XXV. Loarwenn
Loarwenn sourit en se réveillant dans les bras de Rowan.
Le Faë resserra son étreinte quand elle commença à bouger pour se lever, la faisant rire – et Rowan ouvrir un œil encore embrumé de sommeil, s'apercevant que ce n’était pas son oreiller qui tentait de s’enfuir.
« Le fais que ces tatouages te permettent aussi d’avoir besoin de moins de sommeil est complètement injuste. » grommela le Faë mal réveillé
« Je peux te faire le tatouage approprié, si tu veux. » lui rétorqua la Morrigane en riant
Le Faë eu l’air surprenamment intéressé « Vraiment ? Ce n’est pas réservé à la tribu ? »
Loarwenn avait discuté des concepts derrière les tatouages Avalonans – mais avait effectivement encouragé les meisters à expérimenter avec des runes plus courantes. Déjà parce que chaque tribu Avalonane avait ses propres runes, réservées à leur tribu. Même si elle n’était plus dans leur monde, il aurait été irrespectueux de partager les parties de leur culture spécifiquement gardée secrète par la tribu qui l’avait adoptée. Mais, également, parce que les runes, comme la thaûmagraphie, fonctionnait généralement mieux quand la personne l’utilisant attribuait déjà des propriétés fortes aux graphes utilisés. Les Nobilians trouveraient probablement des runes fonctionnant mieux pour eux dans des alphabets runiques plus modernes.
« Tu as promis de m’épouser. » rappela-t-elle au Faë « Tu fais partie de ma tribu. »
« Alors, je veux ces tatouages. » affirma-t-il immédiatement, la surprenant un peu plus
Lisant sa surprise dans son regard, il expliqua, plus sérieusement « Tu ne les reverras sans doute plus jamais, mais durant une année, ils ont été ton peuple et ta famille. Que ce soit toi, Kieran, Louise, Gabriel ou Macha, il est impossible de nier l’influence qu’ils ont eu sur vous. Pas plus que je ne nierai l’influence qu’Enora Casteleyn a eu sur Loarwenn ar C’hastel. »
Il marqua un temps d’arrêt, le temps de lui adresser un sourire doux « Alors comme tu m’as tout dit de ta vie en tant qu’Enora, je veux tout savoir de ce que tu as vécu avec eux… Et, connaître toute leur culture. Après tout, tu l’as dit, c’est la mienne aussi à présent. »
Il tira gentiment sur une mèche ayant échappé à ses tresses pendant la nuit « Tu as bien fait l’effort de tout apprendre des Faë, c’est bien la moindre des choses que je retourne le geste, non ? »
Loarwenn resta bouche bée un instant.
« Comment fais-tu pour toujours me rendre plus amoureuse ? » ne put-elle s’empêcher de demander
La question fit monter le rouge aux joues du Faë – qui pour toute réponse, se contenta de l’attirer dans ses bras.
Finalement, près d’une heure s’écoula encore avant qu’ils ne quittent le lit.
Le petit-déjeuner fut animé, bon nombre des invités ayant passé la nuit sur la place, certains restants même quelques jours.
Le grand-père de Rowan avait vite exprimé son désir de voir Ki’Ruz, et avait été estomaqué de voir le petit cawrgi, devenu fameux pour son rôle dans les aventures du Karmzer Fougueux, dont la capacité de changer de taille était complètement inédite dans la race. Il avait été encore plus stupéfié d’apprendre que le chien de guerre avait même été capable d’apprendre une compétence de magie sacrée durant leur séjour en Infernia; apprenant à purifier ses propres blessures de toute corruption. C’était un événement sans précédent pour un animal ne possédant pas naturellement de magie sacré.
Quand les Faë Éireannes avaient quitté kastell Brest quelques jours plus tard, c’était en laissant une invitation à Loarwenn et son partenaire pour les visiter, ce qui avait empli de fierté la jeune femme. Après tout le cawrgi ne lui avait été cédé que parce que les Faë doutait que le chiot n’ait un quelque potentiel… Ki’Ruz leur avait donné tort sur toute la ligne, et plutôt que de tenter de nier les faits, ils semblaient prêt à en tirer des leçons.
« Qui sait, » avait dit Rowan, tout aussi fier qu’elle « peut-être qu’il va encourager grand-père à diversifier les lignées de Carraig Phádraig ! »
Si Paul, Nahimana et Gabriel étaient repartis assez vite, le gendarme n’ayant eu que quelques jours de permission, tandis que les deux héritiers princiers étaient tenus occupés par leurs nouvelles responsabilités, Lotti et Vinzans étaient restés plusieurs semaines.
Les deux Lorrains, dont les fiançailles avaient été officialisées aux tout débuts de la guerre, étaient inséparables, et il était évident aux yeux de tous que la prochaine célébration qui les rassemblerait – serait le mariage du couple.
Quant à Louise, qui, en tant que plus jeune des sept enfants du couple royal, n’avait guère plus qu’un titre de courtoisie, elle avait passé les mois suivant leur retour à profiter de sa famille comme jamais elle ne l’avait fait avant. Mais, elle avait vite commencé à tourner en rond.
La jeune princesse gâtée qu’elle avait été n’était plus qu’un lointain et mauvais souvenir, et le talent que la guerre avait fait éclore, était devenu indéniable durant leur année en Infernia.
Louise, comme Rowan ou Loarwenn elle-même, faisait partie de ces rares mages versatiles, tout aussi à l’aise armes en mains qu’au milieu d’une bibliothèque, et la cour royale était devenu un carcan insupportable pour elle.
C’était donc tout naturellement qu’elle était venue demander un poste de chevalier à la dugez-hêrez Breizh.
Après le tollé causé qu’avait causé Mihaïl Revazovitch Andronikov quand il avait abandonné son titre princier Russe, pour entrer au service de son père, Loarwenn n’aurait jamais imaginé voir le même scandale lui tomber dessus… Avec une princesse Francianne cette fois !
Mais, il lui avait été difficile de refuser la demande de la Lutin, quand elle comprenait si bien ses raisons. Elle avait donc accepté, faisant de la jeune femme le premier chevalier dont elle recevait le serment; quelque chose qui n’avait pas manqué d’attirer la jalousie de Riwanon, la baronez(82)-hêrez ayant prêté serment à son père durant la guerre.
Bien sûr, maintenant qu’elle vivait au kastell, il n’avait pas fallu longtemps à la princesse pour rencontre Fragan. Étant en train de finir ses études en Russie quand la guerre avait commencé, c’était tout naturellement que le Korrigan était resté là-bas durant les quatre années qu’avait duré le conflit.
Il en était revenu médaillé, et plus décidé que jamais à poursuivre sa passion pour les magies de la nature plutôt qu'une carrière dans les armes. Son caractère joyeux, voire parfois exubérant durant leur enfance, s’était passablement calmé – mais sa gentillesse naturelle était demeurée.
Il n’avait pas fallu plus de trois rencontres entre Louise et Fragan pour que le Korrigan, calme, mais pas timide pour autant, invite la princesse rougissante à un rendez-vous – qui s’était rapidement transformé en un second, puis un troisième… Tous à présent attendaient l’annonce de leurs fiançailles, tant il était évident que les deux se plaisaient.
Les semaines et les mois passant, l’emploi du temps de Loarwenn s’était vite rempli, le duged lui transférant de plus en plus de responsabilités, la préparer à prendre sa suite. Rowan passant également la plupart de son temps au kastell à présent, apprenant le fonctionnement de la forteresse pour pouvoir l’assister à terme, comme sa mère le faisait pour son père.
Il ne fallait pas s’y tromper; si sa mère était bien celle qui s’occupait de tâches considérées comme féminine comme l’organisation des réceptions ou la décoration, c’était aussi elle qui dirigeait la protection du kastell quand son père était absent.
Comme il le lui avait demandé, la Morrigane passait aussi ses soirées avec le Faë à lui parler des Avalonans – parfois seuls tous les deux, parfois dans le salon avec le reste de leur cercle familial.
De temps en temps, elle pensait, avec une d’inquiétude indéniable, à ce qui les attendait dans moins de vingt ans – mais elle ne se laissait jamais aller à trop s’appesantir sur le futur.
Ils avaient déjà survécu à la Première Guerre Mondiale – et comme Nahimana le disait si bien, ils seraient prêts pour le prochain conflit, alors autant tirer le meilleur de la paix en attendant.
« Fini ? »
« Fini. » confirma la Morrigane, reposant ses aiguilles
Elle avait choisi une encre verte, rappelant ses yeux, pour commencer d'inscrire les premiers symboles Avalonans. Pour l'instant, les symboles infusés de magie qu’elle avait tracés indiquaient que comme elle, le Faë appartenait à la tribu Bàràsteal, et étaient destinés à améliorer son endurance…
Effleurant les symboles équivalant sur son propre bras, Loarwenn se rappela sa surprise, quand la première fois qu’elle avait pu pénétrer dans le faunum de la tribu l’ayant adopté; elle l’avait immédiatement reconnu pour les ruines qu’elle avait passé sa seconde enfance à explorer. Comprenant qu’une fois de plus, traverser les mondes l’avait ramenée sur les lieux de sa naissance. Elle en ignorait la raison – mais comptait bien résoudre le mystère un jour.
Pour l’heure, elle recentra son attention sur son fiancé, curieuse de sa réaction au tatouage – elle se rappelait qu’il lui avait fallu un temps d’adaptation pour s’habituer à magie présente dans l’encre…
Rowan observa les nouveaux symboles ornant son bras gauche, ses ailes frémissant de manière caractéristique – indiquant qu’il était ravi. Le Faë tournant la tête vers elle pour la remercier, elle déposa un baiser sur ses lèvres, et sourit joyeusement.
Quoique l’avenir leur réserve – en cet instant, elle était heureuse, et chaque jour passé avec Rowan à ses côtés la rendait un peu plus heureuse encore.
82 Baronez : baronne
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