VII. Loarwenn

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Durant les mois suivants, Loarwenn et Rowan prirent l’habitude de s’éclipser le temps de quelques duels. Invariablement, la Morrigane et le Faë passaient également du temps à discuter avant de rejoindre le reste des jeunes nobles, devant vite étonnamment proches pour des amis qui ne se voyaient que très rarement.
Dès leur seconde escapade, la jeune Morrigane avait remarqué un changement bienvenu chez le Faë, qui avait enfin cessé de cacher ses ailes si magnifiques sous capes ou manteaux, mais les arborait au contraire fièrement, des anneaux brillants venant les orner et les rendant encore plus fascinantes à ses yeux.
Rowan lui avait raconté avec animation ses escapades chez son grand-père – tout d’abord pour choisir sa future monture, puis au fil des mois, pour s’assurer qu’il éduque bien ladite monture en question.
Loarwenn ignorait si les cawrgis étaient uniques à ce monde, ou si elle n’en avait simplement jamais entendu parler en tant qu’Enora. Quoi qu’il en soit, les bêtes semblaient captivantes – et hilarantes – d’une part, c’étaient de puissantes montures de guerre, ayant mené les quatre royaumes d’outre-Manche à de nombreuses victoires… Et d’autre part, les cawrgis avaient gardé de leurs ancêtres miniature tout ce qui faisait d’eux des chiens – ultra-affectueux, facétieux et adorant être le centre de toutes les attentions.
À peine âgé de quelques mois, le chiot de Rowan lui arrivait déjà à la taille, et semait le chaos au manoir familial de celui-ci, faisait regretter à la Morrigane que les photographies, quoique déjà inventées, ne soient pas encore suffisamment démocratisées pour qu’elle puisse en réclamer une de l’adorable créature si facilement !

À dire vrai, grâce à sa monture, Rowan n’était plus strictement obligé de se cacher de son cousin, puisqu’il avait à présent l’obligation d’apprendre à combattre au sabre de cavalerie, en vue d’un jour être capable de combattre sur le dos de son cawrgi.

Cependant, le Korrigan était suffisamment agaçant pour leur faire apprécier le calme que leur apportait le fait de s’éclipser. Au fil de leurs escapades, le reste de leurs amis – et, bien sûr, Loargann – prirent progressivement l’habitude de les rejoindre.
Même s’il était évident que Rowan était le meilleur ami de Loarwenn, même Loargann avait fini par se faire au Faë, tant et si bien qu’à l’approche de leur septième anniversaire, il leur apparut comme aberrant qu’ils ne puissent voir le garçon que de manière si sporadique, alors qu’ils voyaient le reste de leurs amis de plusieurs fois par semaine à plusieurs fois par mois en fonction de leur résidence.
Loarwenn et Loargann déployèrent donc leurs yeux doux les plus efficaces au détour d’un souper – convainquant leur père, à dire vrai, sans trop de peine, qu’inviter le futur kont San Brieg comme compagnon d’études était une bonne idée.

Quelques discussions entre Elouan ar C’hastel et Alan ar Ro’han plus tard, et Rowan devenait un visiteur régulier au château de Brest, y passant les deux premiers jours de la semaine avec Loarwenn, Loargann – mais également Riwanon, Selaven, Fragan et Macha.
Les jumeaux eux-mêmes voyageaient à présent également pour leurs études. Loargann, dont le talent pour la caellimancie d’eau grandissait de jour en jour, était à présent l’un des rares Ene Bihan à être le bienvenu au fort de Kerdraon-dindan-mor(29), demeure de Selaven et l’une des rares villes sous-marines de Bretagne. Loarwenn quant à elle, avait commencé à manifester un talent pour la caellimancie de glace, héritée de la famille de sa mère, des cristaux de glace se mêlant à présent aux perles d’eau dans sa chevelure – le temps que Loargann passait chez les Morgazhoù, elle passait donc au château de Lanniron.
Bien entendu, les deux jeunes Ene Bihan n’étaient pas les seuls à développer leur haute magie.
Fragan, s’il n’avait pas hérité de la caellimancie de glace de sa famille, développa en revanche un don de contrôle de la nature plus avancés encore que la caellimancie de terre basique.
Selaven travaillait en permanence sur sa biomorphose, puisqu’elle lui était essentielle pour participer à la vie sur terre.
Rowan s’était découvert au contact de son cawrgi un talent de bestias lyra(30) – et si l’on aurait pu croire que pouvoir parler avec son chien aurait pu l’aider à l’éduquer, ce n’était visiblement pas le cas.
Riwanon n’avait pour l’instant pas manifesté de magie autre que sa caellimancie de terre, mais s’en contentait tout à fait.
Enfin, Macha avait, a la stupeur de son père, commencé à manifester des talents de Ved’ma(31), les fameuses – ou in-fameuse, c’était selon – Sorcières(32) Russes, une espèce au nombre très réduit, mais qui gouvernait son immense territoire d’une poigne de fer. La jeune Lesovik avait été tout aussi surprise que son père. Cependant, elle était plus agacée qu’honorée par cet héritage – elle qui rêvait de devenir chevalier comme son père, la magie n’était pas vraiment le cœur de ses préoccupations !

Rowan s’était si bien intégré parmi le groupe de jeunes nobles qu’il leur arrivait parfois d’oublier que son ajout à leur groupe était récent. Mais si la plupart d’entre eux, aussi sérieusement qu’ils prennent leur éducation, n’avait qu’un sujet de prédilection dans lequel ils excellaient vraiment, le Faë, à l’image de Loarwenn, excellait dans tous les domaines. Au-delà de l’amitié forte qui les avait si rapidement liés, les deux enfants devinrent naturellement rivaux sur tous les sujets qu’ils étudiaient.
Bien entendu, c’était une rivalité sans inimité, bien différente de celle qui liait Gwilherm et Rowan !
Par instants, Loarwenn se sentait un peu stupide de se laisser aller à une telle rivalité avec le garçon alors qu’elle avait tant d’années de souvenirs en plus. Heureusement, Loargann était toujours là pour s’apercevoir de ses angoisses avant qu’elles n’aient le temps de se développer, et de lui rappeler qu’elle était Loarwenn et pas Enora – souvenirs ou pas, Loarwenn n’était ni plus ni moins qu’une petite fille.
Une petite fille un peu plus mature que la moyenne, et avec un savoir plus étendu que la normale, mais une petite fille quand même, autorisée à s’amuser, mais également à avoir des rivalités ! Et, vu sa maturité et de ses connaissances – le simple fait que Rowan soit capable de la concurrencer sur tant de sujets était tout bonnement extraordinaire, même si le Faë ne s’en rendait pas compte.

Les mois passèrent à toute vitesse, et Loarwenn et Loargann, à présent tous deux âgés de sept ans, étaient prêts pour leur moyenne présentation(33). En d’autres termes, leur première participation à la réception d’été annuelle organisée par la famille royale, et à laquelle toute la haute noblesse et les familles les plus réputés de la moyenne noblesse se devaient de participer.
De leur groupe d’amis, seul Rowan avait déjà assisté au banquet d’été. En effet, Riwanon et Macha appartenaient toutes deux à la basse noblesse, tandis que les parents de Selaven et Fragan, tous deux de la moyenne noblesse comme le Faë, n’avait pas jugé bon de faire le déplacement jusqu'à Versailles.
Les jumeaux avaient donc longuement interrogé le garçon sur l’évènement – et ce qu’il leur avait raconté ne les avaient pas transcendés…
Aux regards dégoûtés partagés par le frère et la sœur, le Faë avait éclaté de rire.
« Il va bien falloir vous y faire ! Surtout toi Loargann, quand tu succéderas à ton père, tu ne pourras guère éviter ce genre de corvées. Loarwenn peut-être, si elle hérite simplement du Bro Leon. »
Le regard bleu clair du Morrigan s’assombrit, et il grommela.
« Plus j’en apprends, moins cette histoire de dugelezh m’intéresse... »
Leurs amis avaient éclaté de rire – mais Loarwenn avait jeté un regard songeur à son frère, dont le ton avait été bien plus sérieux que les autres n’avaient réalisé.

Aux premiers jours de Juillet1907, les jumeaux avaient été levés à l’aube par les deux nounous qui s’occupaient d’eux depuis leur plus tendre enfance.
Un long bain relaxant plus tard – dont tous les bienfaits avaient vite disparu au vu du chaos qui s’ensuivit – et lesdites nounous avaient commencé à les habiller. Loarwenn avait été horrifiée – s’il lui était arrivé de prendre plusieurs heures pour s’apprêter en tant qu’Enora, c’était en tant qu’adulte, ou à la limite en fin d’adolescence !
Pire, cette fois, elle n’avait pu échapper à la robe – même si fort heureusement, sa mère avait été clémente, sachant bien à quel point la jeune Morrigane était active. Sa légère robe en mousseline de soie de style Grecque ancien, semblable à celle de sa mère, quoique plus innocente, était assortie de collants qui la laissaient libre de ses mouvements. Même la ceinture tissée entrelaçant sa taille était suffisamment solide pour supporter le poids d’une arme si jamais il lui prenait l’envie de participer à un quelconque duel.
À ses côtés, Loargann endurait stoïquement la séance d’habillage, vêtu pour sa part d’un costume un peu plus traditionnel composé de culottes courtes, d’une chemise et d’un gilet brodé. Si rien ne se lisait sur son visage, la Morrigane entendait en revanche le moindre de ses grognements agacés dans son esprit !

Enfin, les jumeaux, apprêtés, purent rejoindre leurs parents.
Ceux-ci avaient endossé une version plus adulte et élaborée de ce qu’ils portaient eux-mêmes, formant une image absolument adorable. Si les nobles de la région Parisienne réagissaient comme ceux de Bretagne, Loarwenn pouvait déjà imaginer les cris admiratifs des dames de la société – et une fois de plus, Awena ar C’hastel risquait fort de lancer une nouvelle mode.
La famille monta dans le luxueux carrosse, orné des armoiries de la Bretagne, qui n’était utilisé que pour les grandes occasions, et ils rejoignirent promptement la magna porta toute proche, devant laquelle une file de calèches et autres carrosses en tout genre attendait déjà.
À l’arrivée du duged et de sa famille, la file s’écarta naturellement pour les laisser passer, et Loarwenn frémit alors qu’ils approchaient l’immense dolmen, la magie accumulée dans les airs provoquant des picotements au bout de ses doigts.
En un instant, elle sentit la panique l’envahir, le puissant bruissement de magie ressemblant bien trop à celui qu’Enora avait entendu avant de mourir, son corps détruit – ou peut-être perdu quelque part entre les mondes…
La jeune Morrigane ne s'aperçut qu’elle avait fermé les yeux, dans l’attente d’une vague de douleur, que quand elle sentit la main de son frère se poser sur son bras, et le garçon lui envoyer un puissant sentiment de confort.
« On est passé, Wenn. »
Elle rouvrit les yeux, pas franchement surprise de sentir des larmes couler le long de ses joues – elle avait vraiment été terrifiée que passer à travers l’arche enchanté allait une nouvelle fois la projeter hors de son corps et à travers les dimensions.
À en juger son regard compréhensif, Loargann comprenait ce qui lui était arrivé – il avait vu bien assez souvent dans ses cauchemars ses derniers instants en tant qu’Enora Casteleyn.
Ses parents la regardaient avec inquiétude – et elle réalisa que le carrosse était à l’arrêt sur le bord de la route.

Finalement, les ar C’hastel arrivèrent près d’une heure plus tard qu'escompté au château de Versailles– et malgré les pleurs de Loarwenn et la séance de câlins en famille qui c'en était suivi, l’apparence de la famille était parfaite, grâce à l’ingéniosité et aux talents en basse magie de la dugez Breizh.

Rowan, dont le carrosse familial était passé devant le leur un peu plus tôt, capta son regard avec inquiétude, devinant immédiatement que quelque chose n’allait pas chez la jeune Morrigane. Il se dirigea donc immédiatement vers les jumeaux, attrapant sur le buffet une part de forêt noire, l’un de ses desserts préférés, faisant sourire la Morrigane – et provoquant un hochement de tête approbateur de la part de son frère.
Loarwenn adressa un sourire reconnaissant à son meilleur ami, le gâteau chocolaté achevant de lui remonter le moral.
La terreur qui l’avait saisie devant la magna porta l’avait prise par surprise – elle avait déjà pris les parva porta à travers toute la Bretagne de nombreuses fois, sans aucun problème. Et bien qu’elle ait été prévenue de la puissance impressionnante de la version plus ancienne des arches de téléportation, jamais elle n’aurait imaginé réagir de la sorte face à celles-ci.
Elle voyait bien au regard intrigué de Rowan qu’il se demandait ce qu’il avait bien pu se passer pour forcer la famille à attendre près d’une heure sur le bas-côté entre Paris et Versailles – mais le jeune Faë comprenait bien que ce n’était pas le moment de poser la question.
Pour l’heure, Loarwenn plaqua un grand sourire sur son visage, et encadrée par Loargann et Rowan s’avança vers la partie des pelouses du château où les enfants de la haute et moyenne noblesse Francianne étaient rassemblés.
Fort heureusement, il n’y avait pas autant d’enfants qu’elle ne l’avait craint – s’il y avait plusieurs centaines de nobles de toutes espèces discutant, cocktails et petits fours en mains, de tout et n’importe quoi, il n’y avait que quelques dizaines d’enfants sur les pelouses ou avaient été préparés arènes de duel, cibles pour les concours d’archerie et de magie et terrains de ballon-gargouille et autres jeux plus enfantins.
Elle aperçut tout autant de jeunes nobles un peu plus loin, avec leurs propres aires de duel et cibles de tir délimités – et en déduisit aisément qu’il s’agissait des adolescents, ayant déjà passé leur grande présentation(34), mais dont on n’attendait pas encore qu’ils puissent suivre toutes les conversations des adultes.

Comme Rowan les avait prévenus – bien que la réception se tienne en plein air, l’endroit était richement décoré.
Des fées virevoltaient dans les airs, les facétieuses créatures laissant derrière elle des traînées de paillettes dans les airs et apportant une ambiance charmante à la fête. Des centaines de loupiotes flottaient dans les airs, pour l’instant éteintes, mais prêtes à s’illuminer dès que la nuit tomberait. De larges tables, recouvertes de mets raffinés et décorées de nappes et autres chemins de table richement ouvragés, étaient disponibles dans les trois aires destinées aux enfants, adolescents et adultes, accompagnée d’une véritable armée de serveurs qui surveillaient que rien ne vienne à manquer.
Les nobles ne faisaient qu’ajouter à l’extravagance des lieux, puisqu’il aurait été impensable de ne pas revêtir sa meilleure tenue pour une fête organisée par la famille royale.
Fort heureusement pour les dames, les tenues, aussi colorées et élaborées soient-elles, n’étaient plus aussi encombrantes qu’elles l’avaient été sous le règne des Bourbons, la révolution et Bonaparte étant passé par là. Ici, les robes styles empire comme celles qu’affectionnait sa mère faisaient leur retour, les toilettes féminines s’allégeant, et mieux encore, les corsets disparaissant, même si l'on en voyait encore quelques-uns çà et là.
Loarwenn fut agréablement surprise de constater qu’elle était loin d’être la seule fille dont la tenue était visiblement adaptée pour laisser aux jeunes nobles la gamme de mouvements nécessaires pour les jeux les plus agités et les duels.
Ils saluèrent les enfants assemblés autour de la fontaine de punch sans alcool, se faisant une idée de qui était qui grâce aux couleurs de leurs tenues, mais sans connaître personne, puisque c’était la première fois que les jumeaux quittaient leur dugelezh natal.

Enfin, ayant suffisamment fait acte de présence pour pouvoir s’isoler discrètement sans que cela ne paraisse impoli, les jumeaux et Rowan trouvèrent un large chêne contre lequel s’adosser avec un pichet de jus de fruits et une assiette de sucreries diverses.
« Alors ? » le jeune Faë demanda immédiatement, observant Loarwenn avec un regard inquiet
La jeune Morrigane hésita un instant, mais un encouragement mental de Loargann lui fit trouver son courage.
« J’ai eu une mauvaise réaction à la magna porta. » admit-elle « La magie autour de l’arche… Ressemble énormément à celle qui a mené à mort. »
Les yeux du Faë s’agrandirent sous le coup de la surprise, mais il n’y avait aucuns doutes dans son regard. Même s’il ne comprenait pas tout à la situation, il ne lui était pas venu à l’esprit de mettre en doute sa parole. À la place, il attendit patiemment – et en quelques phrases, Loarwenn évoqua Enora, sa vie – et sa réincarnation.
Rowan avait posé de nombreuses questions, évoquant immédiatement les similitudes de sa situation avec les Latéraux – ni Loarwenn, li Loargann n’avait été surpris qu’il en sache autant sur le sujet, vu sa passion pour les magies modernes. Nombres d’innovations magiques avaient été provoqués par des Latéraux à travers les âges !
« Tout ira bien pour rentrer à Brest? » avait rapidement demandé le garçon, inquiet du bien-être de Loarwenn malgré sa curiosité quant à Enora et son monde
La Morrigane lui sourit chaleureusement, appréciant immensément sa gentillesse – elle remarqua que même Loargann lançait un regard approbateur au Faë, partageant visiblement son opinion.
« Ce n’était qu’une crise de panique. » le rassura-t-elle – et se rassurant elle-même au passage « Maintenant que je suis avertie, cela devrait mieux se passer. » un haussement d’épaules « Et puis, les magna portae sont essentielles pour voyager, et je ne compte pas passer toute ma vie à Brest ! Il va bien falloir que je m’y fasse ! »

Tentant de dissimuler la pointe d’inquiétude subsistant à l’idée, Loarwenn sauta sur ses pieds, affichant un sourire plus sûr d’elle qu’elle ne l’était vraiment.
« Assez de larmoiement ! C’est la première fois que Gann et moi mettons les pieds à Versailles ! Allons explorer ! »
Loargann leva les yeux au ciel « C’est un palais royal, Wenn, pas une ruine ancienne à explorer ! »
« Ça, c’est parce que tu manques d’imagination, Gann ! » rétorqua la jeune fille, son enthousiasme devenant un peu plus réel à chaque seconde
D’un vaste mouvement, elle engloba les environs « Le Roi-Soleil a vécu ici ! Louis XVI ! Trois lignes telluriques de surface se croisent si près du sol qu’elles ont créé un puits de mana sous les fondations du vieux moulin, l’imprégnant tellement de magie qu’il fut impossible de le détruire quand Louis XIV ordonna la construction du château ! »
Continuant de débiter des faits historiques, elle entraîna Rowan et Loargann avec elle, les entraînant à travers les jardins du château sous le regard indulgent des chevaliers postés à travers le domaine royal.

Le moulin à vent évoqué par la Morrigane était aisément visible dans les jardins, entouré d’une large pelouse fleurit et d’une barrière de bois autour de laquelle des gardes étaient postés. Pas des chevaliers, cette fois, Loarwenn remarqua, mais des mousquetaires du roi. Elle se demanda ce qui motivait le changement de garde. En effet, il était de notoriété courante qu’il existait une rivalité entre les chevaliers ayant juré allégeance à la famille du roi et les mousquetaires, dont l’allégeance était à la couronne elle-même plus qu’à la famille la possédant.
Elle fut tirée de ses pensées par une jeune fille, aux courtes oreilles pointues et aux grands yeux vert pomme, marqués d’une pupille verticale semblable à celle d’un chat, indiquant que c’était probablement une gnome, qui attendait anxieusement non loin des mousquetaires.
« Vous allez voir le moulin ? » demanda-t-elle timidement, une main triturant ses courtes boucles châtains
« Précisément ! » Loarwenn confirma avec un sourire « Tu veux venir ? »
« Je ne veux pas m’imposer... » la jeune gnome hésita
« On a toujours besoins de plus de compagnons d’aventure ! » la rassura immédiatement la Morrigane « J’espère qu’on pourra voir le puits ! »
À l’évocation de l’émanation magique, le regard de la jeune gnome s’anima soudain, et c’est toute timidité oubliée qu’elle confirma qu’elle rêvait de voir le puits de mana – discutant avec animation du phénomène magique rare, les quatre jeunes nobles furent bientôt devant le portillon encadré de deux mousquetaires en livrée bleue et chapeau à plume.
L’un des deux hommes leur expliqua qu’ils devaient enregistrer leur identité pour pouvoir entrer dans les lieux – faisant la jeune gnome avec laquelle ils avaient terminé le trajet réaliser avec effarement qu’elle avait oublié de se présenter, trop occupée à parler du puits de mana !
Les jumeaux et Rowan la rassurèrent bien vite, et présentations faites – la jeune gnome se nommait Lotti de Leuven, et était la fille du marquis de Lunéville – et registre signé, ils purent passer le portillon.

Le vieux moulin à vent semblait sortir d’un livre d’Histoire, la large tour de pierre, presque recouverte de lierre, en excellent état grâce à la magie ambiante. C’était également cette magie qui faisait tourner les pales du moulin lentement, malgré l’absence de vent, et flotter des pans entiers de la structure au-dessus du sol, dévoilant le puits de mana lui-même – une concentration de mana si intense qu’elle en était visible, condensée en un large rayon aux multiples couleurs irisées, dont la source disparaissait dans les profondeurs.

Si la magie était tout aussi puissante, voire plus encore, qu’aux abords des magna portae, la sensation qu’elle provoquait n’était absolument pas la même. Probablement parce que les portae étaient des engins de téléportation, alors que le puits de mana était un phénomène naturel sans aucune utilisation immédiate.
Ou plutôt…
Loarwenn pencha la tête sur le côté, et ignorant les cris de surprise de son frère, Rowan et Lotti, s’approcha un peu plus de la source de magie. Le puits de mana n’était peut-être pas fait pour téléporter les gens comme les portae, en revanche, la sensation magique qu’il évoquait lui était tout de même très familière.
Ou plus précisément, très familière à Enora.
« Tu avais tort Gann, » murmura-t-elle, plus concentrée sur ce qu’elle était en train de découvrir que sur ses compagnons « Il y a bel et bien des ruines paléomagos sous Versailles. »

29 Kerdraon-dindan-mor : Kerdraon sous mer, plus grande ville des marches maritimes d’Ouessant, qui a la particularité d’être une ville sous-marine

30 Bestias lyra : type de haute magie permettant de communiquer avec les créatures magiques

31 Ved’ma : espèce magique d’origine Russe aux talents magiques puissants et versatiles, les mâles, ou Ved’mak sont rarissime. Les Ved’mas sont un sous-genre de Sorcières.

32 Sorcier/ère : terme utilisé pour rassembler les espèces magiques possédant une grande versatilité et puissance magique à l’image des Ved’mas.

33 Moyenne Présentation : désigne la première fois qu’un enfant noble âgé de plus sept ans apparaît à un évènement royal officiel, traditionnellement la réception d’été

34 Grande présentation : premier évènement formel de la noblesse auquel un jeune noble de douze ans assiste, auquel il n’est plus tenu de rester avec les enfants, mais peut se joindre aux adolescents et aux adultes

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