le cerveau de toute cette arnaque, dont nous sommes tous indignés, est présente à nos côtés. Il s’agit de Jürgen Moser.

A ces mots, les journalistes braquèrent les caméras et les appareils photos sur le producteur qui avait changé de tête. Son sourire venait de s’effacer immédiatement. A présent, il bondit de sa chaise et insulta copieusement les quatre jeunes gens. Wilhelm se leva brutalement pour le frapper, mais Maria et Leonard le retinrent avant qu’il n’essaya de lui frapper le visage. Quand le calme retomba au bout de vingt minutes, ce fut Maria, seule qui géra la suite de la conférence.

Moser, furieux, attrapa par le col Wilhelm et lui dit « Vous êtes ingrats ! J’ai tout fait pour vous propulser, et vous me chier à la gueule comme ça ! »

- Va falloir que vous expliquiez pourquoi vous faisiez comme si c’était Schmidt qui était le parolier alors que c’était Karin et Leonard ! Répondit Wilhelm violemment. C’est à nous quatre que vous devez rendre des comptes !

- Je ferais en sorte que vous soyez blacklisté de toutes les labels d’Allemagne. C’est fini pour vous, la chanson.

- Légalement, c’est vous qui êtes dans la merde ! Intervint Karin.

- Et vous quatre, vous avez désormais la réputation de ne pas être fiable, car vous allez vous retourner contre vos producteurs à chaque fois. Vous croyez qu’ils auront confiance en vous à présent ?

Maria avait tenue pendant plus d’une heure à répondre aux questions des journalistes. Tous semblaient choqués qu’un aussi grand producteur, qui avait l’air d’être un des plus clean de l’industrie musicale soit dans la réalité un immense salaud. Mais pour autant, Maria savait que cette histoire n’en resterait pas là.

Un matin de début octobre, un avocat se présenta à la villa de Garmich-Partenkirchen des Müller. L’homme alla s’installer confortablement dans le canapé du salon, et fit un récapitulatif des faits puis annonça.

- Etant donné que vous avez publiquement annoncé la fin de votre carrière, donc la fin du contrat avec M. Jürgen Moser, votre producteur, vous allez devoir rendre tous les objets qu’il vous a laissés.

- Attendez, je comprends pas, fit Maria. Ce n’était pas des cadeaux ?

- Non, tous les objets que vous avez pu avoir depuis le début de la signature du contrat sont la propriété exclusive de M. Jürgen Moser, ainsi que de son épouse Marie-Sophie Bouquet. Il était précisé qu’en cas de rupture de contrat, vous devriez rendre tous les objets lui appartenant.

- Je comprends pas comment un monstre comme lui peut continuer d’exercer, fit froidement Wilhelm. Ca veut dire que ma Mercedes, ma Ferrari, tout ne m’ont jamais appartenu.

- Vous avez tout à fait compris la situation, réagit l’avocat. Il m’a chargé de vous donner cet inventaire qu’il a lui-même fait et avec toutes les factures mises à son nom. Cet inventaire comprend tous ce qui lui appartient, qui sont à son nom depuis la signature de votre contrat jusqu’à aujourd’hui.

- Mon Dieu, on va devoir aller au tribunal ! Réagit Maria en mettant sa main devant la bouche. On va être complètement dépouillé !

- Ca tombe bien que vous parliez du tribunal, car mon client souhaite vous attaquer pour diffamation et atteinte à son honneur. De par votre conférence de presse que vous avez faites à Düsseldorf, vous l’avez attaqué gratuitement et depuis, il m’a confié avoir du mal à dormir.

- Parce que vous croyez qu’on dort mieux que lui actuellement !?

Wilhelm préféra rester silencieux. Il n’avait plus envie de se battre parce qu’il s’avouait vaincu, et cela lui laissait un goût amer dans la bouche. Entendant sa femme s’énerver, il lui posa la main sur la cuisse comme pour lui demander de se taire, mais elle avait envie de se défendre. Ils se retrouvaient à présent au pied du mur. Le jeune homme n’arrivait pas à ressentir la moindre émotion . Il préférait être dans une sorte de déni, en se disant que ce n’était qu’un mauvais rêve, plutôt que d’affronter cette douloureuse réalité.

- Bon, écoutez, on sera quatre à prendre un avocat pour nous défendre, conclua Maria. Car il est hors de question qu’on se laisse briser par ce salaud.

- Je vous en prie, ne soyez pas insultante. Mais sachez que vous n’êtes pas en position de force. C’est moi qui vous le dit. Je veux que vous sachiez que si jamais mon client gagne ce procès, vous allez devoir lui verser de nombreux dommages et intérêts non seulement pour calomnie, mais en plus pour diffamation.

- C’est pas juste.

- Peut être, mais ce sont les règles du jeu. En attendant, je vous souhaite une bonne journée. Quant à vous M. Müller, ajouta-t-il en regardant Wilhelm, je ne peux que vous inviter à rassembler tous les biens appartenant à mon client.

Maria eut une furieuse envie de jeter un vase pour briser la vitre arrière de l’Audi de l’avocat. La seule chose qu’elle fit ne fut que de regarder le nuage de poussière que la berline laissa derrière elle et de regarder les Alpes bavaroises. Dans la semaine qui suivit, ils reçurent de nombreux colis de la part de Moser avec des magazines de tous les pays qui avaient fait de cette affaire la Une. Toute la presse européenne en parlait, la presse russe également et aussi la presse australienne. Il s’agissait d’une affaire internationale. Les seuls journalistes qui soutenaient les Müller étaient la presse américaine qui confirmait bien qu’il s’agissait d’une injustice, avec sans doute un combat dans les tribunaux digne de David et Goliath. En clair, en cas de procès, cela paraissait évident qu’ils perdraient. De nombreux fans leur envoyaient des lettres d’insultes, parfois de menace car ils se sentaient trompés. D’autres leur envoyaient des lettres de sympathies pour exprimer leur solidarité.

En lisant tout ça, les deux artistes ne savaient pas comment prendre les insultes. Ils avaient du mal à en vouloir à ces fans haineux, car ils n’avaient pas tous les détails de l’histoire et puis, certains en profitaient pour se défouler.

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