Chapitre 5 – Quelque chose a bougé
Je ne suis pas rentré tout de suite ce soir-là.
Franck avait filé sans un mot, en laissant la porte claquer doucement derrière lui. Il savait se retirer quand les choses devenaient floues. J’ai cru bon de partir aussi, mais Nathan, je peux l’appeler ainsi maintenant, non ? m’a retenu d’un regard.
— Tu veux rester un peu ?
Il a dit ça calmement, sans insistance, sans promesse.
J’ai hoché la tête.
Le salon était silencieux, un peu trop. Nathan s’est installé sur le bord du canapé, m’a fait signe de venir, et on a parlé. Pas de choses importantes. Pas encore. Mais de tout ce qui tournait autour.
— T’es pas d’ici, non ? m’a-t-il demandé.
— Je viens d’un peu plus loin. Famille bien rangée. Étudiant en droit. Le genre de vie qui n’étonne personne.
Il a souri, presque moqueur, sans méchanceté.
— Ouais, je vois. Un futur politicien bien propre sur lui. Et tu te retrouves dans ce quartier pour me dire que je ressemble à un “Nathan”.
— Je suis pas venu pour ça, j’ai dit. Mais c’est venu.
On a ri, juste un peu. Et puis il a baissé les yeux.
— Tu sais, Franck et moi… c’était vraiment fini. Mais parfois, on recule pour se sentir vivant. On s’accroche au corps de l’autre pour éviter de tomber.
Il m’a regardé droit dans les yeux.
— Je veux pas te mentir. Je suis pas le mec facile à cerner. Je fais des conneries, je suis libre, trop peut-être. Mais là, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de différent. Je ne saurais dire quoi exactement, mais c’était là, présent.
Je n’ai rien dit. Je sentais cette même chose grandir en moi, un frisson nouveau, un souffle partagé.
Quelque chose avait bougé, en silence.
Il s’est approché, sans me toucher, juste assez près pour que je sente sa chaleur. Pas un mot de plus. Il ne m’a pas embrassé. Il ne m’a pas demandé mon avis, mais son regard me suffisait. Il m’a regardé, comme pour m’apprendre à respirer autrement.
Et moi, je me suis dit que j’étais peut-être là pour ça : découvrir ce que veut dire ressentir, vraiment.
La nuit n’a rien promis. Mais elle a commencé à écrire une vérité plus grande que nous.
— La Voix Qui Écrit
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